Pour clore la 61e saison, la Guilde de la Musique de Chambre a déniché le Picasso Quartet Quatuor de Cors. Le nom révèle l’instrument célébré, l’origine ibérique des artistes, et bien plus encore. Leur façon de se donner en concert fait l’écho d’une démarche plastique de Pablo Picasso. Ce fondateur du cubisme floute les frontières entre peinture et sculpture. Les instrumentistes brisent les barrières entre le plaisir d’écouter et la joie d’apprendre. Retour sur un concert d’une beauté ludique.
Trompette de forme voluptueuse ? Tuba menu et sensible au toucher ? Un cor d’harmonie est composé d’une embouchure, de tuyaux et d’un pavillon. Pour illustrer l’essentiel de ce cuivre, le quartet livre le premier morceau à l’aide d’engins « fait maison ». Soufflant dans l’embouchure fixée sur un tube d’arrosage couronné d’un entonnoir couleur orange pétant, les concertistes interprètent « Rendez-vous de chasse » de Gioacchino Rossini. Ainsi, tout en allant à l’essence formelle, ils conduisent aux origines de l’univers sonore de l’instrument : le plein-air, la verdure, l’escapade dans un décor champêtre. Après cet embarquement mélodieux et didactique, Andrea Zardini et Iván Ortiz, Alejandro Cela et Antonio Lagares accompagnent les spectateurs à travers l’histoire de cet aérophone.
À l’époque baroque, les cornistes rejoignent l’orchestre. Au 17e siècle ce cuivre ne dispose alors que d’un registre limité de notes. Cependant, il parvient à traduire les variations du goût frivole et insouciant. Festif et léger, « Canzon Cornetto » de Samuel Scheidt en témoigne. Au fur et à mesure que la facture et la technique de jeu évoluent, l’éventail de tons s’enrichit. Au programme, des extraits d’opéras romantiques et plus encore l’Opus 35 de Nicolaï Tcherepnin qui illustre la diversité de la palette sonore. Tel qu’un hommage à l’instrument, la composition est une enfilade de pièces. D’une douceur somnolente à une mélodie dansante en passant par un mouvement cynégétique, elle donne corps aux capacités insoupçonnées du cor. Quant à un air d’Ernest Shaw, il évoque le jazz et hisse la « coqueluche » du Picasso Quartet au statut du saxophone.
« À la base, c’est un instrument à vent peu populaire. Après le solfège, on me l’a attribué. Sans me poser de questions, je me suis appliqué pour ne plus jamais l’abandonner », se souvient Iván Ortiz. Qu’il faut une maîtrise, l’audience a pu s’en rendre compte. Après le concert, les musiciens répondent aux questions et offrent l’occasion au public d’essayer de faire sortir quelques notes de ce cuivre. L’expérience amusante illustre bien qu’en sus de l’objet et de la partition, l’artiste est l’ingrédient clé pour la réussite d’un moment harmonieux.
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