Audience du Tribunal administratif à Sainte-Croix

Parc éolien
Les recourants et, derrière, une partie du public.

Mercredi dernier, l’aula du collège de la Gare était réquisitionnée pour accueillir l’audience de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal au sujet des recours contre le permis de construire du parc écolien du Mont-des-Cerfs et de la Gittaz. Ouverte au public, cette audience a attiré une centaine de personnes, ainsi que les représentants des recourants et des parties prenantes au projet. Sous la présidence de M. François Kart, la Cour a approfondi l’instruction sur de nombreux points, puis s’est rendue sur les lieux. Au vu de la complexité des procédures, le traitement de l’affaire va durer encore longtemps.

Le président de la Cour est assisté de deux juges, Bertrand Dutoit et Virginie Favre et d’un greffier. Il commence par faire le bilan des personnes présentes et prie les parties concernées de présenter leurs représentants. Dans les cinq premiers rangs de la partie gauche de l’aula se réunissent les représentants du Canton, de la commune de Sainte-Croix, du maître d’ouvrage Romande Enérgie, de leurs avocats et de nombreuses personnes spécialisées dans les divers domaines concernés. Dans les cinq premiers rangs de droite sont présents les recourants, ainsi que leurs avocats représentant diverses associations et leurs partisans. Derrière est assis un public composé de partisans et d’opposants au parc éolien.

Objectif de l’audience

La partie promet d’être serrée. Le président cadre l’audience en rappelant que les parties se sont exprimées par écrit et que le but est de compléter l’instruction sur des questions de faits controversés, puis de se rendre sur place. Il commence par recadrer l’historique de la question afin de connaître la place du projet sainte-crix dans les divers rapports émis par les administrations fédérale et cantonale. Autant dire que l’on remonte à la genèse du projet avec une première étude publiée en 1996 par l’Office fédéral de l’énergie dans laquelle figure déjà le projet de Sainte-Croix, qui sera mentionné dans toutes les décisions ultérieures.

Une sonorisation a été installée par les services communaux, mais elle subit quelques défaillances et prend du temps pour être apprivoisée par les intervenants, de sorte que de nombreuses interventions sont tout d’abord inaudibles. Cela suscite de très vives réactions du public qui exige que toute prise de parole se fasse avec un micro, ce qui finira par être adopté.

Les critères d’évaluation

Une discussion très « oiseuse » s’engage au sujet des critères d’évaluation, de leur choix et de leur pertinence, les représentants tentant d’expliquer les procédures utilisées en application de la législation face aux interrogations des recourants, à l’exemple des critères relatifs aux impacts du parc éolien sur les oiseaux nicheurs et les oiseaux migrateurs.

Ce sera à la Cour de trancher sur ces éléments et pas à nous. Retenons seulement que sur ce point, le Canton élabore une étude globale dont les résultats tomberont d’ici une année, ce qui permet aux recourants d’exiger qu’aucune décision ne soit prise avant cette publication.

Parmi les questions débattues figure celle du défrichement qui révèle une différence de compréhension et d’interprétation entre les parties entretenue par des divergences sur les termes utilisés. S’ensuit un échange très long sur la notion de mesures de compensation que les recourants estiment insuffisantes, mais que l’État explique en détail par une volonté d’adopter les mesures les plus adéquates pour diminuer l’impact paysager du projet.

Une polémique tout aussi vive survient au sujet du bruit et des facteurs de correction décidés par le Canton, puis des infrasons dont le seuil d’audibilité est déclaré insignifiant par les experts alors qu’une habitante de Saint-Brais proclame en souffrir continuellement…

Impact et rendement

L’impact paysager des hélices est longuement évoqué, qui entraîne une discussion sur le choix de la hauteur des engins et de leur rentabilité. Les promoteurs justifient leur choix par la volonté d’une efficacité maximale pour un impact quasi identique (emprise au sol, transport, etc.). L’exemple du Mont-Crosin est souvent cité pour donner des éléments basés sur une réalité mesurée et justifier le choix d’hélices de grande taille. Des chiffres sont avancés pour démontrer l’efficacité du parc sainte-crix. Question totalement controversée.

Les chauves-souris et le grand tétras ont fait l’objet de discussions intenses, au point qu’un intervenant s’est offusqué qu’on parle si peu des humains… mais la manière utilisée a provoqué la seule intervention un peu musclée du président qui a rappelé chacun à l’ordre.

La suite…

Après ces échanges où chacun a eu tout loisir de présenter ses revendications ou ses justifications, parfois ponctués des rumeurs ou des rires du public, le président a résumé la situation qui, sur le plan juridique, est pour le moins complexe. Tellement complexe que le Tribunal devra dissocier plusieurs décisions relatives tant au Plan d’affectation cantonal qu’au permis de construire, sans parler des diverses autorisations particulières liées au projet. Les parties pourront s’exprimer à ce sujet, mais la complexité est telle qu’une décision ne devrait pas tomber avant plusieurs mois.

Et quelle que soit la décision de la Cour, il restera les voies de recours au Tribunal fédéral, de sorte qu’avant deux ans pour le moins, rien ne se passera sur le terrain.

Ce mercredi, nous avons eu l’impression que l’on remettait l’ouvrage sur le métier, que l’on refaisait la genèse du projet et ses épîtres ultérieures, comme si rien n’avait été acquis entre-temps, et que l’apocalypse était encore lointaine… Nous avons été frappés par le fonctionnement de la Justice, par le soin pris par la Cour d’entendre chacun, même dans le public, afin de se faire une opinion sur chacun des éléments du problème et de pouvoir trancher sereinement.

D’autant plus que la séance a été suivie d’une visite à La Gittaz-Dessous, où la propriété de la famille Bonnevaux sera concernée par une route d’accès, puis sur le plateau du Mont-des-Cerfs où le président Kart a emmené les intéressés au pas de charge pour estimer de visu l’impact des hélices projetées.

Une véritable leçon de démocratie, avec une Justice indépendante, sereine, curieuse, critique, attentive à recueillir les éléments permettant de prendre la bonne décision en fonction de la législation et de la réalité.

J.-Cl. P.

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