En octobre, le Sainte-Crix Christophe Pavid devait réaliser sa plus longue distance en course à pied lors de l’Ultra Trail des Montagnes du Jura (UTMJ). Contraint d’abandonner au 50e kilomètre, il n’en perd pas pour autant l’envie d’atteindre son objectif. Portrait d’un parcours de passionné, entre persévérance et résilience.
Courir, encore, toujours, sur des kilomètres et des kilomètres. 175 en ce qui concerne l’UTMJ qui traverse le massif du Jura, en France et en Suisse, avec 7’000 mètres de dénivelé positif. Un défi qui semble hors norme pour la plupart des gens, mais qui représente un objectif atteignable pour Christophe Pavid, 42 ans, qui n’en est pas à son premier ultra trail. Pour pouvoir porter ce qualificatif d’« ultra », une course en trail doit remplir quelques conditions : en pleine nature (contrairement au marathon, réalisé principalement sur l’asphalte de grandes villes), longue d’au moins 50 miles, soit 80 kilomètres, et avoir un dénivelé cumulé minimal de 2’500 mètres. Des chiffres qui donnent le tournis. Mais de nombreux passionnés s’adonnent chaque année à ces compétitions de l’extrême.
Premières enjambées
Pourtant, la course à pied n’a pas toujours fait partie de la vie de Christophe Pavid. À l’âge de 5 ans, il commence par faire de la gymnastique au club de La Sagne, pour le côté pratique avant tout : ses parents habitent alors à 50 mètres du gymnase. Puis, comme pour beaucoup de petits garçons, le football prend le relais lorsqu’il a dix ans. Il en pratiquera jusqu’à l’âge de 38 ans, restant actif au club de Sainte-Croix chez les vétérans. Il apprécie alors le côté social de l’activité qui lui permet de retrouver les copains, mais les contraintes finissent par lui peser. « J’en avais un peu marre d’aller aux matches, l’aspect sportif devenait moins intéressant. C’est là que je me suis dit qu’il serait peut-être temps d’arrêter », explique Christophe. C’est qu’en parallèle, le quarantenaire a développé une autre addiction : la course à pied. « J’ai commencé à courir vers l’âge de 30 ans, peu après le décès de mon père, peut-être, au début, dans l’idée de me vider la tête… », analyse-t-il. Durant trois ans, il court principalement sur le bitume, ne profitant pas tout de suite du cadre naturel qui se déploie à côté de chez lui. « J’ai fait les 10 km de Lausanne, puis le semi-marathon. Je trouvais que c’était bien, mais les courses ne m’attiraient pas plus que ça ». Peu à peu, Christophe Pavid commence à courir dans la forêt, à Sainte-Croix. « Je n’avais pas conscience à ce moment-là que je faisais du trail. J’aimais juste la vue, la nature, les animaux, être loin du monde. À cette époque, il n’y avait pas encore toute l’euphorie qu’il y a autour de ce sport ».
Progressivement, courir devient un mode de vie. « Ce que j’aime avec la course à pied, c’est que c’est accessible à toute personne en forme. Vous avez une bonne paire de chaussures, un peu de temps devant vous, et c’est parti ».
Les premiers « ultra »
Les temps de sorties s’allongent peu à peu et Christophe Pavid, compétitif, s’inscrit à ses premières courses de trail. Trail blanc de Mouthe, 17km (dans la neige), Sierre-Zinal, 30km (deux fois), Trail des Reculées, 34 km, Trail du Mont d’Or, 48 km, Jura Swiss trail, 55km (qu’il fera trois fois). À ce stade, il ne tutoie pas encore l’ultra. Mais bientôt, le format va s’imposer à lui. « Après 20-30 km avec du dénivelé, je me suis rendu compte que je pouvais encore allonger, et que c’était quelque chose que j’aimais bien ». Son premier, le grand trail du lac du Bourget (en Savoie), se déroule en 2018. Il comporte 80 kilomètres pour 3’500 mètres de dénivelés. « J’ai dormi dans la camionnette de mon frère, sur un matelas. J’étais debout à 4h du matin pour boire un petit café, manger mes céréales, et puis départ à 5h dans la nuit pour arriver à 17h le soir. Les paysages étaient magnifiques. J’ai trouvé super ». Le sportif est mordu. Il mettra 12h22 pour accomplir le parcours. Pour lui, pas de « masochisme », comme certains l’évoquent en plaisantant, mais un réel goût pour l’effort et le dépassement de soi. « Il y a beaucoup de moments aussi où vous ne réfléchissez pas », continue Christophe Pavid, tentant d’expliquer ce qui permet de tenir sur d’aussi longues distances. À noter que des lits sont installés à intervalles réguliers sur les ultra- trails, pour permettre aux coureurs de se reposer si besoin.
Autre élément qu’apprécie le coureur : la simplicité et l’attention à l’environnement qui entourent la discipline. « Durant la course, on distribue des denrées sans emballage, il faut avoir un gobelet réutilisable, et sur certains tracés, on est prévenu qu’il faut faire le moins de bruit possible pour ne pas déranger certaines espèces animales », raconte-t-il.
Plus loin, toujours plus loin
Depuis son premier ultra-trail, Christophe Pavid enchaîne les courses, généralement 3 ou 4 par année, en ultra ou non. En automne 2023, il avait en ligne de mire l’Ultra Trail des Montagnes du Jura. Un colosse de 175 kilomètres, la plus longue distance qu’il aurait jamais faite (il avait déjà effectué le parcours de 100 km en 2020, en 15h49). Mais cette fois, la course ne se passe pas tout à fait comme prévu, malgré une immense préparation physique.
29 septembre 2023, les températures sont encore chaudes à 11h du matin lorsque les coureurs prennent le départ. Intolérant au lactose, Christophe Pavid doit faire très attention à son alimentation. Lui sont proscrites les barres de chocolat, le fromage et les barres énergisantes dont il ne connaît pas la composition. Dès le 30e kilomètre, le sportif souffre de la hanche et de l’estomac. Il est pourtant en train de réaliser un bon temps. « Au 40e kilomètre, j’ai appelé ma compagne et je lui ai dit que ça n’allait pas. J’ai quand même fait encore 10 kilomètres, jusqu’au second ravitaillement, mais la suite allait être de nuit, dans la forêt… J’ai préféré renoncer ». Cette décision est difficile à vivre dans les jours qui suivent. « C’est tout une logistique qui est mise en place, il faut prendre congé au travail, les gens sont derrière nous... Ce n’est pas évident d’accepter d’avoir abandonné ». Mais hors de question pour Christophe Pavid de rester sur un échec. Véritable école de vie, le trail enseigne à se relever, à rebondir, à apprendre de ses erreurs et à accepter l’inévitable. « On peut être entraîné comme il faut, sur une course cela passera, et sur une autre non. Il y a beaucoup d’éléments qui rentrent en compte. L’état d’esprit et le mental jouent un rôle-clé aussi ». Blessure aux ligaments dont il s’est remis grâce à la rééducation, courses dans la neige et la boue, Christophe Pavid a déjà traversé plusieurs obstacles. Pour se préparer, le sportif court tous les jours 8 à 9 kilomètres, durant sa pause de midi. Un bon moyen pour l’agent de détention maître d’atelier en boulangerie-pâtisserie de se vider la tête. Il effectue en plus une à deux sorties longues en soirée, lorsque ses activités familiales le lui permettent. Au total, 2’000 kilomètres parcourus par an (entraînement et courses compris).
Ces efforts titanesques participent à l’équilibre de vie de Christophe Pavid, au même titre que sa petite famille, toujours présente pour le soutenir. L’UTMJ de 175 km, lui, est déjà inscrit à son agenda pour 2025.
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