Le fantôme de Donat Guignard a plané vendredi soir au-dessus de Sainte-Croix, lors de la projection publique du film « les frangins volants » de la RTS, consacré aux pilotes Thierry et Laurent Guignard. Les neveux du pionnier ont réitéré en ULM le vol mythique du Pou du ciel au départ de Bullet, en 1938.
« C’est du rêve ! Le film aurait pu être très technique, mais il véhicule un message de fraternité qui change tout. Les séquences où l’on voit en parallèle le Pou du Ciel et l’ULM sont magnifiques ». L’appréciation de Pierre Tschanz, à l’issue de la projection publique de l’émission PAJU, vendredi soir, était partagée par les 150 personnes qui avaient fait le déplacement du Centre sportif. La soirée avait été organisée par les familles des protagonistes du film, Thierry et Laurent Guignard ainsi que par Olivier Guignard, fils de Donat, pionnier de l’aviation civile auteur d’un exploit héroïque le 14 octobre 1938. À la barbe d’un gendarme qui le surveillait, il avait décollé d’un pâturage des Cluds avec le Pou du ciel, un aéronef de sa fabrication, non homologué, pour survoler Lausanne, puis le lac Léman, et atterrir en restant accroché aux branches d’un chêne du parc du Château de Ripaille.
Un précurseur
« Donat Guignard était un précurseur, irrévérencieux, franc-tireur, bricoleur surdoué », apprécie Antoine Plantevin, réalisateur du film. Il dit avoir été emballé par l’histoire de ce mécanicien « qui voulait prouver que tout le monde pouvait voler, que l’aviation n’était pas réservée à ceux qui en avaient les moyens ».
De leur côté, quand ils venaient rendre visite à « leurs cousins d’en haut », à Sainte-Croix, Laurent, Thierry et leur frère Michel filaient admirer le Pou du ciel, mis en retraite dans le garage, les ailes repliées. « On se glissait dans le cockpit, on jouait avec le manche à balai, on passait des heures à admirer le tableau de bord auquel on ne comprenait rien ». Le virus était transmis. Plus tard, constructeurs à leur tour, ils joueront avec l’interdiction des ULM en Suisse. « Parfois il faut transgresser des règles pour arriver à ouvrir des voies », estime Antoine Plantevin.
De juin à octobre 2021, l’équipe de PAJU a tourné avec les deux pilotes qui consacrent leur retraite à leur passion. Elle a rencontré plusieurs fois Olivier Guignard, qui leur a fourni de précieuses archives utiles à la préparation du vol commémoratif. Ce sera, comme en 1938, un décollage d’un pâturage des Cluds et, après le survol du Léman, un atterrissage à proximité du Château de Ripaille. « Cette arrivée a été l’aboutissement de deux histoires qui se rejoignaient », apprécie Antoine Plantevin.
Rien au hasard
Présente aux Cluds au moment de l’envol décisif de son fils Thierry en ULM, avouant qu’elle avait un peu peur pour lui, Adrienne Guignard, était très émue mais aussi fière à l’issue de la projection : je me rendais compte des risques qu’ils prenaient, mais c’est très rassurant de voir qu’ils n’avaient rien laissé au hasard », glisse-t-elle. L’alerte grand-mère confie au passage que l’enfance de ses petits gars n’avait pas toujours été facile pour elle : « Je ne savais jamais ce qu’ils allaient inventer ».
Dans la famille Guignard, le virus des airs ne s’est pas cantonné à la génération de Thierry et de Laurent. Lola, la fille de ce dernier, parapentiste elle aussi, confie que son père et son oncle « ont été inspirants. Pour vivre, ils ont besoin de côtoyer l’imprévu, le danger, mais ils ne se mettent pas en avant », évoque-t-elle.
Laurent Guignard a appris à voler à sa fille - laquelle partage sa vie avec un des meilleurs parapentistes acrobatiques au monde. Le père fait à son tour l’expérience de l’inquiétude parentale. « Donat, y a ton fantôme qui plane au-dessus de Sainte-Croix », chantait joyeusement vendredi dernier la famille Guignard sur l’air de « Morgane de toi ». Ce fantôme pourrait bien hanter encore quelques générations.
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