Les fameux « absents qui ont toujours tort » ne devaient pas être nombreux à être restés chez eux ce 14 janvier. C’est dans une Salle communale comble, malgré les routes enneigées quelque peu dangereuses et une température glaciale que les six comédiens de cette joyeuse troupe théâtrale des « Amis du Boulevard Romand » ont présenté cette comédie déjantée à mourir de rire, bien connue et toutefois ancienne d’une cinquantaine d’années.
En tant que rédacteur du présent article, ayant regardé à plusieurs occasions la version filmée de cette anthologie du cinéma et du théâtre, avec Bourvil dans le rôle d’Antoine, et Emile, Lulu, Fernande, Péquinet et Legrand ses acolytes, je me réjouissais beaucoup d’assister à cette représentation théâtrale présentée à Sainte-Croix cette fois, par des acteurs professionnels, avec toutefois, dois-je l’admettre honnêtement, une petite envie critique objective, compte tenu de mes nombreux souvenirs liés à mes soirées télévisées, au cours desquelles Bourvil et ses amis me faisaient rire à mourir, particulièrement lors du dialogue de ce dernier discutant au téléphone avec le commissaire de police Benoît, et Péquinet un brin benêt, écoutant assis à ses côtés.
Qu’allait donc donner cette soirée ? Elle en fut pour « ma pomme ! » avec la superbe et poignante démonstration des six comédiens de cette « Bonne planque », et je dois honnêtement l’admettre, j’ai à nouveau éclaté de rire, avec de plus, un public autour de moi, appréciant et pleurant tout autant de rire.
L’histoire de « la bonne planque » est simple, banale et dramatiquement comique. Il s’agit en fait de deux gangsters, Emile et sa jolie complice Lulu, en fuite après avoir commis un hold-up dans une banque, ne trouvant plus où se cacher, se sachant poursuivis par la police et finissant par se réfugier dans l’appartement d’un gentil garçon quelque peu naïf, absent à ce moment, avec leur butin en billets dans un attaché-case.
Nos deux compères, un peu paniqués, particulièrement Lulu que son complice n’arrête pas de menacer avec son pistolet de peur qu’elle ne craque, se préparent à recevoir le maître des lieux, par tous les moyens nécessaires si ça devait mal se passer. Le brave Antoine rentrant sur ces faits, Emile ayant été se cacher dans la penderie, Lulu essaye donc d’utiliser ses charmes pour le tranquilliser avec un certain succès dû à sa bonne humeur et sa gentillesse forcées, mais très rapidement arrive à l’improviste Fernande, la maîtresse d’Antoine, son mari Péquinet, policier un peu simplet ignorant cette idylle, obligeant Fernande à se cacher aussi dans la penderie sans savoir qu’elle était déjà occupée par le gangster Emile, ce dernier la recevant semble-t-il sans se trahir, mais au grand bonheur de Fernande la bien chaude épouse volage.
Ces entrées mouvementées ne sont que l’infime partie d’une époustouflante série de quiproquos entre les personnages tous plus excités ou naïfs les uns que les autres, dragues éhontées des deux filles, mensonges effrontés, découvertes des tromperies conjugales, cachotteries pour couvrir les vérités, gaffes involontaires dans les bisbilles du moment, tous plus hilarants, cocasses, plus mensongers les uns que les autres et toujours avec les fréquentes menaces au pistolet d’Emile le gangster, de plus en plus déstabilisé.
Ajoutons à ces malheureuses péripéties verbales, encore une confusion de la mallette contenant l’argent du hold-up avec celle d’Antoine, identique, contenant ses réserves de tisanes à la camomille et autres infusions, et il n’en fallait pas plus à Emile pour qu’il menace à nouveau tout le monde avec son pistolet, avant d’être désarmé par le courageux Péquinet.
Et dans tout ça, toujours une Lulu apeurée qui essaye de calmer le jeu par ses rires ridicules et ses plaisanteries des plus déconcertantes, un Antoine commençant à prendre goût à cette situation rocambolesque au moment où le voleur est démasqué et d’un commun accord avec Péquinet, proposant à ce dernier qu’il en soit l’auteur, avant de téléphoner à son supérieur, le commissaire Benoît pour lui annoncer cette capture. Ce dernier ne pouvant y croire de la part de son naïf subordonné se met à rire au téléphone, transmettant son hilarité à Antoine, alors que la communication se transforme en des échanges des plus burlesques et hilarants.
Alors que le drame semble prendre fin par un certain retour au calme des comparses, « voilà-t’y-pas » qu’un énergumène, le radio-reporter Legrand, absolument ignorant du drame qui vient de se passer, sonne à la porte pour annoncer à Antoine qu’il a gagné un concours de musique avec son interprétation inédite de son chant « Ton thé t’a- t- il ôté ta toux », et c’est reparti avec ce reporter sensible maladivement qui n’arrive pas à se faire comprendre, risquant de défunter dans cet appartement, entouré de ces cinq partenaires déjantés au possible.
Un grand bravo encore à ces comédiens des « Amis du Boulevard Romand » pour leur formidable prestation. Mise en scène : Anthony Mettler. Producteur exécutif : Frédéric Martin, ce dernier est bien connu des Sainte-Crix.
Les applaudissements prolongés et nourris des spectateurs furent à la hauteur de la superbe qualité du spectacle. Au nom du public présent, nous ne pouvons encore que féliciter la troupe !
Et avis aux amateurs convaincus par le présent article à assister une prochaine fois à ce qu’ils ont manqué ce 14 janvier, les mêmes comédiens rejoueront ce vaudeville à plusieurs occasions en Romandie d’ici au printemps. Se renseigner sur
www.amisboulevardromand.ch
À titre de scoop : ils sont déjà en préparation de leur prochain spectacle « La Mission Florimont », un voyage au cœur de la Renaissance. Une comédie historique, à nouveau loufoque et déjantée. Avis aux amateurs.
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