
Dimanche passé en fin d’après-midi, le public fidèle des concerts de la Guilde s’est retrouvé à l’église catholique pour le second concert de la saison. Julien et Dimitri Bouclier lui a offert un moment de pur plaisir. Piazziolla, bien sûr, était à l’affiche avec Vivaldi, mais on y trouvait aussi des noms moins connus comme Vitali, Voitenko, Zolotarev, Semoniov, et surtout Victor Vlassov. L’interprétation de sa composition, Goulag pour accordéon seul, a été un moment fort de cette rencontre.
Le concert débuta par un air du baroque italien, La Chaconne, écrit par Tomaso Vitali. D’emblée, l’église s’emplit de cette musique joyeuse et haute en couleur, typique de cette époque. Dimitri Bouclier à l’accordéon et son frère Julien au violon firent chanter leurs instruments, comme s’il y avait un orchestre de chambre au complet sur le podium.
Avec Antonio Vivaldi, on reste dans le baroque avec le premier mouvement de L’été des Quatre saisons. Le troisième compositeur, dont on entendit un Ave Maria est certes d’origine italienne, mais fils d’immigré. Astor Piazzola est né à Mar del Plata en Argentine. Changement d’époque et d’atmosphère donc ! De Piazzolla, maître incontesté du tango, Julien et Dimitri Bouclier interprétèrent encore Libertango , écrit en 1974.
Changement de lieu maintenant, de l’Argentine, on passe en Russie avec le Rondo Caprioso de Vladislav Zolotarev qui vécut au milieu du siècle passé. Sa musique s’envole, tantôt grave et nostalgique, tantôt sur un rythme endiablé, elle exprime bien ce qu’on appelle « l’âme russe ». Elle a d’autant plus de caractère qu’elle a été écrite quelque temps avant que Zolotarev ne se suicide, comme l’expliqua Dimitri Bouclier. Avec Viacheslay Semionov, Dimitri Bouclier nous fit redécouvrir une version qu’il a arrangée de Greensleeves.
Aller au-delà de la musique
L’enfer des camps soviétiques a été très bien décrit par Alexandre Soljenitsyne dans L’Archipel du Goulag. Victor Vlassov, compositeur né en 1936 en donne une illustration saisissante avec Goulag pour accordéon seul. Le public est immédiatement mis en condition avec le souffle de l’accordéon, qui sans note, laisse deviner le vent dans les bouleaux et les pins de la taïga. Dimitri, en passant ses doigts sur le clavier en un rythme lancinant, décrit la marche lente des cohortes des zek, ces prisonniers du Goulag, dans la neige. C’est L’arrivée au Goulag. Puis il accompagne de la voix les basses de son instrument pour peindre le décor de froid et de nuit de la Sibérie. On perçoit de temps en temps les sons aigus des clochettes d’une troïka et les éclats de voix des gardiens. Quand Vlassov évoque La tentative d’évasion, l’accordéon de Dimitri laisse éclater des sons d’espoir mais aussi d’inquiétude. Une explosion de notes annonce le quatrième et dernier mouvement de cette œuvre, L’insurrection.
Avec Révélation de Serguei Voitenko, Dimitri et Julien Bouclier laissent chanter et pleurer leurs instruments, montrant leur parfaite maîtrise non seulement de la musique russe mais aussi des sentiments profonds qu’elle véhicule.
Le concert a commencé par un extrait de L’été de Vivaldi, il se termine par L’hiver de Chalaïev. Mais, contrairement à ce que le titre laisse penser, c’est une musique joyeuse, entraînante et qui se termine par l’explosion de joie du violon de Julien Bouclier. Après avoir encore entendu le célèbre Kalinka, le public se leva pour applaudir les deux musiciens.
Deux musiciens de talent
Dimitri Bouclier est né en France en 1989. Il débute l’accordéon à l’âge de 7 ans et fait ses débuts de soliste dès l’âge de 10 ans. Son parcours est exceptionnel. La perfection de son jeu et son charisme hors du commun lui valent de se produire en concert en récital solo, en musique de chambre et en soliste avec orchestre chambre dans de nombreux pays.
Parallèlement à son activité de concertiste, il enseigne l’accordéon au Conservatoire de Musique de Pully.
Quant à Julien Bouclier, il débute l’étude du violon au Centre de Pratique Musicale d’Annecy. Après avoir remporté des prix dans bien des concours, il est appelé à jouer dans de nombreux orchestres tels que l’Orchestre Symphonique du Mont-Blanc, l’Orchestre Philarmonique de Lyon et l’Ensemble Vocal et Instrumental de l’Ain à Saint-Claude. Il participe aux académies organisées par l’Orchestre de la Suisse Romande et l’Orchestre de Chambre de Genève.
23 mars prochain
A. Mottier
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