Baulmes, 3 mai 2025. Sur les hauteurs du Nord vaudois, là où les reliefs accrochent le ciel, 1’140 coureurs se sont élancés, prêts à affronter un défi aussi physique qu’émotionnel, le Jura Swiss Trail.
Du compétiteur aguerri au novice motivé, du passionné local au visiteur curieux, tous animés par la même quête : celle du mouvement en pleine nature, au rythme des crêtes du Jura. La sixième édition du Jura Swiss Trail a tenu ses promesses, portée par une météo exceptionnellement clémente, un terrain exigeant, et une organisation fidèle à son esprit d’origine : rigoureuse, engagée, profondément humaine.
Créée en 2019, la course s’est imposée comme un rendez-vous incontournable du calendrier romand. « Notre volonté, c’est de faire découvrir ou redécouvrir des sentiers que nous aimons profondément. Le Suchet, les Aiguilles, le Chasseron : ces montagnes sont notre terrain d’entraînement depuis toujours », explique Steve Beati, président du comité d’organisation. Le parcours Cabri (19 km), faisait déjà figure de référence régionale avant même la naissance officielle de la course.
Aujourd’hui encore, l’ancrage local est fort. « Le Jura Swiss Trail, c’est une course de quartier dans l’âme, mais avec une exigence de montagne », résume Steve Beati. La majorité des participants viennent du Nord vaudois, rejoints par quelques Valaisans – leurs sommets étant encore enneigés au printemps – des Suisses allemands et des coureurs étrangers. Mais tous parmi les 1’140 participants inscrits cette année, fidèles ou nouveaux venus, sont là pour courir un parcours emblématique, ancré dans leur mémoire, dans leur saison, presque dans leurs muscles. Un itinéraire qu’ils retrouvent chaque année comme un rendez-vous essentiel.
L’édition 2025 a affiché complet depuis un mois. « On n’a jamais eu une édition aussi chaude. C’est presque l’été sur les crêtes », se réjouit-il.
Et pour que la magie opère, plus d’une centaine de bénévoles veillent à la fluidité de l’organisation : signalisation, accueil, sécurité, logistique. Sans eux, pas de course. Leur engagement fait aussi la grandeur de l’événement.
Une course pensée pour l’endurance… et pour l’exigence
Qu’on ne s’y trompe pas : le Jura Swiss Trail est une véritable course de montagne, rude, authentique. Elle se court en autosuffisance, sans confort superflu. « Ce n’est pas une épreuve formatée. Ici, tu dois être autonome : ton eau, ta nourriture, ton matériel. Entre les Avattes et la Cruchaude, c’est 14 kilomètres sans aucun ravitaillement. C’est ça aussi, le trail », insiste Steve Beati.
Avec un dénivelé cumulé qui grimpe vite et des pentes techniques, même les coureurs expérimentés y laissent de l’énergie. Le tronçon sans ravitaillement représente plus de deux heures et demie d’effort soutenu – une portion redoutable pour les jambes, le souffle, et la gestion mentale. Le Jura Trail est une porte d’entrée vers les longues distances, une initiation sérieuse à l’univers de l’ultra-trail. Pas de course aseptisée ici : le parcours impose ses règles, et la montagne fait le reste. Mais c’est aussi une discipline accessible, où chacun peut aller à son rythme, sans chrono à viser, mais avec un sommet à atteindre.
Le trail au féminin : un engagement concret, une vision assumée
Depuis sa création, le Jura Swiss Trail met un point d’honneur à valoriser les femmes dans le trail. « Dès la première édition, on a voulu donner une vraie visibilité aux femmes. Chaque année, on choisit une ambassadrice locale, en qui on croit fort. Une coureuse qui représente l’avenir », explique Steve Beati. Ce choix n’est pas symbolique : c’est un engagement concret, reconduit chaque année.
En 2025, c’est Kelly Rebeaud, membre du Team SummitPush, qui incarne cette vision. Athlète complète, passionnée par l’effort en pleine nature, elle s’illustre autant par ses résultats que par sa capacité à transmettre une passion sincère et joyeuse. Elle n’a pas seulement prêté son nom à l’événement – elle l’a inspiré. Elle incarne aussi un certain esprit du trail, intime, engagé et libre.
Kelly Rebeaud : courir pour se retrouver
Quand Kelly Rebeaud découvre le trail en 2018, ce n’est pas une reconversion, mais une révélation. Elle court d’abord pour promener son chien, puis un jour, elle accroche un dossard – sans vraiment savoir à quoi s’attendre. Elle y trouve plus qu’un sport : une échappée mentale, un besoin vital. « Ma tête reste dans la voiture », glisse-t-elle avec le sourire. Le trail devient sa respiration, sa liberté, sa manière d’habiter le monde. Il lui donne confiance, l’ancre dans la nature, dans les montagnes qu’elle affectionne tant.
En 2025, c’est elle qu’on retrouve en haut de l’affiche : ambassadrice du Jura Swiss Trail, une course qu’elle connaît par cœur. « Le Suchet, le Chasseron… c’est mon terrain de jeu. La date tombe parfaitement, je suis chez moi. » Cette année, elle s’élance sur le 55 km – sa première aussi longue distance en début de saison. Une étape symbolique autant que sportive. « J’ai des appréhensions, mais elles sont surtout dans la tête. Je me suis bien préparée. »
Préparée, oui. Depuis trois mois, elle suit un plan d’entraînement construit avec ses coachs. Mais pas question pour elle de s’effacer derrière des chiffres ou des tableaux : « Ce n’est pas moi qui m’adapte au plan, c’est le plan qui s’adapte à moi. » Une philosophie qu’elle applique aussi dans sa vision du trail : « Chacun fait comme il veut. C’est ça que j’aime ici : cette liberté, cette ouverture. »
Kelly ne court pas seule. Elle parle d’un sport individuel, mais jamais solitaire. « J’ai toujours quelques copines pour aller en montagne. Et je cours autant avec des hommes qu’avec des femmes. Il n’y a pas de rivalité. Juste de la bienveillance. » Elle insiste sur l’endurance des femmes, souvent remarquables sur les longues distances, et salue le choix du Jura Swiss Trail de mettre chaque année une femme à l’honneur. « C’est important, et c’est fait avec sincérité. »
Son été sera chargé, mais choisi avec soin : en juillet, la Pierra Menta été à Arêches-Beaufort (3 jours d’effort en équipe avec Romaine Pillonel, entre 25 et 28 km par jour, pour 7000 m de D+), puis le Trail du Besso à Zinal fin août (59 km, 5800 m de D+). « Cette année, je mise sur la qualité, pas la quantité. »
Et le Jura Swiss Trail, dans tout ça ? Elle sourit, sans hésiter : « Un esprit amical, bienveillant. Merci au comité hors pair. Vive le JST ! »
Cette année, la victoire est venue couronner son engagement : Kelly Rebeaud a remporté la première place dans sa catégorie sur les 55 km, avec un temps de 7h12 – légèrement en avance sur son estimation initiale de 7h15. Elle s’est dit ravie de son résultat, une belle surprise qui vient récompenser trois mois de préparation exigeante et ciblée.
Car, au-delà des kilomètres et du dénivelé, le Jura Swiss Trail 2025 a prouvé une chose : qu’ici, courir c’est appartenir. À un territoire, à une communauté, à une émotion partagée. Rendez-vous l’année prochaine, sur les crêtes.
C. Alkabes