
Animés d’une forte volonté de partage, les forestiers de la région ont travaillé dur pour organiser une belle journée de la forêt. Ils ont accueilli un nombreux public sur leur lieu de travail afin d’expliquer et dévoiler un peu de leur quotidien, de leurs méthodes et de leurs outils.
Il est encore tôt ce samedi matin lorsque les timides premiers visiteurs se présentent à l’orée des bois de la Haute Joux. Deux immenses engins s’apprêtent à entrer en action sous la direction experte des machinistes forestiers. Ils démontreront l’efficacité de la récolte mécanisée, certes, mais réfléchie et planifiée afin de limiter les dégâts de l’exploitation. De ce premier poste bruyant, les promeneurs s’engagent dans la forêt le long du joli sentier forestier aménagé pour l’occasion. Le chant des oiseaux et le bruit du vent remplace le fracas du processeur et la douce odeur des copeaux de bois emplit l’atmosphère.
Pas à pas, la balade emmène au cœur de la forêt d’ordinaire difficilement accessible. D’anciennes souches moussues témoignent du dernier passage de l’homme ici, il y a de ça quelques décennies. Mais voilà que l’on entend le son d’une tronçonneuse. Plusieurs bûcherons s’affairent avec un petit tracteur télécommandé. Ils démontrent comment réaliser un abattage sélectif afin de libérer de l’espace et offrir de la lumière pour aider la pousse des jeunes conifères. Si un ratio de 20% de feuillus est admis, principalement hêtres et érables sycomores, les rois du Jura restent bien les épicéas et sapins qui sont ici dans leur station de prédilection.
Plus loin, l’inspecteur forestier explique comment l’exploitation des parcelles est planifiée avec une rotation idéalement tous les quinze ans. Son travail consiste à sélectionner les arbres candidats, c’est-à-dire ceux que l’on laissera encore pousser quelques décennies avant de les valoriser. « Il serait dommage de se priver de cette ressource qui pousse ici spontanément et gratuitement. » Autour de ces arbres de belle venue, il procède au martelage – avec de la peinture – des moins beaux spécimens. Ils seront abattus pour laisser de la place et de la lumière. D’ailleurs, à quelques pas dans une clairière, le soleil perce et réchauffe les corps du flot de visiteurs. Il profite également aux fougères et autres plantes qui se développent ici et qui font la joie des chevreuils.
Au bord du chemin, l’on découvre encore la scie mobile. Véritable scierie ambulante, elle découpe les billes en planches et poutres directement à l’orée du bois.
Le concept des arbres-habitats
Mais la forêt n’est pas qu’une ressource pour l’homme, elle est aussi un abri pour nombre d’espèces de toutes tailles. Un sylviculteur passionné explique qu’avec l’âge, un arbre se déforme, se creuse, reçoit des blessures. Chacune de ces particularités constitue une « mini-niche » écologique, pouvant accueillir un vaste panel d’oiseaux, d’insectes ou de champignons. Ces milieux de vie de petite taille sont appelés « dendro-microhabitats ».
Dans le canton de Vaud, les arbres-habitats sont recensés et géolocalisés. Ils sont protégés de toutes atteintes humaines par des contrats de cinquante ans et leurs propriétaires sont dédommagés en contrepartie de leur engagement à les laisser vivre et mourir naturellement.
En sortant enfin du bois, les visiteurs découvrent encore un autre élément incontournable de la chaîne jurassienne : les pâturages boisés, produit d’une utilisation mixte agricole et sylvicole du territoire.
Les zones de pelouses produisent la pâture des bovins et les groupes d’arbres (les «chottes») produisent le bois pour le chauffage des alpages et des abris pour le bétail.
On explique ici que ces paysages sont menacés par une progression de la forêt ou au contraire par un manque de renouvellement des arbres isolés. C’est pourquoi des mesures de sauvegarde sont entreprises par les forestiers d’entente avec les éleveurs bovins. Notamment la création d’enclos de protection pour les jeunes épicéas.
De nombreuses bouches à nourrir
Le soleil arrivant au zénith, c’est maintenant une foule de visiteurs qui se rassemble sous la cantine installée à la Combette Verte. Une dernière démonstration d’abattage, un discours, un morceau de fanfare ; et déjà la Société de Développement de L’Auberson est à pied d’œuvre pour confectionner grillades et frites. Il faudra s’armer de patience pour manger car plus de 300 personnes ont fait le déplacement à pied, en vélo ou en voiture. A 14h00, lorsque le service se termine enfin, près de 80kg de frites ont été dégustés ainsi que la quasi-totalité de la viande en stock.
La journée s’achève avec le parfum unique et particulier de la meule à charbon pour laquelle cinq stères ont été employés. Ce premier essai est un succès et une expérience enrichissante pour les personnes qui ont veillé jour et nuit sur ce monstre fumant dont la température à cœur dépasse les mille degrés. Il s’agit maintenant d’éventrer la bête dans un ultime effort afin d’extraire les près de trois cent cinquante kilos de charbon artisanal qu’elle contient.
L’espace d’une journée, les hommes qui travaillent au service de la sylve ont ouvert leur monde à un public ravi et conquis. Nombreux sont les visiteurs à avoir répondu à l’appel, et chacun repart ce soir-là avec un regard neuf et inédit sur une forêt qui semblait pourtant si familière.
Le charbon artisanal produit est vendu au prix de dix francs les cinq kilos à la déchèterie de la Combe de Ville.
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