Les tenanciers de l’Hôtel du Chasseron cesseront leur activité à fin septembre. Propriétaire des lieux, armasuisse annonce qu’elle ne relouera pas pour l’hiver. Mais ne ferme pas complètement la porte à une exploitation future, voire à une vente. Les communes se mobilisent.
« L’annonce de la fermeture définitive de l’Hôtel du Chasseron est prématurée », assure Fabienne Dégailler, syndique de Bullet depuis début juillet 2025. Elle répond ainsi aux récentes déclarations de Nicolas Blanchard, qui assure, lui, que les dés sont jetés. À l’appui de ses affirmations, l’exploitant du Chasseron cite des propos oraux tenus par les responsables du dossier chez armasuisse, propriétaire des lieux, lors d’un entretien qui s’est déroulé le 19 juin dernier.
Largement diffusée par Nicolas Blanchard, l’annonce de fermeture à fin septembre a suscité de nombreuses réactions. Toutes mettent en avant le côté emblématique de ce lieu, but de randonnée traversé aussi par le Chemin des Crêtes et déjà connu à l’époque gallo-romaine, avec la construction d’un temple sur ses hauteurs. Syndic de Sainte-Croix et « ministre » du tourisme, Yvan Pahud évoque lui « un pilier central du développement touristique, avec une ouverture hiver comme été ».
Ne pas relouer
Questionnée à ce sujet, armasuisse se dit « consciente de l’importance touristique de l’hôtel-restaurant pour la région », selon Léa Ryf, porte-parole. Elle rappelle toutefois que le locataire actuel, Nicolas Blanchard, a résilié le contrat avec armasuisse « de sa propre initiative, dans les délais impartis, avec effet au 30 septembre 2025 ». L’hôtelier de 32 ans désire en effet se consacrer à un autre projet en lien avec la gastronomie, et il avait trouvé un repreneur, qualifié de « sérieux ».
Armasuisse a cependant décidé de « ne pas relouer l’hôtel-restaurant à partir d’octobre 2025, et jusqu’à nouvel ordre », précise la porte-parole qui ajoute
« qu’un délai transitoire a été accordé au 10 octobre 2025 à Nicolas Blanchard pour vider le restaurant ou vendre le mobilier sur place ».
Conseiller national et membre de la commission des finances du Parlement, Yvan Pahud cite également l’aspect stratégique du site militaire du Chasseron, sur les hauteurs du Jura vaudois. « Au vu de la situation géopolitique mondiale et des défis auxquels est confrontée la Suisse en matière de sécurité, il est à conserver et à développer par la Confédération », estime le parlementaire.
Selon la porte-parole d’armasuisse « l’Hôtel du Chasseron est en mauvais état. Pour pouvoir continuer à l’exploiter, l’ensemble du bâtiment doit être rénové de fond en comble, y compris le toit et la façade »,
dit-elle. Cependant, une rénovation « en profondeur » avait été réalisée en 1987, rappelle un ingénieur retraité qui avait contribué à la réalisation des raccordements électriques et à la construction des systèmes d’eau potable et eaux usées. « Tout semble avoir bien fonctionné durant presque quatre décennies », poursuit l’ingénieur.
Le chauffage en 2024
D’autres travaux ont été réalisés depuis : une visite des lieux, samedi dernier, montre qu’un nouveau système de chauffage et de production d’eau chaude a été installé en 2024 et que les radiateurs ont été munis de vannes thermostatiques. Le système de ventilation a été changé également ainsi que l’adoucisseur d’eau. Les 38 fenêtres ont toutes été remplacées, la porte antifeu de la cave est récente et le tableau électrique va être mis à neuf. Seul bémol visible, le larmier à l’angle du toit au-dessus de la véranda est endommagé, mais « un charpentier peut le remettre en état en peu de temps », assure Nicolas Blanchard.
Les chambres et le dortoir, 38 lits au total, n’ont pas été réaménagés, mais restent parfaitement fonctionnels et dans l’esprit d’un établissement de montagne.
La vue exceptionnelle compense largement leur aspect un peu suranné. L’hôtellerie émarge pour 10% au chiffre d’affaires du Chasseron, indique Nicolas Blanchard.
Sans donner plus de précisions sur un programme de travaux, armasuisse souligne par sa porte-parole que la rénovation est prévue, « mais n’est malheureusement pas prioritaire, compte tenu de la situation actuelle en matière de sécurité et de finances ».
De son côté, Yvan Pahud se dit « conscient qu’avec le changement de tenancier, des éventuels travaux d’aménagements sont nécessaires. Néanmoins, est-ce nécessaire de fermer l’hôtel pour les effectuer ? », s’interroge-t-il. De son côté, la syndique de Bullet souhaite « défendre la poursuite de l’exploitation, avec une interruption la plus courte possible ». Un rendez-vous avec armasuisse est prévu à fin août. « Ceci afin de déterminer si et comment une solution pourrait être trouvée pour éventuellement poursuivre l’exploitation de l’hôtel », confirme la porte-parole.
Une vente de l’établissement ne serait toutefois pas impossible. La commune de Bullet pourrait se porter acquéreure. « Comme il s’agit en principe d’un site militaire, la vente de l’hôtel doit être clarifiée en détail », relève la porte-parole. Armasuisse et l’armée désirent
« se réserver la plus grande liberté d’action possible, et ne souhaitent pas actuellement « se prononcer définitivement sur l’avenir de l’Hôtel du Chasseron ».
« À Berne, on veut faire des économies, sans réfléchir aux conséquences pour la région, et si ces économies sont vraiment efficaces », s’irrite l’ingénieur retraité qui avait œuvré à la rénovation de 1987.
« En termes de tourisme, c’est tout le Nord vaudois qui est impacté », conclut Fabienne Dégailler, qui se pose la question : « est-ce que d’autres Municipalités ne devraient pas être impliquées dans les discussions ? »
Cette fermeture intervient quelques mois après celle du restaurant et des dortoirs des Rochats, à côté de la caserne éponyme, également propriété d’Armasuisse. Très fréquenté en été, c’était aussi un maillon important de l’hébergement sur le Chemin des Crêtes.
C. Dubois
Une vente aux enchères
Le premier bâtiment, plus modeste que l’actuel, a été construit à la toute fin des années 1800, à la même époque que le Grand-Hôtel des Rasses, rappelle en substance Nicolas Blanchard, dont le père, Jean-Luc Blanchard, a repris l’exploitation de l’hôtel-restaurant il y a 10 ans. Une affaire de famille qui s’est poursuivie jusqu’ici. Outre Jean-Luc Blanchard, sa femme Josiane et leur fille Nadine filent de sérieux coups de main à Nicolas, devenu patron il y a huit ans.
Amer, le tenancier en partance qui comptait sur la transmission des équipements et du mobilier au futur repreneur pour se constituer un pécule de démarrage de sa nouvelle entreprise, envisage une vente aux enchères de tout le matériel, le 30 septembre 2025. Il a lancé également un crowdfounding, avec contre-partie, afin de réunir au minimum 5’000 francs.

