Les nouveaux amodiateurs des alpages de la commune de Grandson, la famille Mayor, maîtrisent toutes les étapes, de l’élevage bovin à la fabrication du fromage. L’été, ils ouvrent les portes du chalet d’alpage la Grandsonnaz-Dessous.
Les cuves de cuivre de l’alpage de la Grandsonnaz-Dessous, à 1338 mètres d’altitude sur le flanc nord-ouest du Chasseron, ont une nouvelle maîtresse. Depuis fin mai, Amélie Mayor, titulaire d’un brevet de technologue du lait, fabrique chaque jour sept à huit meules de gruyère d’alpage AOP. La jeune femme de 24 ans se souvient du mélange d’angoisse et de fierté ressenti le premier matin où elle a mis en route la chaudière. « En famille, nous faisons tout, de la traite à l’affinage », se réjouit-elle. « C’était mon rêve, mais je ne pensais pas que cela arriverait aussi vite ».
Dans la quiétude du pâturage, le réveil sonne à 4h30 quel que soit le jour de la semaine. La première tâche d’Amélie consiste à allumer la grande chaudière à bois. 40 à 50 stères de résineux seront brûlés d’ici l’automne. La vapeur d’eau chauffera le lait – 2400 kg par jour - qui arrive directement de la salle de traite voisine, où, tirées elles aussi de leur sommeil, les 120 vaches Red Holstein et Holstein défilent à la traite par groupes de dix.
Salle de réception
Depuis le mois de mai, la famille Mayor est amodiateur des 168 hectares de pâturage, à de l’alpage de la Grandsonnaz et des deux chalets propriétés de la commune de Grandson mais sis sur le territoire de Fiez. Ils s’occupent également d’une centaine de génisses, d’une quarantaine de porcs et d’une trentaine de veaux. Et ils sous-louent le chalet-restaurant de la Grandsonnaz-Dessus à Fabrice et Sylvie Oberson.
Sous leur vaste toiture protectrice, les bâtiments en pierre de la Grandsonnaz-Dessous abritent notamment une fromagerie, un local de traite ainsi qu’un magasin de produits du terroir. Ce dernier jouxte la pièce maîtresse du chalet, la cuisine, rafraîchie et rénovée par la famille Mayor. À l’étage, restaurée de frais elle-aussi, une salle vitrée sur tout un côté donne à voir en contrebas le royaume d’Amélie, dont la chaudière et les deux cuves de 1200 litres chacune. Protégées par un rideau imperméable, les meules du jour attendent de rejoindre leurs aînées sur les rayons de la cave attenante. « Une quarantaine de meules sont déjà parties chez l’affineur Margot Fromages à Yverdon », précise la jeune femme qui fabrique également des tommes fraîches, du beurre et du séré. Par moments, elle est assistée par Camille Mayor, la femme de son frère Steven, également fromagère de métier. Pour soigner leur production, les deux jeunes femmes ne disposent que d’une machine semi-automatique. « Le robot, c’est nous », rigole Amélie.
Dans les gènes
Le bâtiment est suffisamment grand pour loger toute la tribu. Dans la famille Mayor, il y a Marlyse, la maman, qui gère dans la bonne humeur le quotidien de la maisonnée et prend le relais de diverses tâches si nécessaire, la traite par exemple. Avec son mari Cédric, maître agriculteur, le couple exploite un domaine à Provence. Les travaux d’été imposent des va-et-vient entre le bord du lac et la montagne.
Marlyse et Cédric Mayor ont transmis le virus à leurs trois enfants, à commencer par l’aîné Steven, 25 ans, agriculteur. Avec sa femme Camille, ils ont un petit garçon de 2 ans, Colin, qui adore déjà vivre à l’alpage, et un nourrisson de trois mois. Après Amélie, Noa est venu agrandir la famille. À 18 ans, actuellement apprenti agricole, il se destine à rejoindre le domaine familial. Par épisodes, comme lors de la nécessaire réfection des clôtures du vaste pâturage, Sylvain Bolens, l’ami d’Amélie, menuisier charpentier indépendant, se met également à disposition.
L’amour du bétail et de l’agriculture tient à la fois de l’inné et de l’acquis chez les Mayor. « C’est dans les gènes », sourit Marlyse Mayor. « Nous avons beaucoup travaillé sur le domaine et les enfants étaient toujours avec nous ». La collection de toupins et de sonnettes est aussi révélatrice de la passion familiale. Les courroies lustrées portent prénoms et dates des événements familiaux. Et il en a suffisamment pour que chacune des vaches du domaine en porte une pour monter à l’alpage.
La reprise de la Grandsonnaz, tenue auparavant pendant 36 ans par une société d’alpage, élargit la gamme des activités de cette famille d’entrepreneurs. Leur cordialité et le plaisir qu’ils ont à partager leur métier se résument avec cette phrase de Marlyse Mayor : « nous aimons recevoir les gens et nous avons l’impression qu’ils se sentent à l’aise ici ». Amélie ajoute avec le sourire : « On ne voit pas passer le temps, on se sent si bien ici que l’on se croit presque en vacances. C’est notre coin de paradis ».