Le week-end passé, le quotidien 24heures titrait en Une un retour du public dans les salles obscures. Au Royal, on remarque la même tendance, mais avec une analyse un peu différente de la situation.
Durant la pandémie, mais aussi l’année qui l’a suivie, les spectateurs ont délaissé les salles de cinéma, s’habituant à regarder les films en streaming dans le confort de leur canapé. Mais 2023 semble signer la reprise des affaires pour le secteur en Suisse. Un constat que fait aussi Adeline Stern, programmatrice au Royal. « Par rapport à ces années terribles, 2020, 2021 et même 2022, on peut dire qu’on a bon espoir d’arriver en 2023 au même nombre de spectateurs qu’en 2019 qui était une bonne année ». 16’000 spectateurs sont ainsi attendus pour 2023, soit 25 % de plus qu’en 2022.
Dans toute la Suisse, les blockbusters américains ont cartonné et peut-être contribué à faire renouer les spectateurs avec le plaisir du 7e art sur grand écran. Pour les grandes salles, « Avatar : la voie de l’eau » (premier au classement du nombre d’entrées en Suisse, avec au 19 octobre 1’026’273 entrées), « Barbie » (deuxième, avec 685’426 entrées) ou encore « Oppenheimer » (quatrième, avec 490’915 entrées) ont permis de réduire l’écart de fréquentation par rapport à l’avant Covid, sans toutefois garantir que le retard sera finalement comblé (24heures, Samedi-dimanche 14-15 octobre 2023).
Le retour au ciné... des cinéphiles
Mais les mastodontes américains ne sont pas les seuls responsables de la reprise pour le secteur. Comme d’autres cinémas locaux qui ont vu de petites productions faire carton plein, comme « L’amour du monde », réalisé par une Vaudoise, qui a fait le plus d’entrées au Rex à Aubonne, le Royal n’attribue pas uniquement la hausse de fréquentation à ces quelques films grand public.
Au cinéma de Sainte-Croix, l’offre est variée, et les films et documentaires, qu’ils soient indépendants ou à gros budget, occupent la même place : ils sont projetés deux, trois fois, puis changent. En moyenne, les projections réunissent 27 spectateurs. Si la programmatrice a constaté une fréquentation importante pour certains films (472 entrées pour « Avatar : la voie de l’eau », le record jusqu’à présent de l’année au Royal), pour elle, c’est sûr, c’est surtout la régularité de spectateurs fidèles qui fait vivre son cinéma. « Il y a toujours eu tout à coup un film qui fait venir les gens. Ok, mais c’est juste une ou deux fois. Je table sur 16’000 spectateurs, donc ce n’est pas les 300 spectateurs de « Barbie » qui vont changer quelque chose pour moi. Notre public à nous, ce n’est pas ce public, qui vient assez rarement au cinéma pour la plupart, c’est le public cinéphile qui vient semaine après semaine voir trois à quatre films. Ce sont les 30 à 50 spectateurs qui sont là fréquemment qui sont importants », explique-t-elle. Diffuser des films grand public est important pour Adeline Stern mais elle le reconnaît, ceux-ci représentent un coût important. « Quand je passe un Marvel, concrètement, je fais un déficit, je paie systématiquement de ma poche. Car à chaque fois qu’on le diffuse, on doit payer quelque chose, et on ne sait pas si le film va forcément ramener du monde ou non ».
Alors quelle est la raison du retour des spectateurs au Royal cette année ? Pour la programmatrice, son public, qu’elle décrit comme majoritairement âgé, sortait moins durant le Covid et avait pris l’habitude de regarder des films à la maison. « C’est ceux-ci qui sont revenus surtout », pense-t-elle. Car si la Lanterne Magique draine toujours autant d’enfants, la programmatrice dit craindre pour la relève, les adolescents étant généralement peu présents parmi les spectateurs.
Concerts, soirées à thème, événements spéciaux suivis de débats avec des cinéastes, d’apéros et d’échanges, la programmatrice veut croire qu’une offre riche continuera à amener des spectateurs curieux et avides de partage au Royal.
Soutien financier
Questionnée sur un soutien financier de la part des collectivités publiques, Adeline Stern ne pense pas que celui-ci doive être systématique pour toutes les salles, mais accordé intelligemment à celles qui démontrent leurs efforts. « Il faut soutenir, mais il ne faut pas le faire les yeux fermés. Je pense qu’on aurait tendance un peu à s’endormir et à ne pas être assez inventif lorsqu’on est trop soutenu », avance-t-elle, consciente que son point de vue va un peu à contre-courant. Elle reconnaît pourtant volontiers que sans l’aide communale, le Royal aurait probablement du mal à survivre. Son soutien financier permet de payer une grande partie du loyer et la programmatrice peut compter sur la Loterie Romande pour les événements (plus de 90 organisés en 2023). Un gros travail et beaucoup d’énergie pour que se maintienne le public qui fait vivre le Royal.
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