Depuis un mois, les activités en dehors du domicile se limitent au minimum. Pour les seniors et les personnes immunodéficitaires, il est même vivement conseillé d’observer un confinement au sens strict. Un réseau de bénévoles s’est mis en place pour épauler à distance ceux qui sont cloîtrés chez eux. Comment cela fonctionne ?
Quelques jours après le début du confinement, les autorités locales proposent de centraliser les appels. « Dès le début, de nombreuses initiatives d’entraides spontanées ont émergé. Dans une période de crise, ça fait chaud au cœur. Nous nous sommes posé la question : comment les communes peuvent-elles aider à la fois les bénévoles et les usagers ? Notre réponse : la création d’une centrale de dispatching des demandes logistiques liées au Covid-19 », évoque Cédric Roten, syndic de Sainte-Croix. Communiqué via un feuillet envoyé en tous-ménages et dans l’édition tous-ménages du Journal de Sainte-Croix et environs, le numéro d’appel est accessible à tout un chacun. En effet, une difficulté est d’atteindre la population confinée. Des affiches dans les rues et des messages sur les réseaux sociaux ou les sites web risquent de rater la cible. Par ailleurs, la centralisation allège la tâche des volontaires. Ils ne doivent plus se soucier de la gestion administrative ni de la redirection des sollicitations. Les répondants communaux traitent les appels. La personne est renseignée et dirigée vers un partenaire commercial ou vers un responsable du réseau de bénévoles dans son secteur.
Organisation
Dans les hameaux, les Sociétés de jeunesse ont pris les devants. « À l’image de nos collègues à Champagne, nous nous sommes d’abord organisés en solo. La centralisation proposée par les communes permet de mieux gérer les tâches », explique Maude Gonthier, une des deux répondants pour les dizaines de bénévoles de L’Auberson. À Bullet, la population s’appuie également sur une dizaine de membres de la Jeunesse. « Il y a un tournus. Des 22 qui se sont annoncés, il y en a chaque jour en moyenne dix qui sont actifs », dit Angeline Rossetti, coresponsable des volontaires de la jeunesse bullatone. En ville, Marc Varidel coordonne une trentaine de personnes dont ceux qui assurent habituellement le Service de Pâques, des membres d’Impact, ou encore des habitants. Ces coordinateurs font recours à WhatsApp pour transmettre les demandes aux bénévoles. En ville, l’entraide impose parfois des balades conséquentes. En campagne, les déplacements en voiture sont souvent requis. « Les gens jouent le jeu. Deux voisines de La Chaux se sont arrangées pour synchroniser leur jour d’emplettes. Cela nous limite les trajets. Génial ! Les bénévoles se font aider par les bénéficiaires », s’enthousiasme Maude. Quant à Angeline de Bullet, elle observe avec fierté qu’une bonne partie des Bullatons passe leur commande à l’épicerie du coin. « Avec un quotidien chamboulé, on tient à nos habitudes. Ceux qui fréquentaient les commerces de proximité continuent de le faire. Cela nous facilite la vie et témoigne d’un soutien aux commerçants ».
Services
Après un mois, il est clair que la requête principale concerne l'approvisionnement des frigos, des garde-manger et des boîtes à pharmacie. Des balades d’animaux de compagnie et des commissions à la Poste s’y ajoutent. Ces tâches quotidiennes ne sont pas forcément simples à faire pour un tiers. Celles qui sont les moins évidentes sont des courses alimentaires. Dans la mesure du possible, les bénévoles demandent une liste précise. L'exercice n’est pas une sinécure. « En poussant le chariot, on prend des dizaines de décisions sur le tas. On ne s’en rend pas forcément compte. On ne peut pas communiquer l'alternative », observe Marc Varidel. Quand un produit n’est pas disponible, il n’existe pas une seule réponse. Remplacer par la variante la plus proche ? Ne pas remplacer ? Téléphoner pour discuter avec la personne ? C’est du cas par cas. « Il faut une bonne dose de bon sens, de vigilance et de débrouillardise. Les bénéficiaires sont reconnaissants pour l’aide que nous leur fournissons », souligne Angeline Rossetti. Ici et là, des petits hic qui arrivent s’oublient aussitôt. Qui plus est avec le temps, des liens s’établissent. « Après quelques contacts, on commence à comprendre les habitudes et les goûts d’une personne. Cela facilite la tâche. Plusieurs s’arrangent pour qu’un même bénévole s’occupe du suivi. L’organisme central est alors allégé ».
Évolution
La mise en place organique permet au système d’évoluer et de répondre à de nouvelles demandes. Depuis quelques jours, les bénéficiaires se heurtent à une question pratique supplémentaire : comment disposer d’argent pour payer les achats ? « Plusieurs personnes ont anticipé en faisant un retrait avant le confinement. Les semaines se sont écoulées. Désormais, le problème se repose. Différents établissements bancaires mettent en place des solutions au travers de la livraison de petites coupures. D’autres possibilités sont en cours d’exploration », motive Cédric Roten. Ce n’est pas simple de mettre sur pied des systèmes tel le remboursement a posteriori. En effet, protéger la population, les bénévoles mais aussi veiller sur la trésorerie communale exige de réfléchir à des solutions adaptées à cette situation exceptionnelle. En sus de ce défi logistique d’autres types de requêtes s'amplifient. La solitude devenant pesante, l'infrastructure pour renforcer des permanences téléphoniques est mise en œuvre. « Au téléphone, on se rend compte que hormis l’aide pratique, les personnes ont besoin de causer. On le fait. C’est sympa. Cependant, je confirme que sur ce plan, un renfort va sans aucun doute être utile à moyen terme », affirme Maude Gonthier.
Le réseau de bénévoles révèle que le mot communauté n’est pas un vain mot. Quand le Covid-19 aura plié bagage, l’avantage de cette entraide sera que les liens intergénérationnels se seront solidifiés. « Les personnes sauront qu’ils peuvent compter sur les sociétés et réseaux locaux », remarque Cédric Roten. La conclusion des bénévoles et bénéficiaires est l’affirmation d’un adage : « Plus que des communes, nous sommes une communauté soudée ».
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