
Malgré quelques flocons tombés mardi, pas d’illusions : la saison d’hiver 2022-2023 est bel et bien terminée. Dimanche 19 février, les remontées mécaniques du domaine de Sainte-Croix - Les Rasses fermaient boutique, faute de neige, et les pistes de ski de fond devenaient déjà impraticables. Les professionnels du tourisme hivernal tirent un bilan mitigé de cette saison, tandis que l’annonce, cette semaine, de l’entrée de la petite station régionale dans le Magic Pass suscite espoirs et interrogations.
La saison hivernale aura semblé passer en un clin d’œil pour les amateurs de sports d’hiver. Faute de neige, le domaine Sainte-Croix - Les Rasses n’a pu ouvrir que le 18 janvier avant de devoir fermer au terme d’environ un mois d’exploitation. Et d’après Corinne Graf, responsable communication de la Société coopérative des remontées mécaniques du Balcon du Jura (SCRMBJV), sans la neige artificielle produite mi-décembre, la station n’aurait probablement pas pu ouvrir du tout. D’ailleurs, les pistes du côté des Avattes, elles, sont restées fermées faute d’enneigement artificiel.
Sans surprise, le constat est encore plus morose du côté de Mauborget, où le ski-lift affiche 10 jours d’ouverture au compteur. « C’est l’une des plus petites saisons que l’on a connues », déclare Sven Matthey, responsable de la société coopérative des remontées mécaniques de Mauborget. « L’année passée, on avait pu ouvrir 26 jours, et celle d’avant 46. » Même son de cloche du côté de la piste éclairée, gérée par le ski club de Sainte-Croix, qui ne rentrera pas dans ses frais cette année, mais s’en sort, comme Mauborget, grâce au travail des bénévoles.
Ceux qui tirent leur épingle du jeu
Pour la patinoire de L’Auberson en revanche, le constat n’est pas si mauvais : 26 jours d’ouverture. À quelques jours près, un résultat similaire à l’année passée. « Pour nous, c’est une bonne saison », explique James Leuba, l’un des responsables de la patinoire. « La neige transforme la glace de la patinoire en neige, ce qui demande plus d’entretien et la rend même impraticable. Il fallait donc surtout qu’il fasse suffisamment froid et beau, des conditions remplies. »
Du côté du ski de fond, Michel Roulet préfère voir le verre à moitié plein, malgré les 33 jours d’ouverture, la saison la plus courte de tous les temps selon ses mots. « Ce n’est pas une bonne saison niveau neige, mais ce n’est pas forcément catastrophique pour les finances », relève le responsable du Groupement des skieurs de fond des Rasses (GSFR), chargé du damage des 65 km de pistes. En effet, une partie de la clientèle achète la carte annuelle sur la base de la saison précédente, qui avait été très bonne en 2022 avec 109 jours d’ouverture. « L’autre point positif, ajoute Michel Roulet, c’est qu’on a réussi à tenir un mois avec 25 cm de neige parce qu’il a fait froid. » Cela n’aura malheureusement pas suffi à maintenir la MARA, la course de ski de fond qui a lieu le premier week-end de mars. Une réflexion sur un changement de date pour cet événement populaire (qui a déjà connu trois annulations en quatre ans) n’est pas à exclure. Michel Roulet, président de l’organisation, invoque toutefois la difficulté à trouver un autre week-end libre dans l’agenda chargé des courses de ski de fond.
Des hôteliers-restaurateurs mitigés
L’absence de neige durant la période des fêtes, une fin de mois de février douce qui a causé l’annulation de la MARA, et la fermeture précoce des pistes de ski alpin et de ski de fond laissent imaginer de mauvaises affaires pour les professionnels de l’hôtellerie et de la restauration. Le constat est nuancé. « On arrive toujours à s’en sortir, mais depuis que je suis là, c’est une des pires années », explique Patrice Bez, gérant du Grand Hôtel des Rasses. Si janvier et février lui ont permis d’engranger un nombre de nuitées comparable aux années précédentes, le mois de mars représente déjà un manque à gagner de 10 %, avec en prime des factures d’électricité qui ont fortement augmenté par rapport à l’année passée. Le Grand Hôtel des Rasses peut compter en hiver sur son restaurant, son bistrot « La boîte à musique » et son spa qui fonctionnent bien, et attirent une clientèle qui n’est pas toujours à la recherche de neige. Mais comment s’en sort l’Hôtel du Chasseron, perché sur le point le plus haut du Balcon du Jura ? Pour Nicolas Blanchard, la saison a été courte mais paradoxalement très bonne pour le restaurant. « Dès qu’il a neigé, on a eu beaucoup de monde, on était complet presque tous les soirs », explique le restaurateur qui évoque des chiffres similaires à ceux de la période avant Covid. Il faut dire que l’Hôtel du Chasseron qui est accessible à pied, en raquette ou à ski de rando ne dépend pas des remontées mécaniques, et les nuitées restent anecdotiques, que la neige soit au rendez-vous ou non.
Le Magic Pass comme solution ?
Mardi, la nouvelle tombait : le domaine de Sainte-Croix-Les Rasses entre dans le Magic Pass. L’abonnement de ski « low-cost » créé en 2017 permettra à ses détenteurs de skier et de profiter des infrastructures estivales dans 69 stations (majoritairement en Suisse, mais aussi dans le Jura français), du 1er mai 2023 au 31 avril 2024. Pour Yvan Pahud, municipal en charge du tourisme dans la commune de Sainte-Croix et membre du comité du SCRMBJV, l’association de la station locale avec le mastodonte bleu permettra d’assurer l’avenir des remontées mécaniques, dont l’exploitation, même les bonnes années, ne permet pas de couvrir les charges.
« Grâce au « T’es Royé » (l’abonnement local), ça nous faisait un bon financement de base », explique Corinne Graf. « Mais on perdait à peu près 20 % de clients par année. » L’entrée dans le Magic Pass devrait ainsi donner accès à une manne financière au travers de ses 165’000 abonnés, un nombre en constante augmentation qui permet d’envisager de nouvelles perspectives. « Le domaine est idéalement situé, proche d’Yverdon et de Lausanne, mais on peut aussi espérer attirer des Bernois et des Lucernois qui passeront quelques nuitées chez nous », élabore Yvan Pahud qui espère des retombées pour les hôtels, restaurants et commerçants locaux. Car le politicien en est convaincu, la découverte de la station de ski offrira une visibilité générale aux atours de la région. « Quand une personne vient skier, elle voit le panorama, les infrastructures de randonnées, de VTT, les hôtels, les restaurants, le futur Musée, elle aura envie d’y revenir l’été ». Le développement du tourisme quatre saisons pourrait être boosté par cette entrée dans le Magic Pass puisque le précieux sésame permet d’utiliser un certain nombre d’infrastructures estivales.
Interrogé sur la question, Patrice Bez se réjouit d’une meilleure visibilité de la région que l’entrée au Magic Pass pourrait apporter mais s’inquiète du fait que l’accueil tienne la route sur le Balcon du Jura, notamment en termes de parking. « Cette année, j’ai reçu des courriers de la commune et de la gendarmerie qui se plaignaient du parking sauvage devant le Grand hôtel des Rasses », mentionne-t-il. Yvan Pahud, lui, dit presque espérer être confronté à une telle problématique qui signifierait un afflux important de clients dans les hôtels et les restaurants.
Fin du « T’es Royé »
L’abonnement « T’es Royé » disparaît. Il s’en était vendu 1’519 cette année. Il sera toujours possible d’acquérir un abonnement valable uniquement pour les stations locales, mais au prix de 360.-, contre 399.- pour le Magic Pass s’il est acquis (directement sur le site du prestataire) entre le 14 mars et le 11 avril (l’abonnement passant ensuite à 899.-). À noter que les communes de Sainte-Croix et de Bullet subventionneront l’achat d’un abonnement Magic Pass pour les enfants de 6 à 16 ans, à hauteur de 135.-. Acheté jusqu’au 11 avril, l’abonnement reviendrait ainsi à 134.-.
Tout comme le « T’es Royé », l’abonnement Magic Pass permettra d’accéder à la piste éclairée et à la patinoire de L’Auberson, mais pas aux infrastructures de ski de fond qui continueront à être gérées à part.
Le ski de fond ne connaît pas la crise
En parallèle au succès du Magic Pass qui amène toujours plus de monde sur les pistes de ski alpin, le ski de fond connaît de plus en plus d’adeptes. L’activité a en effet connu un regain d’intérêt, accéléré lors des années Covid. La pandémie passée, les habitudes semblent s’être confirmées. Chez Bertschinger-Sports, on constate une hausse de location de matériel de ski de fond ces dernières années. « Les gens veulent être dans la nature, mais pas forcément faire la queue aux remontées mécaniques ou être sur des pistes où il y a plein de monde », avance Esther Rochaix. L’activité représente de surcroît un coût inférieur au ski alpin pour une famille. Les conditions peu favorables de cette courte saison n’ont pas pu confirmer la tendance mais sur les jours praticables, Jacqueline Michod, qui tient avec Anne-Lise Christen la buvette La Caravane sur les pistes des Rasses, confirme une augmentation de fondeurs, et notamment de parents avec leurs enfants.
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