Un modèle de soins performant, adapté aux caractéristiques locales et aux attentes sociosanitaires cantonales : le RSBJ présente ses orientations stratégiques, qui s’accompagnent d’un changement de paradigme.
À l’avenir, les personnes âgées et les patients atteints de maladies chroniques seront plus nombreux en Suisse. Le Balcon du Jura, avec une moyenne d’âge supérieure à celle du canton, préfigure la radiographie de la population dans dix ou vingt ans. Il constitue une région pilote pour le développement d’une nouvelle approche, le réseau de soins intégrés, dont la vision a été présentée à la population de Sainte-Croix jeudi dernier.
Alain Périat, directeur général, le Dr Oscar Daher, directeur médical, Corinne Girod, infirmière et directrice des soins, cogitent depuis deux ans avec plusieurs collègues sur un modèle de soins intégrés qui vise à ce que la population de la région reste le plus longtemps et le mieux possible en bonne santé.
Devenir un « actient »
Leur réflexion a accouché d’un plan stratégique 2022-2026, qui postule que le patient soit davantage acteur de sa santé, ou autrement dit, devienne un « actient ». Les patients bien informés jouent un rôle actif pour leur santé. Et lorsqu’ils tombent malades, une seule porte d’entrée leur donne accès à des prestataires de soins qui coopèrent et communiquent entre eux et avec les « actients », assure le RSBJ. Pour rappel, les prestations du Réseau de santé sont dispensées par l’hôpital (site des Rosiers), les cabinets médicaux des Alpes et de Baulmes, l’EMS L’arbre de vie, le Centre d’accueil temporaire (CAT) et l’ASPMAD (Aide et soins à domicile). Le plan stratégique s’appuie sur les 280 collaborateurs, « ressources essentielles » et sur le « développement d’une gouvernance et d’une organisation cohérentes et performantes ».
Sous tension
Une évolution est d’autant plus nécessaire que le système de santé est sous tension, confronté d’une part à un marché du travail asséché et à des exigences politiques de freiner l’évolution des coûts. Dans le même temps, les patients atteints de maladies chroniques ou d’affections multiples consultent plus fréquemment le médecin et/ou divers spécialistes. On leur prescrit davantage de médicaments et ils sont hospitalisés plus souvent.
De son côté, l’OFSP (Office fédéral de la santé publique), cité dans le rapport du RSBJ, souligne qu’un manque de coordination entre les prestations octroyées peut nuire à la qualité des soins et générer des interventions superflues et des dépenses inutiles. Alors que l’amélioration de la coordination permet d’axer davantage les soins sur la volonté du patient et d’utiliser les ressources de manière plus efficace.
Tout changement suscite des craintes. Au cours de la présentation, une auditrice a demandé, avec de l’inquiétude dans la voix : « quand je serai malade, je continuerai de venir à l’hôpital ? ». Alain Périat a tenu à la rassurer : « Le RSBJ conserve toutes ses missions et les patients viendront toujours à l’hôpital ».
Le directeur a relevé dans la discussion une particularité de la population du Balcon : sa « constitution endurante » fait qu’elle attend longtemps avant de venir consulter un médecin. Il cite l’exemple de la cataracte, où l’atteinte est souvent avancée lorsque les personnes prennent rendez-vous.
Technologies
De nouveaux moyens technologiques, inclus dans le plan stratégique, sont déjà en place. Comme l’acquisition d’un scanner ou le recours à une chirurgie par laser mini-invasive sans douleur, par exemple pour les varices, expose le Dr Daher. Dans un autre registre, on ne parle pas encore vraiment de télémédecine, mais elle se dessine. Le premier répondant qui intervient seul avec un véhicule médicalisé peut déjà, par exemple, transmettre l’ECG du patient à un spécialiste.
Afin de conscientiser la population sur ce qu’elle peut faire pour sa santé, des conférences sur des thèmes spécifiques sont organisées tout au long de l’année (voir encadré). Les thèmes ne sont pas choisis au hasard. Une perte d’équilibre qui induit une chute « n’est jamais anodine », souligne le Dr Daher. Une personne avec de l’ostéoporose qui se casse le col de fémur risque également une fracture de l’autre côté. Selon les résultats d’un examen portant sur la densitométrie osseuse, il est possible de lui injecter de l’os dans la seconde hanche, afin de la consolider.
Autre thème abordé, les troubles neurocognitifs (maladie d’Alzheimer). « On peut les prévenir en travaillant sur tous les aspects médico-sociaux, la dépression, l’isolement et la spiritualité », avise le Dr Daher.
Le directeur médical est conscient qu’un accompagnement des personnes dans leur démarche de prise en charge de leur santé est nécessaire : « les gens ne changent pas comme cela : il faudra les aider à mettre le pied à l’étrier. Par exemple avec la création de groupes d’entraide, mais aussi la mise à contribution de l’entourage de la personne ».
Mieux connaître les besoins de santé de la population
Chercheuse indépendante spécialisée dans le domaine de la santé publique, Christine Panchaud a animé des ateliers lors de la séance d’information jeudi dernier. Mandatée en novembre dernier par le Département de la santé et de l’action sociale (DSAS), elle a pour mission d’évaluer les besoins de la population du Balcon du Jura en termes de perception de la santé et de l’offre sociosanitaire par les habitants et tous les autres acteurs également concernés. Pour ce volet du mandat, la chercheuse a lancé une vaste consultation. Elle a approché les autorités politiques, le corps médical du pôle santé et indépendants, les soignants ainsi que les soins à domicile. Elle questionne également le système de garde médicale, de réponse à l’urgence, des soins palliatifs et des spécialités médicales. Cela lui permettra, d’ici à mai prochain, de « dessiner la carte de tout ce qui est disponible sur le Balcon du Jura, et ce pourquoi il faut se rendre à Yverdon ou à Lausanne ». Elle mène le même travail à la Vallée de Joux, qui dispose également d’un Pôle santé.
La population est évidemment consultée. Jeudi dernier, les trois ateliers formés après la conférence lui ont apporté de précieuses informations.
Les participants ont souligné leur confiance envers l’hôpital et le corps médical, appréciant par exemple le fait que des consultations à domicile soient possibles. Ils ont fait des propositions d’activités sociabilisantes pour répondre à l’isolement et plaidé pour des mesures de prise en charge psychiatrique des personnes fragilisées au plan social.
Les données collectées par la chercheuse visent à améliorer l’organisation et la coordination des soins, et ce dans la même ligne stratégique que la vision du RSBJ.
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