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 12 Tous ménages N° 2941 - Vendredi 27 mars 2020 PORTRAIT - JEAN-BRUNO WETTSTEIN
La recherche de solutions au cœur de son action
         Textes : C. Dubois
Fin connaisseur des alpages du Jura, vaudois en particulier, Jean- Bruno Wettstein œuvre depuis des décennies à leur pérennité, en pilotant de A à Z des projets d’aménagement. Il est en prise directe avec l’évolution du climat et de la société.
Une rencontre a été décisive pour la carrière de Jean-Bruno Wettstein, alors jeune étudiant à Genève dans les années soixante : celle de l’agronome français René Dumont, connu pour son combat en faveur du dévelop- pement rural des pays pauvres et son engagement écologique. « J’ai alors décidé d’étudier l’agronomie afin d’éradiquer la faim dans le monde : un vaste programme », concède l’ingé- nieur qui vient de fêter ses 70 prin- temps à Sainte-Croix. « Pour nourrir les hommes, il faut aimer la terre », disait aussi Dumont. Jean-Bruno Wettstein, qui à l’adolescence son- geait à devenir agriculteur, partage cette conviction.
Le virus de l’agronomie alpestre déploie ses premiers effets lors de l’école de recrues, dans le Val d’Hé- rens, où le jeune soldat découvre la vie des alpages. Il y retourne en 1972 pour un stage et un travail de semestre sur la production fourragère. À la fin de ses études d’agronomie, il s’engage, sans avoir vraiment l’idée de ce qui
l’attend, dans un travail de diplôme à la Frêtaz sur Bullet. Il est chargé de comparer deux systèmes de pâture avec des moutons, l’un intensif, l’autre extensif. Suivront trois ans sur une ferme, en France, puis un engage- ment à la Station agronomique de Changins. Il a pour mission de réa- liser des essais d’engraissement de bœufs et de génisses sur pâturage et de développer une méthodologie de l’aménagement sylvo-pastoral. Il travaille ensuite pour la vulgarisation agricole en milieu montagnard et s’installe à Bullet en 1988, avant de déménager à Sainte-Croix en 1989 plus tard avec sa famille.
Doté de solides connaissances pratiques, techniques et scientifiques, ouvert à la discussion et rigoureux dans ses approches, l’ingénieur agro- nome se met à son compte en 1996. Son Bureau d’agronomie devien- dra Montanum en 2016. Il est très vite apprécié par les collectivités qui gèrent les alpages du Jura. Lui confier un mandat, c’est l’adopter, selon Jean- Franco Paillard, syndic de Bullet : « Comme ingénieur agronome, il est notre principal atout dans l’amé- nagement de nos alpages. Il est très fort, et a une maîtrise absolue de ses dossiers. Nous avons réalisé avec lui tous nos projets depuis les années 1993-1994 ». La fidélité est encore plus longue avec la commune de Bur- sins, où l’alpage du Cerney n’a plus de secret pour l’ingénieur agronome sainte-crix depuis 40 ans.
LDD
Selon Jean-Bruno Wettstein : « Le pâturage boisé peut exister s’il y a des jeunes. C'est comme l'AVS ».
D’ici un an environ, Jean-Bruno Wettstein passera le témoin à ses jeunes collègues Kim Fiaux et Eric Mosimann. Montanum aura alors trois antennes, à Sainte-Croix, Saint-Georges et Yverdon-les- Bains où la société sera rattachée au bureau Jaquier Pointet, pour un partage de ressources informa- tiques et de locaux.
L’engagement politique est depuis longtemps dans les gènes de Jean-Bruno Wettstein. En 1967, il était aux États-Unis, proche du mouvement qui dénonçait la guerre au Vietnam, mais aussi de ce que l’on a appelé « le printemps silencieux », contre les ravages du DDT. « Tout ce dont on parle
aujourd’hui, c’était déjà sur la table en 1967, évoque le Sainte-Crix, ajoutant : depuis, mon expérience professionnelle m’a montré que j’étais plutôt PLR – actuellement président de la section du Balcon du Jura et membre du Conseil com- munal - que socialiste. Il ne faut pas tout attendre de l’État, mais s’assumer. C’est important que les gens prennent des risques, même si ce n’est pas toujours évident ».
Quand il aura fait le pas de la retraite, Jean-Bruno Wettstein aura alors plus de temps pour sa famille et ses loisirs, le ski de fond en particulier. Et il pourra s’oc- cuper de la maison héritée de sa grand-mère dans le Piémont.
 Les clés d’une gestion réussie
Jean-Bruno Wettstein est impliqué également dans la gestion des 43 alpages et pâturages sainte-crix, portant sur 730 hectares travaillés par 25 exploitations agricoles. En 2013, il a participé à un groupe de travail qui a débouché sur un inventaire des bâtiments, des ressources en eau et des accès (35 km), mais également de la végétation et des pratiques. Cette étude a été assortie d’un plan de gestion intégrée. « Nous avons mis tout le monde autour de la table au départ : propriétaires, exploitants, forestiers et mandataires ». À l’époque, le coût des travaux nécessaires a été estimé à 1,3 million de francs. Le plus gros poste, 27 % était destiné à l’alimentation en eau, et 23 % affectés à l’aménagement des dessertes. Depuis, les travaux sont réalisés par étapes, selon les disponibilités financières de la commune. Des étangs ont été creusés, des conduites posées et des bassins refaits, souligne l’ingénieur agronome. Au Mont-de-Baulmes, le chalet a été entièrement restauré. Le Cochet fait actuellement l’objet de la gestion des espaces boisés avant la construction d’une piste forestière et d’un étang de 150 m3. « Le pâturage boisé peut exister s’il y a des jeunes arbres. C’est comme pour l’AVS ! », illustre Jean-Bruno Wettstein, qui collabore avec Benoît
Margot. « Le garde-forestier – qui a suivi l’École d’agriculture en première for- mation – s’est énormément impliqué dans le projet ». D’autres travaux n’ont pas pu être encore réalisés, comme au chalet de la Prise-Bornand, en très mauvais état. Deux chalets, Mont de Baulmes Dessus et Mont de la Maya, n’ont plus de vocation agricole, ils ont été reconvertis en buvettes d’alpage.
Zones protégées
Sainte-Croix abrite un riche patrimoine paysage protégé, cite l’ingénieur agronome : des hauts-marais très rares, des bordures de ruisseau, des pâturages secs avec des gentianes,des genêts sagittés,des papillons rares...Tandis que les genévriers abritent une faune variée, et forment une clôture naturelle qui per- met à d’autres arbres d’émerger au milieu. Intervenir dans ces milieux, comme au Cochet où les pâturages secs sont protégés, exige négociations et diplomatie avec les milieux de protection de la nature. À terme, le pâturage sec reprendra vie avec sa faune et sa flore endémiques, tandis que les exploitants pourront mieux abreuver leur bétail.
















































































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