Le bruissement des feuilles au vent. Le crépitement d’une bûche. Ce sont les échos du massif jurassien, des montagnes amérindiennes, des plaines tibétaines ou encore des alpages d’Europe orientale. Produits sans partiteur, ils ne peuvent être incorrects. Partant de ce constat, Eric Wenger s’initie à un univers phonique particulier. Un programme de récitals voit le jour. À l’aube d’une année bien remplie, penchons-nous sur la constitution d’une corde à son arc : la musique autrement.
Les uns commencent avec le solfège. Les autres s’appuient sur des tablatures. Eric Wenger s’est intéressé au son grâce à ses chiens loups. Il y a quatorze ans, le Vaudois s’installe dans les pâturages de L’Auberson. Sur le terrain autour de la maison, sa meute de huskies sibériens s’épanouit en liberté. Au lieu de s’engager dans une activité sportive, les chiens de traîneaux lui inspirent un mode de vie à la fois proche de la nature et sociable. Un rythme en osmose avec l’environnement découle de son quotidien aux côtés de ses amis poilus. Cette cadence au pas de loup, Eric la partage avec des visiteurs. Parmi eux figurent des amoureux de canins, des curieux ou encore des adeptes de microcosmes harmonieux dont des initiés à la musique traditionnelle du monde. « À travers des échanges et l’écoute de concerts, je me suis défait de ma pudeur face à la création musicale. Progressivement, je me suis autorisé à me baigner dans la sonorité ».
Une ribambelle d’instruments
Le premier instrument sur la liste qui s’étoffera tout au long des années est sa voix. En 2016, suite à une présentation de chants de gorge tibétain, Eric participe à une initiation. La technique implique entre autres une maîtrise subtile de l’articulation et de la respiration. « Ni précis, ni structuré, il s’agit de l’élaboration d’une harmonie intuitive. Cette démarche m’a ouvert à une musicalité autre que celle de l’académisme classique », explique le Sainte-Crix. Immersion faite au travers des tempos orientaux, il élargit la portée de cet univers. Le pathos percutant du tambour des natifs des USA, la vibration des bols en cristal chantants ou encore le souffle étiré du shruti-box d’origine indien s’ajoutent à son éventail sonore. Récemment les sifflements du Fujara, une longue flûte percée de trois trous, emplissent l’enclos de la meute. « J’ai longtemps observé un ami qui fait résonner cet objet artisanal d’origine slovaque et traditionnellement joué par les bergers. Mon premier essai fut prometteur. La pratique régulière est venue naturellement ». En sus d’une liberté individuelle, l’approche organique qu’évoquent ces engins musicaux va de pair avec une festivité. Au fil des années, moult séances d’improvisation se succèdent. Sans partiteur ou programme strictement prédéfinis, les moments de partage sont dictés par l’écoute et une synergie spontanée. « Personne ne peut jouer faux. En revanche, il faut s’accorder de façon intuitive pour qu’une harmonie sonore s’établisse », souligne-t-il. En effet, la pratique intensive permet d’orienter l’expérience auditive. En guise de préparation, la séquence des couleurs phoniques ou encore l’acoustique des lieux sont discutées afin d’anticiper la transition et la portée du son. Toutefois l’expérimentation reste au cœur des performances.
L’agenda 2019 d’Eric en fait preuve. En sus d’un programme d’un récital toutes les six semaines, des cours pour amateurs sont proposés. « Sans prétention musicale, le but est de contribuer à l’ouverture d’esprit et au bonheur », conclut-il.
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