
C’est par ces mots – gravés sur une plaquette en bois discrètement fixée à l’une des poutres de la maison du cirque, et incitant les spectateurs à lever les yeux et ainsi s’imprégner du lieu – que les Conteuses du Nord ont clos leur spectacle : « Le prince qui ne savait pas se taire ». Un moment de contes proposé par l’association CinéScène.
Dehors il neige à gros flocons, Yves Bugnon déneige l’entrée et, la pelle à la main, invite les spectateurs encapuchonnés à entrer. À l’intérieur, la pièce est aux deux tiers comble. Une trentaine de personnes sont installées et discutent joyeusement en attendant le début du spectacle. Une douce chaleur ajoute à l’agréable ambiance. Les plus observateurs auront remarqué cinq dames dispersées ici et là, arborant un foulard blanc sur leur nuque ; les conteuses sans nul doute. Sur le fond orange de la maison du cirque, l’accordéoniste est assise à gauche de la scène. En face, une autre dame attend patiemment sur un pouf. Une lanterne et quelques bougies complètent sobrement le décor.
Peu après 17h, Dominique Bugnon accueille l’assemblée et remercie les Conteuses du Nord avant de leur céder rapidement la place. Point de coups frappés au sol, pas de lever de rideau, mais l’allumage des bougies annonce le début du spectacle. Le public est attentif. Après quelques notes d’accordéon, la première conteuse prend la parole. L’introduction et fil conducteur, c’est l’histoire d’un jeune prince du Tibet qui ne peut se contenter de ce qu’il a, et décide donc un jour de façon égoïste de quitter les siens. Cela le conduira à exécuter un abominable crime dont il tentera de se repentir, sur les conseils d’un ermite. Il s’agira pour le prince d’entreprendre un long voyage afin de rapporter un cadavre très spécial, mais cela devra absolument se faire sans prononcer un seul mot.
Le cadavre si spécial est doué de paroles, il incitera le prince à parler en lui racontant des histoires. Ainsi quatre autres conteuses se succèderont, durant près de 1h30 pour interpréter le cadavre en intégrant à chaque fois un nouveau conte, au son de l’accordéon. Certains sont doux, d’autres amusants, surprenants voire coquins, mais la finalité du conte est d’en retirer une leçon. Pour le prince, ce sera la persévérance, l’humilité, la patience… Il retournera finalement en son palais, épouser la femme qui lui était destinée. Ensemble ils vécurent heureux en compagnie de leurs nombreux enfants, jusqu’à la fin de leurs jours.
Les mots sont bien choisis et le jeu des conteuses est captivant. Pas de jeunes enfants pour ces histoires ; cela était écrit, les contes s’adressaient aux adultes et ados dès 14 ans. L’assemblée, composée principalement de dames accompagnées de rares messieurs, semble avoir apprécié. Sur l’arrière, venus volontiers aider les hôtes des lieux, les jeunes étudiants de l’école du cirque s’en sont amusé. Leurs rires bienvenus ont ravi les conteuses, m’ont-elles confié.
En jetant un coup d’œil à travers les fenêtres, l’on s’aperçoit que la nuit est tombée. On devine les flocons qui dansent encore à la lumière des lampadaires. La collation et le thé à la cannelle réchauffent les âmes avant qu’elles ne reprennent la route de la maison… des histoires plein la tête.
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