Le brigadier Guy Vallat, responsable de la formation des militaires engagés dans les domaines logistiques et sanitaires, fait partie de l’aréopage qui pilote l’engagement de l’armée dans la lutte contre le coronavirus. Une opération qui bouscule les plans éprouvés et impose une grande réactivité.
La date du 26 février 2020 restera marquée dans la mémoire de Guy Vallat, citoyen de Mauborget et brigadier responsable de l’instruction de base de tous les militaires incorporés dans les domaines logistiques et sanitaires de l’armée suisse. C’est ce jour-là, au vu de l’évolution du COVID-19 et de ses possibles conséquences pour la population que l’état-major de l’armée démarre la planification de son engagement le plus important depuis la Seconde Guerre mondiale. Première mesure du dispositif : la mise à disposition des services de santé de six soldats sanitaires en service long à Bellinzone, pour une mission de transport de patients.
Rapidement, les engagements se multiplient. En première ligne, les recrues des écoles sanitaires d’Airolo et des hôpitaux de Moudon, qui sont affectées à des tâches diverses : soins aux patients hospitalisés ou aux résidents de home, triage de patients à l’accueil des hôpitaux et aux urgences, transport de malades. Elles sont rejointes par les militaires d’autres écoles et les spécialistes mobilisés : conducteurs de camion, soldats de la maintenance et du ravitaillement, personnel de cuisine ou vétérinaires. Après une brève instruction, près de 3000 soldats sont déployés, dont 2400 sanitaires. Ils sont engagés dans toute la Suisse, de Lugano à Bâle et de Genève à Frauenfeld.
« Je suis extrêmement fier de nos militaires, femmes et hommes, qui, ayant reçu un simple SMS leur indiquant de rejoindre sans délai leur place de mobilisation, ont tout quitté pour rallier leurs unités, y compris ceux qui étaient en vacances à l’étranger », salue le brigadier Vallat.
« Il fallait durer »
Certains se plaignent d’être désœuvrés. Une petite partie des mobilisés est renvoyée à la maison, avertie cependant qu’elle doit se tenir prête à revenir sous les drapeaux en 24 heures en cas de besoin. « Il fallait durer et disposer de suffisamment de moyens au cas où le nombre de patients atteints par la pandémie dépasserait les capacités des services de santé », expose le brigadier Vallat. Dans la région, la compagnie sanitaire 4, stationnée à Bière, vient en appui à Ballaigues et à L’Auberson, notamment.
Pour l’état-major, un des défis à relever a été de loger les troupes mobilisées, alors que les casernes étaient occupées par les écoles de recrues, et de mettre en place des mesures de distanciation sociale. Ce qui s’est traduit par l’installation de dortoirs improvisés dans des salles de sports ou des écoles, par la mise en sens unique de couloirs et d’escaliers, et par le port du masque obligatoire lorsque la distanciation sociale n’était pas possible, comme lors de la formation médicale. « Pour pouvoir être engagés, les militaires ne devaient en aucun cas tomber eux-mêmes malades », souligne le brigadier Vallat. D’où la suppression des congés jusqu’à Pâques, hors motif exceptionnel, ce qui a aussi été le lot des recrues. Si le confinement lors des congés a permis de réduire la contamination des soldats par le COVID-19 à « quelques cas à Drognens, Airolo ou Monte Ceneri en ce qui concerne la formation d’application », précise Guy Vallat, il a aussi induit des solutions bricolées pour la lessive des effets personnels et les loisirs et occupations en dehors des missions.
Délai très court
La crise du coronavirus a passablement « secoué » l’organisation de l’armée, et pas seulement dans les aspects logistiques. Guy Vallat le souligne : « L’instruction de base des militaires est facilement planifiable à moyen et long terme. Les processus sont parfois assez lents… Avec l’arrivée du COVID-19, l’incertitude a soudainement remplacé les plans éprouvés… Les décisions du Conseil fédéral ont eu un impact direct sur nos activités avec un délai très court. Les nuits et les week-ends sont devenus des notions très relatives. Nous avons rapidement réorganisé notre façon de travailler pour être plus réactifs ».
Homme de terrain, proche du quotidien de la troupe, le brigadier Vallat dit éprouver « un mélange de fierté, d’enthousiasme et de préoccupations ». La fierté que des femmes et des hommes investissent leur temps, leur énergie et leurs compétences au profit du pays. L’enthousiasme de pouvoir apporter une contribution décisive avec une armée de milice « véritable couteau suisse », polyvalente, rapide et efficace. Des préoccupations enfin, pour toutes celles et ceux qui sont touchés dans leur santé ou dans leur emploi. Mais également par rapport à la suite incertaine de cette crise et de ses conséquences.
Pour les semaines et mois à venir, l’armée va adapter son dispositif au « rythme dicté par le virus ». Sans modification radicale de la situation, les écoles de recrues seront libérées à la mi-mai, et les écoles d’été planifiées comme prévu. À l’heure actuelle, une réduction de l’aide au système de santé publique est en cours. L’état-major licencie une partie des compagnies sanitaires, qui resteront néanmoins prêtes à être de nouveau mobilisées. Pour ce qui est de la fin de l’engagement de l’armée dans la lutte contre le COVID-19, le brigadier Vallat reste humble : « personne n’est en mesure de se prononcer ».
Un parcours de battant
Guy Vallat est né le 24 septembre 1964 dans un village de l’Ajoie (Jura), dans une famille de restaurateurs-hôteliers. Il est marié, père de trois garçons, et réside à Mauborget depuis 1994.
Sa vie professionnelle est axée sur la formation et l’instruction des cadres après une formation d’officier de carrière à l’EPFZ (Zurich). Ultérieurement, il suit le cours supérieur d’état-major à l’École Royale Militaire de Bruxelles. En 2014, il décroche un Masters of Advanced Studies in Security Policy and Crisis Management à l’EPFZ.
Parcours en bref : commandant des Écoles de recrues de l’infanterie de Bière et Chamblon, puis des écoles de cadres de l’infanterie de Colombier. Délégué pour l’armée à la direction de l’exercice du réseau national de sécurité. Dès 2015 : Commandant de la formation d’application de la logistique, à Thoune.
Engagements personnels : Conseiller général à Mauborget. Membre du Conseil de paroisse de l’Unité pastorale Chasseron-Lac de l’église catholique.
Hobbies : le chant choral et la course à pied.