Le Balcon du Jura est bien placé pour répondre à de nouvelles aspirations, dictées par la prise de conscience de l’évolution du climat, le développement du télétravail et une envie de sortir des villes densément peuplées. Des souhaits renforcés par la crise sanitaire.
« Je n’ai jamais eu autant de demandes que ces mois d’octobre et de novembre, principalement pour l’achat d’appartements, de villas ou d’immeubles de rendement », témoigne Philippe Gerber, de l’agence TransCréa Immobilier Sàrl. « Les communes comme Sainte-Croix ont souffert de l’évolution du marché immobilier des dernières années, centrée sur les grandes villes et leurs agglomérations, et elles ont des logements vacants », constate de son côté Hervé Froidevaux, directeur Suisse romande et associé de Wüest Partner SA. L’expert poursuit : « La crise actuelle et ses conséquences - prise de conscience du climat, télétravail qui va s’inscrire durablement dans les habitudes, aversion pour la forte densité urbaine, intérêt pour l’économie locale - vont plutôt redynamiser ce type de commune disposant de commodités et infrastructures de base ».
Investir à moindre prix
Hervé Froidevaux relève d’autre part : les prix y sont plus bas que dans les grandes agglomérations et les communes comme Sainte-Croix attirent également des personnes désireuses d’être plus proches de la nature. De son côté, Philippe Gerber observe que si le réchauffement climatique oriente les jeunes retraités vers un climat plus tempéré, la baisse des taux de conversion des caisses de pension les incite également à vendre leur bien dans les régions où le coût de l’immobilier est élevé. Ils peuvent ensuite investir à moindre prix dans une région excentrée, et disposer encore d’un petit capital pour arrondir leur retraite. Les retraités figurent notamment parmi les clients des immeubles en PPA au Platon (ex-parcelle Thorens), où 30 des 48 appartements neufs sont déjà vendus, souligne Philippe Gerber. Le même frémissement, voire phénomène, se constate aussi dans les Alpes vaudoises et le Chablais.
L’introduction, en 2019, de la zone réservée sur les parcelles constructibles fige la construction de nouveaux logements. « Il n’y a plus rien à vendre », déplore Philippe Gerber. Il témoigne du fait que plusieurs de ses clients, intéressés à bâtir à Sainte-Croix sans délai, ont finalement acquis du terrain à Buttes, où la commune de Val-de-Travers a gardé des « poches » constructibles.
La fin du moratoire s’accompagnera d’une réduction des zones à bâtir. « Les travaux de préparation du plan d’aménagement avancent, et un projet sera soumis au canton pour enquête préliminaire au printemps 2021 », informent Lionel-Numa Pesenti et Jean-François Gander, respectivement municipal de l’urbanisme et chef du service urbanisme et bâtiments.
Possible de construire
Dans l’intervalle, « il est encore possible de construire dans la zone réservée », relève Lionel-Numa Pesenti. Il cite l’immeuble de 15 appartements qui va être érigé à la rue de France, sur le site de l’ancienne fabrique de pierres fines La Robellaz SA. Autre exemple, la transformation d’une maison familiale en cinq appartements à la rue du Tyrol, un projet mené par l’architecte lausannois Olivier Wyssmuller.
« Les immeubles à rénover et les friches sont potentiellement intéressants, pour autant que les projets proposent une qualité importante d’espaces extérieurs (balcons, terrasses, toitures, jardins) », relève de son côté Hervé Froidevaux.
Pour Laurent Guidetti, de Tribu architecture à Lausanne, le gel des terrains constructibles revient à « développer vers l’intérieur ». Densifier, c’est surtout rénover des bâtiments existants, valoriser des quartiers ou requalifier des espaces déjà construits, selon un document réalisé pour les cantons de Neuchâtel, Fribourg et Valais, destiné à accompagner le changement de paradigme induit par la révision de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT). Intitulé « Les enjeux du développement vers l’intérieur », il rassemble 32 réalisations récentes exemplaires.
À Sainte-Croix, les mutations industrielles des années 80 ont conduit déjà à de nombreuses transformations et adaptations du bâti aux besoins contemporains, tout en tenant compte de leur substance historique et morphologique. Beaucoup émanent de l’architecte Philippe Gueissaz, qui y a consacré une grande partie de son activité. L’architecte sainte-crix a d’ailleurs illustré l’ouvrage « Le patrimoine habité », co-écrit avec Martin Steinmann et Bernard Zurbuchen et paru aux PPUR, avec la transformation de bâtiments faisant partie du patrimoine architectural local. Il s’agit notamment du Centre d’hébergement pour requérants d’asile (ex-Paillard) et des bâtiments du site des Alpes (ex-Thorens). L’architecte a aussi insufflé une nouvelle façon d’habiter à de nombreuses bâtisses anciennes appartenant à des privés.
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