En consultation jusqu’au 21 avril, les nouvelles dispositions de la loi sur les communes (LCom) sont perçues comme une volonté de corseter leur fonctionnement. Elles représenteraient « une sérieuse atteinte à l’autonomie communale ». Les élus disent y lire entre les lignes une « obligation à fusionner ».
L’avant-projet de loi sur les communes vise à rendre ces dernières « plus fortes afin de pouvoir bénéficier au mieux de leur autonomie », assure le Conseil d’ État à propos des nouvelles dispositions en consultation jusqu’au 21 avril 2025. « Ce message ne trouve pas écho au sein des communes, et donne plutôt l’impression de vouloir cadrer de manière très serrée le fonctionnement de celles-ci. L’intention de pallier certains disfonctionnements qui ont pu être constatés est certes louable, mais la méthode n’est pas appropriée », exprime Maude Schreyer, syndique des 682 Bullatons et Bullatones. Elle poursuit : « Une loi en tant que telle est un ensemble de règles générales et abstraites. Dans le cas présent, le Conseil d’État propose d’y régler de manière très spécifique des questions opérationnelles, ce qui n’est pas du tout adéquat et représente une sérieuse atteinte à l’autonomie communale ». Le constat de la syndique est largement partagé par ses pairs, de l’aveu de Yvan Débieux, de Pomy, membre du comité du Groupe des syndics du district du Nord vaudois.
De plus, Yvan Pahud et Claude Roulet, respectivement syndics de Sainte-Croix (5'130 habitants) et de Mauborget (145 habitants) voient dans l’exercice « un oubli que les communes sont le fondement de la Suisse, inscrit dans la Constitution », argumente en substance Yvan Pahud. Et selon Claude Roulet, « le Conseil d’État veut diminuer le pouvoir de ceux qui font de la politique de terrain et les ramener à de simples exécutants, ce qui est de nature à décourager ceux qui voudraient s’engager en faveur de leur commune ».
Obligations administratives
Présidente du Groupe Bourgs et Villages - communes de moins de 7'000 habitants - au sein de l’Union des communes vaudoises, Christine Chevalley (Veytaux) note que « l’État s’est employé à compliquer le quotidien des autorités communales, en imposant notamment des obligations administratives », comme un taux d’activité minimal pour le secrétariat communal, la bourse et le préposé à l’urbanisme. Sans incidence pour des communes de la taille de Sainte-Croix ou plus grandes, qui disposent de personnel professionnel à temps plein pour ces postes, les nouvelles dispositions posent un casse-tête aux petites communes, auxquelles il est conseillé de créer des pôles administratifs. « Mais qu’en sera-t-il du secret de fonction, avec des employés intercommunaux ? » interroge Claude Roulet. Pour Maude Schreyer, « le fait de vouloir imposer dans la loi un taux d’activité minimum pour les postes de secrétaire municipal.e, de boursier.ère et de responsable de l’urbanisme montre que l’avant-projet de loi est sous certains aspects déphasé de la réalité du terrain ».
Le bât blesse aussi à propos des prérogatives du syndic, qui sont réduites dans la nouvelle loi. Le Canton parle de « propositions visant à accroître la collégialité au sein de la Municipalité ». Maude Schreyer le comprend: « La Municipalité est co-responsable et doit être solidaire de toute décision. En tant que syndic.que, on n’est pas « supérieur » à ses collègues, mais bel et bien égal ». Toutefois, elle partage également l’avis de Yvan Pahud qui rappelle que le syndic « engage la commune par sa signature, et c’est aussi lui qui se retrouve face au tribunal en cas de litige ». « Rien que le fait que les courriers officiels de la commune soient signés par le/la syndic.que lui donne une autorité, une responsabilité particulière vis-à-vis de la population », complète Maude Schreyer.
«Astreinte» à fusionner
Les grandes communes, et de plus petites comme Sainte-Croix, remplissent déjà la nouvelle obligation formulée à leur administration de se doter d’un règlement, d’un plan financier et d’un programme de législature. Mais des éléments comme le nouveau modèle comptable MCH2 – que Sainte-Croix a déjà implémenté en tant que commune pilote – font sourciller certains. Toutefois, à Bullet, la transition s’est bien passée, rapporte Maude Schreyer : « Notre boursière a fait un gros travail, elle a suivi les formations nécessaires et a pu obtenir du soutien en cas de besoin ».
À l’instar de leurs homologues du district et du Groupe des bourgs et villages, les syndics du Balcon lisent entre les lignes une « astreinte à fusionner formulée aux communes », alors que ces dernières sont compétentes pour juger de l’opportunité de convoler avec leurs voisines. Il doit y avoir des intérêts naturels à fusionner, non pas une loi cantonale », martèle Yvan Pahud.
La dissolution des ententes communales voulue par le Canton, au profit de sociétés régionales d’intérêt public, n’est pas combattue, mais elle ne peut pas s’appliquer partout, selon Christine Chevalley, à l’exemple de l’entente autour de la culture en vigueur dans sa région. Ce qui ne passe pas en revanche, c’est l’autorité que se donne le Conseil d’ État de « contraindre une ou plusieurs communes à collaborer » et, en vertu « d’un intérêt régional prépondérant, d’obliger une commune à s’associer et/ou à adhérer à une association intercommunale, le cas échéant en quittant l’association dont elle est membre ». Yvan Pahud s’insurge : « À nouveau, par cette loi, le Conseil d’État veut imposer son pouvoir aux communes… or, elles doivent jouer le premier rôle, ce sont les plus proches du terrain et de la population ».
Seconde consultation
Malgré leurs réticences face aux nouvelles dispositions, les communes ne contestent pas une certaine obsolescence de la loi en vigueur qui remonte à 1956. « Elle avait besoin d’une réforme d’envergure, alors que les tâches des communes et les défis auxquels elles sont confrontées ont grandement évolué et sont devenus de plus en plus complexes », expose le Canton. Syndique de Bullet, Maude Schreyer est d’avis « qu’une révision totale de la loi peut s’avérer bénéfique… ». Elle relève que les communes ont eu l’occasion de transmettre leurs desideratas pour cette révision et admet « que l’exercice n’est pas simple, en particulier dans le contexte vaudois où les relations canton-communes peuvent parfois s’avérer relativement tendues ».
Les communes vaudoises qui avaient jusqu’au 31 mars 2025 pour faire part de leurs remarques au sujet de l’avant-projet de la loi se sont insurgées sur le délai, et ont obtenu une rallonge de trois semaines. Elles ont jusqu’au 21 avril pour rendre leur copie, et annoncent vouloir le faire tant à leur échelon que via leurs associations. Le Groupe des bourgs et villages estime nécessaire une seconde consultation, amendée avec les remarques des communes, avant que les 182 articles ne soient soumis au Grand Conseil. L’entrée en vigueur de la nouvelle LCom au 1er juillet 2026 paraît compromise.
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