Grande journée pour les membres de la Société coopérative immobilière Domahabitare et l’architecte Christian Jelk ce jeudi 26 mai dernier. En effet, après avoir résolu toutes les difficultés mises sur son chemin, la première pierre d’un bâtiment locatif écologique et social à la rue des Gittaz a été posée. Le bâtiment devrait être disponible au printemps 2017.
C’est la concrétisation d’un rêve émis en 2010 déjà par des personnes qui ont choisi de s’établir à Sainte-Croix et d’y vivre dans une habitation respectant les critères écologiques les plus sévères et une vision sociale.
Jacqueline Menth, Daniel Béguin et Zou Taboubi ont cherché longtemps une solution pour vivre en conformité avec leurs idéaux. Ils se sont tout d’abord intéressés à racheter l’ancienne usine de harpes de la rue de la Sagne afin de la transformer, mais le projet n’a pu se réaliser, faute de vendeur. Ils ont donc décidé de partir à zéro et de construire le bâtiment de leurs rêves. Ils ont constitué une Société coopérative d’habitation nommée Domahabitare et se sont approchés de l’architecte Christian Jelk pour concevoir les plans et le financement.
Un projet ambitieux
Ils ont trouvé un terrain de 2670 m2 à la rue des Gittaz, légèrement en pente et exposé idéalement vers le sud-est, situé dans une zone à bâtir de moyenne densité. Leur idée a débouché sur un projet comprenant trois étages sur rez avec des sous-sols et une toiture accessible, qui offrira neuf logement de 67 à 115 m2, des espaces partagés et un atelier, le tout doté d’un ascenseur utilisable par les personnes à mobilité réduite.
Jusque-là, rien d’original, mais c’est dans le choix des matières que cette construction se distingue des autres. Les murs de soutènement seront en pierre sèche, les ossatures en bois de la région et les murs et cloisons non porteurs proviendront de la terre crue tirée des matériaux d’excavation. On trouvera aussi des enveloppes dont certaines sont en paille compressée avec crépis en terre crue, d’autres complétées par un revêtement en tavillons de sapin sur la façade nord-est.
Des innovations décoiffantes
Sur le plan technique, la maison utilisera l’eau de pluie pour son alimentation principale, les habitants bénéficieront du raccordement à la fibre optique et de prises multimedia, mais attention, pas de Wi-Fi, enfin les déchets organiques (WC, épluchures) seront compostés dans une fosse située au sous-sol.
Pour l’énergie, on bénéficiera de panneaux solaires thermiques pour l’eau chaude (avec une chaudière à pellets en complément) et de 150 m2 de panneaux solaires photovoltaïques. Les plus frileux pourront aussi jouir de l’agréable chaleur de poêles individuels au bois, mais pas question de chauffage central.
On a même pensé à valoriser le compost sur place et à assurer une autoproduction alimentaire à l’aide d’un jardin potager équipé d’une serre mobile pour une culture toute l’année !
Conciliations
L’opération se monte à 4,2 millions de francs financé par un crédit hypothécaire, diverses aides publiques et privées, des prêts privés et les fonds propres des coopérateurs. A signaler aussi que les « surcoûts écologiques » se montent à 560’000 francs, soit 13% du total.
Le projet est ambitieux, à la pointe de l’équilibre écologique et du développement durable, mais son acceptation n’a pas été simple. D’emblée plusieurs oppositions ont été formulées dans le voisinage, qui ont nécessité deux séances de conciliation au cours desquelles chacun a été amené à faire quelques concessions. Les promoteurs ont ainsi abaissé la hauteur du bâtiment d’environ trois mètres et renoncé à créer un jardin-serre sous la toiture, abandonnant ainsi un espace commun qui aurait été fort apprécié
Finalement, le permis de construire a été accordé par la Municipalité de Sainte-Croix le 8 juin 2015. Les travaux ont commencé avec l’excavation et la construction du mur de soutènement ; les premiers habitants devraient emménager en avril ou mai prochains.
Sus à l’énergie grise
Conformément à la philosophie du projet, la plupart des travaux ont été attribués à des entreprises de Sainte-Croix (F. Costa, O. Prior, C. Soutter, etc.) et des environs immédiats (Ducret à Orges par exemple), ceci notamment afin de limiter au maximum les dépenses d’énergie grise.
Lors de la pose de la première pierre par Daniel Béguin, le syndic Franklin Thévenaz n’a pas manqué d’exprimer l’intérêt et le plaisir de la Municipalité face à ce projet. « C’est un bâtiment original, différent et novateur. A la fois, dans sa conception et par ses implications dans des choix de vie. » Le maître d’œuvre avait invité également l’ancien municipal Luc Martin, qui s’est fortement engagé et a usé d’une grande diplomatie afin de concilier les intérêts des promoteurs et ceux des opposants et de permettre la délivrance du permis de construire.