Les 13, 14, 15 et 16 juillet se sont déroulés au centre sportif de Sainte-Croix les spectacles-concerts de la Société cantonale des musiques vaudoises. Produit final d’un camp de deux semaines, cette édition spectaculaire réunissant une centaine de jeunes énergiques, dont quatre de la région, aura joyeusement animé le public et les hauts de Sainte-Croix.
Fondée en 1982, la Société cantonale des musiques vaudoises organise depuis sa création des camps permettant aux jeunes musiciens de 12 à 20 ans pratiquant des instruments d’harmonie (soit les familles des cuivres, des bois et des percussions) de se rassembler sous le spectre de la musique. C’est l’occasion pour beaucoup de se retrouver comme pour d’autres de se rencontrer. Entre une amélioration technique du jeu encadrée par les professeurs et un travail de coordination sous la baguette des chef/fes d’orchestre, ce camp permet à chacun de ses membres de vivre une expérience orchestrale en plus d’améliorer ses compétences personnelles, au profit de l’ensemble musical dont il fait partie. La musique, bien que centrale, n’est cependant pas l’unique point d’orgue proposé par la société, qui organise également diverses activités externes, l’occasion pour les musiciens de pratiquer entre eux d’autres arts de la vie. Si la musique éveille l’esprit, les muscles se voient pour leur part stimulés par les diverses activités sportives proposées, et plusieurs occupations assurent le divertissement tout au long du camp.
Un format double et mélangé
Le spectacle, regroupant beaucoup de registres de scène, proposait, en alternance ou parfois simultanément, une approche musicale, plus concertante, et une autre narrative, d’avantage théâtrale. Des interludes musicaux venaient parfois s’insérer entre deux scènes, apportant une variation de dynamiques, et, à d’autres occasions, l’orchestre jouait durant la déclamation des dialogues, faisant alors flotter la scène dans une atmosphère particulière. Ceci rendait cependant parfois pour certains spectateurs les dialogues difficilement audibles. Le spectacle exploitait également le principe de comédie musicale, incluant plusieurs chansons à son histoire.
L’histoire est celle d’un groupe de musiciens qui, en route pour jouer dans le cadre d’une représentation importante, tombe en panne et fait alors la connaissance d’une civilisation musicienne particulière. Sans l’espoir d’une aide externe, et incapables de refaire démarrer leur véhicule, les musiciens se voient alors obligés de rester un certain temps avec la communauté, grâce à laquelle ils finiront par comprendre la fonction unificatrice et universelle de l’art musical, quitte à en oublier la représentation officielle à laquelle ils devaient initialement jouer.
Une 40e édition spectaculaire
C’est par son expressivité artistique hors-norme que se sera démarquée cette quarantième édition. Tout d’abord, les décors dans lesquels évoluait le spectacle permettaient une certaine immersion avant même le début de la représentation, diverses décorations occupant la scène du centre sportif, dont une voiture au premier plan.
Sur le plan musical, les compositions de Blaise Ubaldini exploraient un nombre gigantesque de palettes sonores, faisant un usage complet de tous les registres de l’orchestre harmonique. Exploitant aussi bien l’approche comique, militaire et pompeuse des cuivres que leur potentiel intensément tragique et puissant, de leur chaleur à leur violence glaciale, de l’élégance unifiée et rassurante des bois à leur sinuosité fiévreuse, allant de l’explosivité effrénée de l’orchestre à ses facettes plus tempérées et oniriques, un mélange d’une très grande richesse expressive caractérisait les dynamiques des partitions.
La rigidité d’un style de composition classique s’opposait et se mélangeait parfois à une expressivité plus « jazzy », donnant lieu à des harmonies et des effets d’orchestre incroyablement chaleureux et surprenants, non sans rappeler Bernstein par moments. En plus d’une grande maîtrise de la coordination scénique, adaptant les émotions musicales à l’histoire qui se raconte par différents effets, diverses sonorités étranges venaient enrichir les dynamiques de l’orchestre harmonique traditionnel, notamment des rythmes frappés sur percussions métalliques sonores, sorte de narration musicale supplémentaire instaurant un climat de menace et de violence.
Sur le plan visuel, l’immense travail atmosphérique livré par Sophie Pasquet, metteuse en scène et librettiste, ajoutait une grande plus-value artistique. Sur le plan lumineux, des couleurs chaudes instauraient des ambiances joyeuses ou fiévreuses, marquées par une récurrence de l’orange, là où un bleu plus onirique prévalait dans les parties plus dramatiques, proche d’une forme de surréalisme particulièrement immersif. Parfois fixes ou parfois clignotants, les spots lumineux proposaient une immersion particulière, magnifiant les tons de la scène.
Le spectacle profitait ainsi d’un savoir-faire artistique très riche et d’un grand travail empirique.
L’espoir d’une belle suite !
Il était également très impressionnant de constater la qualité de l’organisation et la coordination musicale et scénique de la centaine d’artistes sur scène. Tous savaient où aller, quand, et comment, quoi faire à quel moment, ce qui témoigne probablement d’un important investissement personnel et d’une assiduité remarquable dans la préparation du spectacle. Les musiciens étant de tous les niveaux, ce qui apportait une certaine richesse et une diversité énergique au spectacle. Regrouper et gérer autant de monde s’imposait comme un défi aussi difficile qu’intéressant, surtout au vu du jeune âge de certains. Une difficulté que semble avoir surmontée avec brio cette quarantième édition. Certains signaient avec ce camp leur première édition, c’était d’ailleurs le cas de trois des quatre jeunes de la région, tandis que d’autres y retournaient, satisfaits de l’édition précédente. On ne peut ainsi que souhaiter aux éditions prochaines d’être tout aussi travaillées, mais surtout inondées de jeunes du Balcon du Jura vaudois, sous les yeux d’un public nombreux !
L.-G. Alloati
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