Les étés chauds et secs se succèdent, faisant croître avec eux le risque d’incendie de forêt. Pour faire face à cette situation et anticiper les risques, le canton de Vaud se prépare activement depuis plusieurs mois, sur les plans stratégique, organisationnel et opérationnel. Le SDIS Sainte-Croix/Pied-de-la-Côte et 12 autres SDIS s’est vu confier la mission de lutter contre ces incendies.
Si les forêts vaudoises semblent, pour l’heure, être épargnées des grands incendies, tel que celui qui a touché le Haut-Valais en 2023, ou à l’image de ce que connaît la France, les autorités n’en ont pas moins pris le sujet en main. « À l’initiative du Conseil d’État, un concept intercantonal a été développé par la Direction générale de l’environnement (DGE) et l’Établissement d’assurance contre l’incendie et les éléments naturels du canton de Vaud (ECA) », explique le Major Ruben Romero, responsable des Opérations particulières à l’ECA.
De son côté, le Grand Conseil a validé à l’automne dernier les modifications des bases légales nécessaires à l’organisation de la lutte contre les feux de forêt, ainsi qu’un crédit de 4,2 millions de francs visant l’achat de matériel et la formation des sapeurs-pompiers. L’ECA, qui investit également dans des véhicules et du matériel, ainsi que dans des moyens de pompage, afin d’assurer la protection du bâti, a pour tâche de « piloter l’organisation opérationnelle de la lutte contre les incendies, la formation des sapeurs-pompiers à cette mission particulière, ainsi que le déploiement d’équipements adaptés », indique le Major Ruben Romero.
Une culture de la lutte contre les feux de forêt
Les conditions et techniques d’intervention diffèrent selon que l’on se trouve en milieu urbain ou forestier. En ce sens, le Major Ruben Romero soulève l’importance d’une formation adaptée : « Dès 2023, l’ECA Vaud a mis sur pied une équipe de formateurs spécialisés, et les a formés auprès du SDIS 39, qui opère dans le Département du Jura en France, et de l’École d’application de Sécurité Civile (ECASC), qui est un centre de formation et de référence internationale en matière de feux de forêt ».
Parmi les nombreux enseignements tirés de ces formations, le Major Ruben Romero relève différents points : développement d’une « culture de la lutte contre les feux de forêts », dans le cadre de laquelle prévalent l’anticipation et une maîtrise rapide des départs de feux, amélioration des compétences techniques et des connaissances tactiques, et approche globale du risque de feu de forêt. Ces enseignements et connaissances spécialisées seront transmis via « un cursus de neuf formations différentes, qui a été défini pour former les sapeurs-pompiers concernés à différents échelons, qu’il s’agisse pour eux de conduire une intervention feu de forêt, de conduire des véhicules ou d’intervenir avec l’appui d’hélicoptères », précise-t-il.
13 SDIS spécialisés
Une analyse des risques dans le canton a permis d’établir une cartographie de zones sensibles et d’identifier les Services de défense contre l’incendie et de secours (SDIS) amenés à se spécialiser dans la lutte contre les feux de forêt. « Nous équipons progressivement les 13 SDIS concernés par du matériel conçu spécifiquement pour intervenir dans les feux de végétation et de forêt, pour les terrains difficiles d’accès et pour l’alimentation d’un dispositif d’extinction », fait savoir le responsable des Opérations particulières de l’ECA.
Le SDIS Sainte-Croix/Pied-de-la-Côte figure parmi les services du feu désignés pour remplir cette mission. Le Commandant Allan Müller explique que « le territoire du SDIS est en grande partie couvert par des forêts dans lesquelles, ou à proximité immédiate desquelles, se trouvent des bâtiments. Ce sont autant de points sensibles à confiner, évacuer et à défendre en cas d’incendie. Une bonne connaissance des accès est donc essentielle pour que les forces d’intervention puissent être rapidement sur les lieux ».
Martial de Montmollin, inspecteur des forêts du 7e arrondissement, indique pour sa part que « les forêts situées dans secteur de la Côte de Vuitebœuf, de même que celles situées dans le secteur des Rapilles de Baulmes, ont été identifiées parmi les zones les plus sensibles du canton en ce qui concerne les incendies ». En cause, l’exposition de ce qui constitue la première pente du Jura vaudois, des sols superficiels qui se dessèchent facilement, une forte concentration de feuillus, et le risque lié aux activités humaines, à savoir le passage de véhicules. Un ensemble de circonstances particulières qui déterminent donc le fait de confier la lutte contre les feux de forêt au SDIS Sainte-Croix/Pied-de-la-Côte.
Apprendre « en immersion »
En termes de formation, le Commandant Allan Müller indique qu’au sein du SDIS régional, « l’ensemble des membres des deux organes d’intervention, soit les Détachements de Premiers secours de Sainte-Croix et du Pied-de-la-Côte, a suivi la formation théorique Feux de forêt de niveau I en 2024 ». Parmi eux, dix intervenants seront amenés à prendre part au cours « d’équipier spécialisé feu de forêt de niveau II » par année. Quatre sapeurs-pompiers ont déjà suivi la première session de cette formation ce printemps : « les retours sont excellents. Le format, très immersif et axé sur la pratique, a été très apprécié des participants. Ils ont également été exercés de nuit, apportant ainsi une dimension supplémentaire à leur formation », remarque le Commandant.
À cela s’ajoute la formation, en juin, de six chefs d’intervention sur cette thématique, ainsi que l’objectif de « dispenser des formations pratiques sur le terrain ces prochaines semaines à l’ensemble des membres du SDIS », précise-t-il.
M. Schreyer
Des collaborations nécessaires
Les feux pouvant s’étendre sur de nombreux hectares boisés, et au-delà des frontières cantonales ou nationales, la mise en place de collaborations s’avère primordiale pour gérer au mieux la situation en cas d’incendie. « Des groupes de travail romands sont actifs afin de développer le concept intercantonal commun et garantir une interopérabilité. Des exercices sont nécessaires pour coordonner les moyens des SDIS et d’autres intervenants », renseigne le Major Ruben Romero. La collaboration transfrontalière comme la collaboration intercantonale sont réglées par un cadre légal et des conventions. En pratique, il s’agit de « renforcer la coordination entre les services d’intervention romands et français dans une logique transfrontalière. L’intervention se fait par ailleurs désormais à l’échelle cantonale, voire intercantonale, et non plus par des SDIS isolés », indique-t-il. Du côté du SDIS Sainte-Croix/Pied-de-la-Côte, les sapeurs-pompiers formés comme spécialistes « pourront intervenir sur le secteur du SDIS, ou être appelés à renforcer le dispositif cantonal », mentionne le Commandant Allan Müller.
Les forestiers en appui
Le règlement en matière de prévention, d’organisation et de gestion de la lutte contre les incendies de forêt, approuvé par le Conseil d’État le 25 juin 2025, spécifie l’implication du personnel forestier dans le cadre des incendies qui pourraient survenir en forêt. Que ce soit au niveau du travail de préparation et de la mise en place de mesures de prévention, ou dans le cadre d’une intervention sur un feu de forêt, « les inspecteurs forestiers sont amenés à collaborer en tant que représentants métier. Du fait de leur rôle d’expert et de leur connaissance du terrain, ils peuvent intervenir en appui technique », explique Martial de Montmollin, inspecteur des forêts du 7e arrondissement, qui compte notamment les communes de Sainte-Croix, Bullet et Mauborget.
Comme le souligne le Major Ruben Romero, responsable des Opérations spéciales de l’ECA, « le principe d’anticipation est la règle absolue dans la lutte contre les feux de forêt et de végétation ». En ce sens, un important travail de préparation doit être réalisé. Du point de vue forestier, « cela consiste notamment en des analyses de terrain, afin de pouvoir mettre en place des plans d’intervention adaptés, qui précisent par exemple les possibilités d’accès des différentes zones, ainsi que des mesures de prévention », détaille Martial de Montmollin. Prévention qui passe d’une part par la communication au public, mais également par la façon de gérer les coupes de bois dans les zones sensibles. L’inspecteur des forêts explique que, tout comme pour les sapeurs-pompiers, des formations spécifiques seront organisées pour les forestiers, afin qu’ils puissent venir en appui dans le cadre de leur domaine de compétences. « Nous avons d’ailleurs la chance de pouvoir compter sur l’expertise de l’adjointe de la région Nord, qui a travaillé dans le domaine des incendies de forêt en Espagne et qui dispose donc de bonnes connaissances en la matière », indique l’inspecteur forestier.

