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 N° 2941 - Vendredi 27 mars 2020 Tous ménages 11 FORMATION - RENCONTRE AVEC DES FAMILLES PRATIQUANT L'ENSEIGNEMENT À DOMICILE... AVANT LE COVID-19
       L’école à la maison
  Texte & photo : F. Mastantuono
Au moment de préparer cet article, je ne me doutais pas que toutes les familles suisses seraient amenées
à expérimenter l’enseignement
à domicile. Pourtant comme l’a annoncé la conseillère d’État Cesla Amarelle : « Dès le lundi 16 mars et jusqu’à fin avril, les élèves de l’école obligatoire et postobligatoire,
les apprentis, les étudiants et les enseignants ne se rendent plus sur leur lieu de formation et restent
à la maison pour lutter contre le coronavirus. Plusieurs familles du Balcon du Jura pratiquaient déjà ce mode d’enseignement et ont accepté de nous révéler leurs raisons et leurs fonctionnements.
Vous le constatez aujourd’hui, ce n’est pas toujours par choix que les familles optent pour ce mode d’ensei- gnement. Outre le confinement pour contrer une épidémie sévère, les rai- sons sont variées. Cela peut être pour des questions pratiques, notamment par le lieu éloigné de résidence; pour des raisons de religion; ou en raison de difficultés diverses de l’enfant. Mais ceux qui le font par choix estiment souvent que le système de l’ensei- gnement public actuel ne permet pas l’entier épanouissement des capacités personnelles de l’enfant. « C’est un cadeau à la société que nous faisons en ne formatant pas notre enfant. Elle ne pourra qu’apporter sa beauté unique au monde », explique Isaline Fleury, l’heureuse maman de Jayna.
Mais dans toutes les familles rencon- trées, une similitude ressort avec évi- dence, « le bien-être de l’enfant ». Une phrase lors des témoignages revient également régulièrement : « Nous ne
sommes pas des marginaux qui vou- lons rester seuls. » Certains parents font ainsi face au regard des autres qui n’est pas toujours faciles à accepter. C’est pourquoi la plupart échangent volontiers sur le sujet. Pour Magalie Hurter, maman de trois enfants de 12, 9 et 8 ans, il est important de préci- ser:«Nousnestigmatisonspasl’école publique mais souhaitons offrir autre chose à nos enfants. Leur montrer que l’on peut faire différemment. »
Organisation personnelle
En règle générale, le temps néces- saire à l’enseignement à la maison est bien inférieur à celui d’un enfant scolarisé. Chacun l’estime et le plani- fie comme il le souhaite. Ces élèves bénéficient alors de davantage de temps libre, qu’ils mettent à profit pour d’autres activités. Si l’enseignement à domicile permet une grande liberté, il nécessite toutefois une disponibilité encore plus grande.Fanchon Süsstrunk le confirme : « Mes enfants ont été re- scolarisés plus par manque de temps que par choix idéologique. » Certains aménageront une pièce entière en salle de classe, d’autres préféreront y consa- crer un bout de la table à manger, et pour les plus grands le bureau dans la chambre de l’enfant. La nature devient pour les plus petits un lieu d’appren- tissage quasi inépuisable. L'enseigne- ment peut être dispensé par les parents ou par toute personne de leur choix. Dans notre région, cela revient souvent à la maman. Aucun diplôme particulier n'est nécessaire et les familles peuvent avoir recours à des cours d’enseigne- ment à distance. « Internet est souvent un grand support. » reconnaît volon- tiers Valérie Jaquier, la maman d’Émi- lie 14 ans. Chaque année, Émilie a le choix de décider si elle souhaite chan- ger de mode d’enseignement. Mais
Magalie Hurter aime passer ce temps avec ses enfants : « Pour moi c’est naturel, j’aime la transmission. Je guide, j’amène mes enfants là où ils veulent aller en développant leurs intérêts personnels. » Quant à Sacha, Tom et Aloïs - qui ont déjà testé l'école privée - ils préfèrent l'enseignement de leur maman.
bien qu’elle se sente parfois « seule », elle souhaite poursuivre ainsi. Les familles concernées veillent également à la sociabilisation en favorisant les activités extrascolaires et les rencontres avec les copains. Quant au matériel, il est possible de s’adresser à l’établis- sement scolaire : « Nous mettons en effet en relation les parents des élèves scolarisés à domicile avec notre dépo- sitaire, afin de faciliter l’accès au maté- riel scolaire officiel si une demande est formulée », explique Fabian Zadory, directeur des écoles de Sainte-Croix et environs. Et d’ajouter : « Pour ce qui est de la collaboration avec les enseignants, elle ne relève que de l’initiative per- sonnelle, cela dépend de la volonté des enseignants concernés ou contactés. » Certaines communes mettent égale- ment à disposition quelques heures de salles de gym.
Cadre légal
Le cadre légal qui régit la scolarisa- tion en école privée et la scolarisation à domicile dans le canton de Vaud est en cours de révision. Aujourd’hui toute- fois, il s’agit d’appliquer la loi du 12 juin 1984 sur l’enseignement privé (LEpr), et de se soumettre à la loi sur l’enseigne- ment obligatoire (LEO).
Les parents qui souhaitent scolari- ser leur enfant à domicile doivent en informer la direction de l’établissement dont ils dépendent. Le Département s’assure au moins une fois par an que
l’enseignement dispensé à domicile répond à l’objectif de permettre à l'en- fant d'acquérir, à l'issue de la période de l'instruction obligatoire, l'ensemble des connaissances et des compétences du plan d'études romand (PER). En cas d’insuffisance avérée, il peut alors ordonner une scolarisation dans un éta- blissement de la direction générale de l’enseignement obligatoire (DGEO). L’élève serait ainsi admis dans une classe correspondant à son âge en fonction des connaissances dont il peut faire preuve.Au degré secondaire 1,une évaluation permet de déterminer dans quels niveaux et quelle voie l’enfant peut être scolarisé. Les élèves scolarisés à domicile sont soumis aux épreuves cantonales de référence (ECR) à la fin de leurs 4e, 6e, 8e et 10e années qu’ils exécuteront dans les classes en même temps que les élèves scolarisés. Elles indiquent le niveau des élèves en fran- çais, mathématiques et allemand.
La rentrée d’août 2020 concernera les familles dont l’enfant ou les enfants sont nés entre le 1er août 2015 et le 31 juillet 2016. Elles doivent actuelle- ment faire un choix entre les différents modes d’enseignement: la scolarisa- tion en école publique, en école privée ou l’enseignement à la maison. Céline Bérovalis, maman de deux enfants de 9 et 6 ans partage : « L’enseignement idéal n’existe pas, car chaque enfant est différent. Il faut être à l’écoute de ses besoins. »
 Selon le département de la formation, de la jeunesse et de la culture, la grande majorité des élèves scolarisés à domicile habitent en zone rurale ou en montagne.
Scolarisation à domicile pour l’année scolaire 2019-2020, 601 élèves dans le canton de Vaud dont 18 (issus de 11 familles) dépendent de l’EPS Sainte-Croix et environs.
Evolution dans le canton
En juillet 2014, 270 élèves suivaient un enseignement à domicile. En juillet 2019, 574 élèves étaient concernés.
Il semble toutefois que l’augmentation tend à se stabiliser depuis deux ans avec une hausse d’environ 10 à 15% par an.










































































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