Le Parc éolien de la Grandsonnaz et ses 15 machines est contesté par plusieurs organisations de protection de la nature et de nombreux particuliers. Quelque quatre cents oppositions ont été enregistrées à Bullet. L’ampleur de l’intervention, l’impact sur le paysage et la faune ailée et le rendement sont querellés.
Les défenseurs de la nature, Pro Natura, BirdLife, Helvetia Nostra et la Fondation suisse pour la protection et l’aménagement du paysage (SL-FP) ainsi que deux associations de citoyens se sont opposés dans les délais au projet de Parc éolien de la Grandsonnaz. Initié par la société Ennova, filiale des Services Industriels Genevois, le Parc prévoit la construction de quinze éoliennes de 150 mètres de haut sur la crête du Chasseron en direction du Creux-du-Van. Les oppositions des associations, comme celles des quelque quatre cents particuliers qui se sont manifestés à Bullet, sont dirigées contre un plan partiel d’affectation qui combine les étapes d’affectation du sol et d’autorisation de construire.
Quatre communes sont concernées : Bullet, Mauborget, Fiez et Fontaines-sur-Grandson. Une station transformatrice était également à l’enquête à Tévenon. De nombreux opposants ont saisi toutes les communes simultanément. Face à la complexité du projet, et au volume du dossier, plusieurs milliers de pages, de nombreux intervenants ont calqué leur démarche sur un modèle rédigé par les associations qui luttent contre l’implantation d’éoliennes sur les crêtes du Jura. « Nous frôlons le millier de contacts sur le site pour retirer le document », relève Pierre Cusin, président de Vol au Vent, à Villars-Burquin.
« Pas surprise »
« Sincèrement, je ne suis pas surprise du nombre d’oppositions que la commune a reçu », exprime Maude Gonthier, syndique. « La première semaine, il y en avait déjà huitante, et c’est allé en augmentant les semaines suivantes. »
De son côté, Claude Roulet, syndic de Mauborget, disait mercredi soir ignorer le nombre de courriers arrivés dans sa commune.
Pro Natura agit également en qualité de propriétaire, avec la Ligue suisse pour la protection de la nature, de 70 hectares dans le secteur de la Cruchaude, à proximité de deux éoliennes. L’association fustige « une intervention d’ampleur massive ». Soit la création et l’élargissement de routes d’accès sur 14,7 km, le décapage de matériaux correspondant à 5500 camions et l’excavation de l’équivalent de 7200 camions de matériaux rocheux.
Les associations relèvent un « défaut d’indépendance » de certaines études réalisées par Ennova, portant sur le potentiel éolien, l’acoustique, les ombres portées et les études paysagères. Dans un communiqué commun, elles soulignent que « ce projet dégrade significativement la crête principale du Jura vaudois entre le Chasseron et le Creux-du-Van ». Elles dénoncent la superficialité de l’étude paysagère qui ne prend pas en compte le point de vue emblématique et exceptionnel du Chasseron. Le chemin des crêtes du Jura passe par ce sommet. Hormis les randonneurs, ce sont des milliers de touristes et promeneurs qui montent au Chasseron. Sans compter les courses populaires.
Directeur romand de la SL-FP, Roman Hapka relève de son côté qu’Ennova a utilisé un outil d’évaluation conçu de sa fondation, mais que « soit la société n’a pas compris l’outil, soit elle l’a systématiquement biaisé pour que les résultats concluent au maximum à la création d’un parc éolien à l’emplacement souhaité ».
Fort impact sur les oiseaux
Un autre grief porte sur l’impact sur la faune ailée. Directeur de Bird-Life, François Turrian rappelle que plusieurs espèces d’oiseaux – grand tétraz, bécasse des bois, alouettes lulu -
et de chauves-souris sur liste rouge fréquentent le site. Les algorithmes prévus pour arrêter les éoliennes ne suffiront pas à éviter des pertes significatives.
Michel Bongard, de Pro Natura, critique en outre le fait que chaque étude d’impact se limite au territoire d’un parc, et ne prend pas en compte les projets voisins de Provence et Grandevent, ni ceux de la Montagne de Buttes et de Mont-de-Boveresse.
Paysage-Libre-Vaud estime enfin que les mesures de vent réalisées par Ennova sont « trop optimistes. Elles montrent un écart de plus d’un mètre/seconde avec celles de l’Atlas des vents de la Confédération de 2019, soit environ 20 % ».
Renoncer
Les enjeux de la transition énergétique « ne sauraient justifier sans conditions des impacts aussi massifs sur le paysage et la faune », fustigent les opposants. En lien avec le projet éolien de Grenchenberg (SO), le Tribunal fédéral vient de confirmer que la protection d’espèces menacées devait dans certains cas l’emporter sur l’intérêt de la production d’électricité renouvelable et a supprimé les deux machines les plus critiques du projet, précise Jean-Marc Blanc, secrétaire de Paysage-Libre-Vaud.
Les associations de défense de la nature, qui se sont réparti la lecture du volumineux dossier pour intervenir chacune sur des points précis demandent à être entendues ensemble.
Les communes concernées vont se réunir la semaine prochaine afin de convenir d’une stratégie commune pour répondre aux opposants. « Nous devrons définir par exemple si la même opposition déposée dans les quatre communes est à considérer comme une ou comme quatre oppositions », relève Maude Gonthier.
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