Dans la perspective des travaux du futur Musée unique à Sainte-Croix, le dernier aéronef construit par Donat Guignard sera rendu au Musée des Transports de Lucerne, où il avait été donné par le pionnier en 1972.
La concentration était extrême, vendredi, dans le hall d’entrée du CIMA, au moment de ramener au sol le « Pou du ciel », suspendu de biais dans le hall d’entrée du Musée, témoigne Grégoire Wyss, chef des services techniques communaux. Il s’agissait de mener à bien une opération acrobatique, une de plus, pour cet aéronef de bois et de toile conçu par le mécanicien de génie Donat Guignard à Vaulion dans les années trente, puis à Sainte-Croix.
À la manœuvre vendredi, Grégoire Wyss était efficacement accompagné par Maria Caramia, responsable du CIMA, Daniel Burdet et Christian Graf. Ils ont commencé par démonter soigneusement les ailes de l’aéronef, avant de les déposer au sol. Le fuselage a ensuite pris le même chemin. Bien que très délicate, en raison de la fragilité de l’appareil, l’opération a été menée avec succès grâce à l’expérience de Daniel Burdet et de Christian Graf qui avaient déjà œuvré à hisser l’aéronef à fin 2009, souligne Grégoire Wyss.
Film et exposition
L’emblématique création de Donat Guignard avait été sortie des dépôts du Musée des Transports depuis la découverte d’images d’archives par la réalisatrice sainte-crix et parisienne Année Crété. Fascinée par la personnalité du constructeur, elle en avait tiré un film, intitulé « Un Pou dans la tête ». En parallèle de la préparation du documentaire de 35 minutes, et grâce à la complicité de la famille Guignard, Anne Crété avait monté une exposition temporaire au Musée des Arts et Sciences, du 15 novembre 2009 au 19 avril 2010. Elle avait obtenu du Musée des Transports le prêt de l’aéronef offert à l’institution muséale par son constructeur. L’appareil avait été accroché une vingtaine d’années dans le hall de l’aéroport de Kloten.
Fils du pionnier qui avait la capacité de réaliser avec ses mains tout ce qu’il imaginait, le sainte-crix Olivier Guignard dit ainsi au revoir pour la seconde fois au dernier engin volant qui avait marqué l’histoire familiale. Avec un regret teinté de raison : « Je comprends qu’il n’était plus possible qu’il reste au Musée, il prend trop de place. Et il ne nous appartient plus, mon père l’avait donné ». Ces prochains jours, confié aux bons soins des services communaux, l’appareil reprendra donc le chemin de Lucerne, à bord d’un camion.
Un seul levier
Extrêmement simple, le Pou du Ciel se conduisait avec un seul levier, le manche à balai, pour décoller, tourner et atterrir. Après quelques tentatives hasardeuses, qui s’étaient soldées par des avaries à l’appareil, Donat Guignard avait suivi des cours de pilotage. Cela lui avait permis d’apprivoiser les airs, mais il restait à maîtriser la machine. Après trois lignes droites d’environ 100 mètres à 2-3 mètres du sol, le quatrième décollage de son terrain des Cluds a été suivi d’un survol de Sainte-Croix et des gorges de Covatannaz, avant un retour sain et sauf « au bercail ».
Un fabuleux exploit s’est déroulé le 14 octobre 1938, avec un départ en catimini à bord d’un appareil non homologué. En point de mire le survol de la ville de Lausanne et un atterrissage du côté de Thonon. L’avionnette se posera dans le parc du Château de Ripaille, sur des arbres qui l’endommageront sérieusement. Le pilote n’a qu’une coupure au visage. Cette envolée en toute illégalité lui vaudra d’occuper la justice. Mais elle suscitera aussi de nombreux soutiens qui l’aideront toujours à payer ses amendes. L’épopée est racontée dans l’ouvrage « Entre ciel et rêve », que Donat Guignard a dicté à sa femme, aux environs de 1960, ouvrage paru dans Les Cahiers du Balcon du Jura.
Des émules
En 1947, son biplan réparé des avaries occasionnées par son atterrissage acrobatique, Donat Guignard décide de ne plus voler. Il fonde une famille en se mariant avec Jacqueline. Le couple aura trois enfants.
Si le « Pou du ciel » a connu une succession de déboires avec les autorités aéronautiques, il fascine encore, à jamais lié à son génial inventeur. Donat Guignard a aussi imaginé une luge à moteur, sorte d’ancêtre de la motoneige et un planeur Chanute, également remis au Musée des Transports où il est exposé.
Donat Guignard s’était inspiré des plans de l’invention d’Henri Mignet pour construire trois versions de son appareil volant qui, un demi-siècle plus tard, a inspiré à son tour des constructeurs d’Ultra-légers-motorisés (ULM). Le prototype de certaines machines a d’ailleurs été testé par l’ingénieur Thierry Guignard, passionné d’aile delta et de parapente, comme son frère Laurent, et qui ne sont autres que les neveux de Donat, aujourd’hui jeunes retraités et toujours fous d’engins volants.
Excellent article décrivant bien le principe du Pou avec son aile avant entièrement mobile sur son axe de tangage. On peut regretter qu’il retourne à Lucerne. Son lieu de naissance était le balcon du Jura.
Suite à l’émission de la RTS « Passe-moi les jumelles », concernant le Pou du Ciel, j’ai lu votre article avec beaucoup d’intérêts. Lors d’une prochaine visite au Musée des Transports de Lucerne, j’aurai le plaisir de voir en vrai ce HB-SUR et d’avoir une pensée pour Donat Guignard, cet inventeur, ce génial fou du ciel.