Promotion d’un tourisme durable, mise en valeur des produits locaux, sensibilisation à l’importance de la biodiversité… Depuis sa création en 2013, le Parc naturel régional Jura vaudois a fait du chemin. Après un gros travail de préparation.
Du fromage de brebis de Vaulion, du fromage de chèvre de Gimel, du miel de la Vallée de Joux ou encore de la viande de bœuf de l’ancienne race parthenaise, ces quatre produits ont, avec d’autres encore, gagné en visibilité avec le label « produit des parcs suisses ». « Ce label correspond à des critères de durabilité et de régionalité », explique Nathalie Rizzotti, directrice du Parc naturel régional Jura vaudois jusqu’à fin août dernier.
« Un parc est un véritable outil régional pour préserver et valoriser le patrimoine naturel et paysager, renforcer les activités économiques axées sur le développement durable, et promouvoir la sensibilité et l’éducation à cette thématique », expose la directrice. Le parc permet aussi de valoriser « la richesse incroyable du patrimoine culturel immatériel du Jura vaudois », dont les murs en pierres sèches, la fabrication du fromage en alpage, la désalpe ou encore les jeunesses campagnardes.
Se réorienter
Impliqué dans la création du parc depuis ses débuts, Éric Duruz, membre du comité et président de l’Association de développement de la Vallée de Joux (ADAE), résume les démarches entreprises. Tout a démarré en 2008, avec la création d’une assemblée constituante du projet de Parc naturel région (PNR). Pour briguer le label « Parc d’importance nationale », il a fallu montrer ses richesses patrimoniales, paysagères et naturelles. Le PNR Jura vaudois s’appuie sur les paysages forestiers, le sylvopastoralisme, le plus grand lac de la chaîne jurassienne (lac de Joux), mais aussi un centre de compétences en horlogerie et microtechnique, lié historiquement à l’activité hivernale des paysans et bûcherons. Un inventaire de la valeur et des caractéristiques paysagères et naturelles a démontré une biodiversité, un terroir et des traditions vivantes exceptionnelles. « Nous avons un peu souffert des exigences assez élevées de documentation de la part de la Confédération », admet Éric Duruz.
L’équipe a préparé ensuite un plan de gestion qui a été approuvé par les communes et remis au Canton. Ce dernier l’a transmis à la Confédération pour validation, et ultérieurement, octroi de subventions pour la réalisation des projets. Après huit ans d’existence, « le parc a dû se réorienter afin de toucher l’entier du territoire et répondre mieux à ses missions et aux enjeux actuels », souligne Nathalie Rizzotti. Le nouveau plan de gestion 2020-2024 du parc a également été approuvé par les trente communes. La Confédération couvre la moitié du budget. Les cotisations des communes (10 %), les fonds cantonaux (18 %), et la recherche de fonds privés servent de levier pour obtenir les fonds fédéraux.
Le programme actuel s’articule autour de « 10 projets cadres centrés sur le développement durable, avec deux thèmes transversaux, les changements climatiques et la forêt » résume Nathalie Rizzotti. Cela touche aussi le tourisme et les loisirs durables, l’énergie et la mobilité, le patrimoine naturel, la sensibilisation et l’éducation ainsi que l’identité régionale. Les projets sont menés en collaboration et coordination avec les autres acteurs du territoire. Des activités grand public et animations pédagogiques ont été développées au sein du Parc et des itinéraires pédestres, à ski de fond ou à vélo, comme la Route Verte, mis en place.
Convaincre
Le Parc concerne quatre différentes régions, avec quatre offices du tourisme et quatre organismes de développement régional. « Nous réfléchissons au niveau du territoire du parc, nous créons le lien entre les personnes et les organisations. Il y a encore beaucoup d’amalgames et des peurs, d’être mis sous cloche par exemple. Nous dialoguons avec tout le monde, il est nécessaire que les gens soient convaincus », souligne Nathalie Rizzotti. Au passage, la directrice tord le cou à certaines croyances qui ont la vie dure. « L’obligation de tenir les chiens en laisse ou l’interdiction de rouler sur certains chemins forestiers n’ont rien à voir avec la création du parc. »
Le Parc Jura vaudois mise aussi largement sur la communication, avec un nouveau site internet, un journal tous-ménages et une info mensuelle destinée aux communes. Il disposera d’ici peu d’un Espace découverte, qui devrait s’ouvrir début octobre au col du Marchairuz.
Neutre face à l’éolien
« Le Parc Jura vaudois, comme tous les parcs, a une position neutre en ce qui concerne les projets éoliens, soulignent tant Nathalie Rizzotti que Eric Duruz. Ce sont les communes qui votent pour les projets et nous ne sommes pas le type d’organisation qui peut faire recours, nous laissons la libre détermination aux personnes en charge », poursuit la directrice. De leur côté, les initiants du parc régional Balcon du Jura – Val de Travers ont également une réponse nuancée : « Notre position est neutre. Nous ne militons pas pour les éoliennes, qui pourraient altérer l’intérêt paysager et augmenter la difficulté de faire reconnaître les qualités de nos paysages par l’OFEV (Office fédéral de l’environnement). Malgré cela, les projets éoliens visant à produire de l’énergie renouvelable, ne sont pas, a priori, incompatibles avec l’existence d’un PNR, qui a aussi la mission de renforcer une économie axée sur le développement durable ». Deux parcs naturels régionaux, celui du Chasseral et de la région Thal (Soleure) ont d’ailleurs des éoliennes sur leur territoire.
Carte d’identité
Héritier du Parc jurassien vaudois né en 1973 sur un plus petit territoire, le Parc Jura vaudois est constitué depuis 2013 de 30 communes territoriales et de 3 communes propriétaires. Il rassemble sur 531 km2 près de 35’000 habitants – et 250 millions de fourmis des bois, l’emblème du Parc. Le PNR s’étend sur quatre régions : Nyon, Morges, la Vallée de Joux et le Jura Nord vaudois, soit du sommet de la Dôle à Romainmôtier, en passant par les crêtes et trois cols. Une partie de la commune d’Aubonne, trop dense, n’est pas incluse dans le périmètre du Parc.
Le parc compte 59 réserves naturelles, qui découlent des inventaires fédéraux du paysage. « Il n’y a aucune protection supplémentaire parce que nous sommes un parc », souligne Nathalie Rizzotti. Tous les dix ans, les communes membres renouvellent leur engagement au Parc et signent une Charte qui permet l’octroi du label par la Confédération.
Un parc Balcon du Jura vaudois - Val de Travers plébiscité
Après quelques mois d’existence, l’association pour la création d’un parc naturel régional Balcon du Jura – Val de Travers a déjà récolté un certain succès populaire. L’idée progresse, mais elle devrait être portée par les communes pour décrocher le label.
L’association pour la création d’un parc naturel régional Balcon du Jura – Val de Travers est née d’une réflexion d’amoureux de la région et de ses qualités intrinsèques, qui ont pris conscience qu’il manquait un maillon de la chaîne de conservation et de valorisation du patrimoine jurassien, entre le Parc naturel régional du Chasseral et son homologue du Jura vaudois. Autour de Julie Dubost-Suchet, d’Yverdon, un noyau a créé une association qui touche aujourd’hui un bon millier de personnes. Le comité de l’association formé de Julie Dubost-Suchet, d’Yverdon, de Jane Bosshard Quillerat, de Sainte-Croix et de Xavier Nachtergaele, de la Brévine appelle de ses vœux la création d’un PNR qui s’étendrait de Baulmes à la Brévine en passant par le Balcon du Jura et le Val de Travers, soit sur 380 km2. Il pourrait concerner 17 communes et 23’000 habitants.
Méconnus
L’association se donne pour mission de promouvoir la création d’un PNR Balcon du Jura – Val de Travers auprès des habitants et des élus des futures communes concernées. Elle intervient via les réseaux sociaux et par le biais d’un site internet et d’une newsletter. Elle vise également à faire connaître la réalité des parcs naturels régionaux. Julie Dubost-Suchet cite à ce propos une enquête représentative commandée par Pro Natura, qui montre que les parcs demeurent méconnus du public (mai 2020). Ce dernier connaît rarement leur vocation de protéger la nature. La moitié des personnes interrogée par l’Institut de recherche gfs n’ont pas pu nommer un seul des 16 parcs naturels régionaux. Plus étonnant encore, 86 % des personnes vivant dans un parc n’étaient pas au courant de son existence !
En Suisse, il existe trois types de parcs. Le seul parc national, aux Grisons, est aussi le seul qui doit avoir en son centre une réserve de protection intégrale. Autre modèle, les Parc périurbains, encore rares. Après celui de Zurich, déjà labellisé, un second est à l’étude dans le Jorat.
Les Parcs naturels régionaux les plus nombreux, seize au total, se trouvent dans le massif du Jura, l’Oberland bernois, le Valais, la Suisse centrale et les Grisons. Ils couvrent 13 % du territoire helvétique.
D’une taille définie par leurs adhérents, les parcs naturels régionaux peuvent s’agrandir, pour autant que le nouveau territoire soit limitrophe. Le périmètre souhaité pour le Parc du Balcon du Jura – Val de Travers s’insère entre le Parc régional du Jura vaudois et celui du Chasseral. « L’objectif est de combler ce vide et de créer des synergies et des projets communs, par exemple des couloirs pour la faune », souligne Julie Dubost Suchet. Ce sont cependant les communes, et elles seules, qui peuvent demander leur adhésion – ou leur retrait pour celles qui sont incluses dans un Parc.
Aspects positifs
« Le Balcon du Jura vaudois et le Val de Travers se retrouvent dans une configuration similaire au parc Jura vaudois » estime pour sa part Romain Suchet, sous-directeur du parc Jura vaudois et membre de la première heure du projet de parc Jura vaudois – Val de Travers : « Leur valeur paysagère est reconnue comme exceptionnelle et assez proche de celle du Parc Jura vaudois ».
Syndic de Sainte-Croix, Cédric Roten voit dans ce projet deux aspects positifs : « Un parc naturel valoriserait tout ce que nous avons ici, sur le plan paysager, économique et touristique. Il aurait aussi un effet démultiplicateur de fonds intéressant pour nos projets ». Il lui semble en revanche primordial que « tous les acteurs puissent se réunir pour en discuter ». Cédric Roten verrait également d’un bon œil une collaboration avec les voisins du canton de Neuchâtel, afin de créer des synergies sur des dossiers transversaux.
0
bel article. Merci d’avoir partagé.