Thomas Baumgartner renoue à sa manière avec la tradition des paysans-horlogers. En plein COVID-19, son activité lui a laissé du temps pour approcher les métiers de la terre. Une expérience enrichissante qu’il va poursuivre.
« Nous achetons des produits bio depuis longtemps », exprime Thomas Baumgartner, horloger indépendant installé à Sainte-Croix depuis janvier 2020. Il travaille pour des magasins spécialisés, et la crise du COVID-19 a réduit son activité. « Depuis tout petit, j’aime la nature », poursuit l’horloger qui a donc décidé de consacrer son temps libre à une occupation à temps partiel dans l’agriculture. Il a contacté Matthieu Glauser, agriculteur bio à Champvent, qui est également président de Biovaud. Le courant est tout de suite bien passé entre les deux hommes. « En général, outre des apprentis, j’engage plutôt des stagiaires, souvent étudiants, pour les travaux de désherbage », relève Matthieu Glauser. Mais l’appel du Sainte-Crix d’adoption tombe pile au moment où l’agriculteur cherche de l’aide.
Travail utile
D’un jour à l’autre donc, Thomas Baumgartner débarque à la ferme, pour quelques demi-journées hebdomadaires. Et voilà l’horloger, arrache-racines en mains, occupé à extirper rumex et autres chardons des prairies. Il travaille volontiers physiquement, mais ses muscles fatiguent, « surtout au début », reconnaît-il.
Le nouvel employé de Matthieu Glauser prend sa mission au sérieux : « C’est un travail utile, je le découvre et je vois que cela me plaît. Et nous discutons beaucoup. En famille, nous avions déjà la conviction de nous nourrir avec des produits sains, mais maintenant, je vois de mes yeux ce qu’est une terre en bonne santé ». De son côté, Matthieu Glauser se réjouit des échanges avec son nouveau stagiaire : « C’est très enrichissant de confronter nos points de vue, et je peux aussi expliquer notre travail ». La relation amicale qui s’est nouée rend les tâches répétitives plus agréables pour chacun.
Thomas Baumgartner est rémunéré pour son activité selon un barème convenu d’avance, et son salaire est complété par des produits de la ferme. « Ce n’est pas vraiment rentable, avec les trajets, mais l’ambiance est très bonne. » L’arrachage de mauvaises herbes ou l’installation des clôtures pour le bétail à Bullet où l’agriculteur alpe ses bêtes, représente aussi pour lui une sorte de méditation. Pendant que ses mains s’activent, son esprit échafaude des concepts créatifs qu’il réalisera plus tard. « Quand je suis à mon établi, je suis très concentré sur mes tâches et je ne peux pas réfléchir à mes projets. »
À Sainte-Croix en 1991
Thomas Baumgartner est né en Thurgovie et s’est formé aux métiers de l’horlogerie à Schaffhouse. Il travaille ensuite un an en Angleterre et se spécialise dans la pendule du 17e siècle. Il vient une première fois à Sainte-Croix en 1991 et rencontre Denis Flageollet, Vianney Halter et Nicolas Court avec lesquels il travaillera pendant sept mois. Puis il s’installe à son compte dans la maison de François Junod qui lui commandera la réalisation de mécanismes pour ses automates.
Même si Sainte-Croix « est toujours présent dans son cœur », l’horloger s’installe quatre ans plus tard à Genève, où il crée une manufacture de montres et rencontre celle qui deviendra sa femme. Après un détour en Thurgovie, il s’installe à Sainte-Croix au début de cette année.
Aujourd’hui, en conjuguant ses activités, il se sent un peu dans la peau de ces horlogers paysans des siècles passés qu’il a connus par ses lectures. Une vie qui lui convient. Quand son activité professionnelle reprendra un rythme normal, il souhaite garder les contacts avec la terre et la ferme bio de Matthias Glauser. L’agriculteur y est favorable : « L’intérêt de personnes motivées, qui connaissent le domaine, au moment où nous avons des pics d’activité, est très utile. Cela renforce aussi les liens entre la ville et la campagne ».
Recruter, un métier
Au début de la crise du coronavirus, une plateforme, Agrix.ch, a été lancée pour mettre en relation les personnes au chômage technique ou sans emploi avec les cultivateurs en manque de main-d’œuvre, leurs ouvriers habituels étant retenus ou restés dans leurs pays respectifs. Aujourd’hui encore, le site recense un grand nombre de postulations. En revanche il y a peu de recherches de personnel auxiliaire publiées. Matthieu Glauser pointe le problème : il manque à cette démarche un intermédiaire administratif qui pourrait appeler les postulants et faire des propositions ciblées aux agriculteurs, vignerons et maraîchers. Les cultivateurs qui font de la vente directe, les maraîchers ou les vignerons, confrontés à des demandes accrues ou à des travaux saisonniers qui n’attendent pas, n’arrivent pas à dégager le temps nécessaire pour se mettre dans le bain d’un nouveau métier, celui de recruteur.