Vivre les symptômes du COVID-10 en étant confinés à la maison. C’est ce qu’ont vécu plusieurs habitants du Balcon du Jura. Parmi eux, Rachel Gueissaz, qui a bien voulu en témoigner. Elle est encore fatiguée et éprouve toujours des difficultés respiratoires.
« Le soir du 10 mars, évoque Rachel Gueissaz, j’ai eu de forts maux de tête et des étourdissements. Les autres symptômes ont démarré quelques jours plus tard et sont allés crescendo : forte fièvre, grosse toux sèche, douleurs dans tout le corps, fatigue intense, étourdissements, sensations d’étouffement et difficultés respiratoires, même au repos. »
Où avez-vous fait le test de dépistage, et quels conseils avez-vous reçu ?
Mon mari m’a poussée, le jeudi matin, à appeler l’hôpital. Travaillant à la réception du RSBJ, rendez-vous a été pris en policlinique, avec mon plus jeune fils, qui présentait des symptômes. Le médecin de ce jour, Jean-Baptiste N’Gassop, a décidé de nous tester tous les deux après discussion. Nous pouvions être à « risque » (problèmes d’asthme). Je suis repartie en étant quasi sûre que le frottis s’avérerait négatif. À 23h30, l’hôpital nous a téléphoné : mon fils était négatif au Covid-19 mais mon prélèvement était positif. Le Dr Oscar Daher, qui m’a contactée, m’a enjoint de m’isoler pendant au minimum 10 jours et 48 heures après la disparition des symptômes. Mon fils resterait également en isolement. Le reste de la famille devait se mettre 5 jours au moins en quarantaine. Le lendemain matin nous avons informé de la situation l’employeur de mon époux et l’école des enfants, mais également le CPNV où mon aîné devait se présenter.
Qu’est-ce qu’on ressent quand on apprend que l’on est atteint du coronavirus ?
J’ai pensé avant tout à protéger ma famille. Pendant que mon époux se déplaçait à l’hôpital chercher un dépliant expliquant les mesures de confinement et des masques de protection, j’ai changé les draps de lit, les linges de maison et lavé aussi tous les habits du panier à linge sale. J’ai également fait tourner le lave-vaisselle, désinfecté la cuisine et les salles de bains. Je me suis ensuite isolée dans la chambre d’amis. Là, j’ai soudain réalisé que j’étais fortement contagieuse pour les autres et que je pouvais mettre en danger des personnes à risque de mon entourage. J’ai très mal dormi. Je tentais de me rassurer en me disant que je n’avais côtoyé personne durant la période « d’incubation » et que je n’avais donc pas pu contaminer qui que ce soit. J’espérais fortement que mon époux et mes enfants soient épargnés. De leur côté, ils s’inquiétaient de voir mon état se détériorer et avaient peur que je doive me faire hospitaliser, voire pire.
Comment la famille s’est-elle organisée ?
Mon fils et moi-même, nous nous sommes isolés à l’étage, où nous prenions nos repas et passions nos journées. Il redescendait le soir dans sa chambre, sans entrer en contact avec son frère, ni son papa. Nous avons continué toutefois d’utiliser salle de bains, toilettes et cuisine, mais en étant particulièrement attentifs aux règles d’hygiène : bien se laver les mains avant et après, désinfecter les surfaces touchées après usage, séparer nos linges et habits personnels des autres… Et nous avons pu prendre l’air tous les jours dans le jardin, sans risquer de côtoyer du monde.
Quels ont été les moments les plus durs, physiquement et moralement ?
Moi qui suis normalement très active et qui aime le contact avec les gens, tout s’est arrêté net. Je me suis retrouvée totalement coupée du monde extérieur, désœuvrée, seule et inutile. C’est déstabilisant, irréel. Physiquement, l’essoufflement et les sensations d’étouffement sont particulièrement difficiles à vivre. Les courbatures également. Quand je me levais, que je descendais l’escalier ou que je faisais péniblement le tour du jardin, il me semblait que j’avais vieilli de 30 ou 40 ans au moins !
Qu’est-ce qui vous a aidé à vous rétablir ?
Le repos. Du Dafalgan pour les symptômes, un traitement pour l’asthme et des huiles essentielles avant tout. Et bien s’hydrater. Les symptômes principaux (fièvre et toux) ont disparu le 28 mars. J’ai recommencé à travailler le 1er avril. Encore très fatiguée, avec quelques maux de tête résiduels et de l’asthme. Lundi 13 avril, fièvre légère et toux de retour. Après consultation auprès de la Drsse Byot-Simon, nouvel arrêt de travail, pour une « bronchite ». La situation a été plus « facile » à gérer que la première fois, sauf au niveau de la respiration, de nouveau difficile.
Est-ce que des membres de votre famille ont été contaminés ?
Le plus jeune a été testé, mais négatif. Mon époux et mon aîné n’ont pas développé de véritables symptômes de la maladie : un léger essoufflement et mal de gorge pendant deux jours pour mon époux ; une sensation d’avoir « du papier de verre » dans les veines pour mon aîné durant 24 heures.
Avez-vous une idée de l’origine de votre contagion ?
Aucune. Je n’ai côtoyé aucune personne qui semblait malade ou présentait des symptômes durant les semaines précédant ma quarantaine, que ce soit au travail, dans ma vie privée, ni même au Comptoir.
Aujourd’hui, est-ce que le COVID-19 a changé des choses dans votre mode de vie et vos valeurs ?
Cette période de confinement permet de nous arrêter, de respirer, de nous reposer, de nous retrouver en famille et de partager des moments plus détendus. Je réalise, comme beaucoup, que nous courons toujours après la performance, les résultats, le paraître. Ce Covid-19 a, en quelque sorte bloqué les aiguilles de l’horloge du monde, laissant à la terre et à nous, ses habitants, le temps de prendre une grande respiration, de se ressourcer, de réfléchir à ce que nous sommes et ce que nous désirons. J’espère que, pour la plupart des gens, les sentiments de solidarité, de prise de conscience écologique, d’envie de changer le monde et de manière de vivre, ne seront pas rapidement oubliés dès que tout « redeviendra comme avant ».