Jean-Franco Paillard, syndic emblématique de la commune de Bullet, quittera ses fonctions en juin prochain. Son vice-syndic, Michel Bornoz en fera de même, ainsi que la municipale Véronique Duvoisin. Bisbille sur les flancs du Chasseron ? Pas du tout, les trois élus ressentent juste le besoin de passer le témoin.
Imaginer la commune de Bullet sans Jean-Franco Paillard à la place de syndic, c’est un peu comme retirer les filets mignons de la carte du Café-restaurant des Cluds... impensable ! Et pourtant, le Sainte-Crix d’origine quittera les fonctions qu’il occupe depuis 1994 en juin prochain. Un bail donc. Une longévité qui prouve son attachement à la cause publique et à son village en particulier. Une succession d’élections qui témoignent également de la reconnaissance de son travail et de son esprit de consensus par la majorité de ses concitoyens. « Aujourd’hui je sens le besoin de passer la main à des forces vives. Les choses sont bien en place et cela roule. C’est le bon moment pour partir », indique-t-il.
Le départ de Jean-Franco Paillard est une demi-surprise. Le tribun avait laissé entendre qu’il remettrait son poste en cas d’élection au Grand Conseil en avril 2017. Candidat sur la liste du Parti Libéral-Radical, le siège de député lui échappe pour vingt-huit voix seulement. La défaite est amère. La déception est légitime. « J’avoue que si c’était à refaire, je plébisciterais l’unité locale, en faisant fi des partis, pour essayer de propulser le maximum de candidats locaux à Lausanne afin d’y défendre notre région », analyse l’élu. Le Bullaton n’exclut d’ailleurs pas de se présenter aux prochaines élections cantonales en 2022. « J’attends de voir, cela dépend des instances régionales de mon parti, mais aussi de mon activité professionnelle », explique-t-il. Âgé de 61 ans, l’assureur devrait prendre sa retraite dans les trois à quatre ans. Très actif, il a été à la tête de plusieurs organismes locaux et régionaux. « Je m’investirai volontiers là où je pourrai être utile, mais dans des mandats moins contraignants et qui me laissent du temps libre pour profiter des miens », annonce-t-il.
Laisser la place aux jeunes
À ses côtés durant trois législatures, le vice-syndic Michel Bornoz a décidé lui aussi de passer la main au 30 juin prochain. Il souhaite prendre du temps pour lui et se consacrer à des activités bénévoles. « J’arrive sur mes 70 ans et je pense qu’il faut laisser la place aux jeunes », sourit-il. Tout comme Jean-Franco Paillard, il est au bénéfice d’une solide connaissance de la chose publique. « L’expérience a du bon, c’est vrai. Mais elle empêche aussi, parfois, d’avancer. On se dit qu’on a déjà essayé cela, il y a trente ans et que cela ne fonctionnera pas. La vie évolue et ce qui était impossible hier, est peut-être possible aujourd’hui », analyse-t-il.
La Municipalité bullatone verra également sa plus jeune représentante quitter ses rangs à la fin de la présente législature. Véronique Duvoisin a été élue en 2016. La quarantenaire doit aujourd’hui composer avec un nouvel emploi qui l’occupe à 50 %. Concilier son activité politique avec la gestion du Bed and Breakfast familial, son engagement comme rédactrice au Journal de Sainte-Croix et environs, mais surtout la vie de famille, devient délicat. « Mes filles sont âgées de 7 et 9 ans, elles ont dorénavant besoin de ma présence notamment pour les appuyer dans leurs devoirs. Mon mari me soutient beaucoup, et j’ai de la chance de pouvoir compter sur lui, mais il est parfois difficile de tout compiler sur une journée », explique-t-elle.
Les trois élus se tiendront à disposition de leurs successeurs mais ne souhaitent pas occuper, dans un premier temps du moins, les bancs du Conseil communal. « Nous aurions le sentiment de faire du voyeurisme. Ce ne serait bon pour personne », réagit le vice-syndic. Jean-Fanco Paillard abonde : « Quand j’ai succédé à Daniel Gaille, il m’a dit que je pourrais toujours compter sur lui. Il ne m’a jamais interpellé publiquement. Parfois il me posait juste une question quand je le croisais. J’ai apprécié sa façon de faire et sa discrétion ».
Une structure
qui tient la route
À huit mois de la fin de leur mandat, il n’est pas encore l’heure de dresser le bilan de l’action politique des trois élus. Néanmoins, on peut déjà citer plusieurs sujets qui leur apportent des satisfactions. « C’est le cas notamment de l’utilisation du legs de Bertha Bonnet qui nous a permis de créer une salle pour les aînés au centre du village, couplée avec des locaux administratifs adéquats et pratiques », explique Michel Bornoz. « Nous devons rappeler que la décision de démolir l’ancien café Gaillard, qui était le lieu de rencontre par excellence des habitants, avait fait grincer passablement de dents. Avec le recul je suis toutefois convaincu que c’était la bonne décision », ajoute le syndic. « Au delà des infrastructures communales, nous nous appuyons sur une organisation qui tient la route et qui est solide avec des collaborateurs dévoués. Nous comptons 6.4 emplois plein-temps ainsi qu’un apprenti au secteur des forêts. Cela correspond à nos besoins », ajoute Jean-Franco Paillard.
Le tourisme au centre
des préoccupations
Le tourisme et ses infrastructures ont passablement occupé les esprits de la commune et de la région durant ces dernières décennies, avec nombre de défis à relever, dont notamment la création de la Société coopérative des remontées mécaniques. « L’avenir de ces infrastructures tout comme la piscine des Replans nous préoccupent. Elles doivent être maintenues et développées. Le tourisme est un pan essentiel de l’économie régionale et spécifiquement pour notre commune qui compte neuf patentes d’hôtels ou restaurants », explique le syndic.
D’un point de vue organisationnel, l’absorption du tourisme local dans une structure régionale pour le Nord vaudois n’a pas fait que des heureux. « Ce regroupement n’a effectivement pas été bien perçu par la population. Nous avions enfin une structure stable sur le Balcon du Jura sous la direction de Michel Ruchat. Rejoindre la structure régionale était quasi une obligation. Nous avions peu de marge de manœuvre car les trois communes du Balcon ne possédaient pas les finances pour assumer seules cette activité, comme c’est le cas à la Vallée de Joux », explique Michel Bornoz.
Les trois élus voient d’un bon œil la réorganisation de l’ADNV entamée cette année sous la direction de Nadia Mettraux. « La ou le responsable du bureau local devrait avoir plus de liberté de mouvement et, en plus du tourisme, une vue économique plus large. La vision est intéressante », précise Jean-Franco Paillard.
L’élaboration d’un Masterplan touristique dont le chargé de projet est cofinancé par les communes de Sainte-Croix et Bullet avec une aide du Canton, est également une étape importante pour la région. « C’était très intéressant de participer à l’audition des candidats. Je ne serai plus en place lors de la remise finale de l’étude mais je suis contente d’y avoir contribué », explique quant à elle Véronique Duvoisin, municipale en charge du tourisme.
Notons encore la création et l’ouverture l’année dernière du Centre Taoïste dont la Municipalité a soutenu la venue sur ses terres. « Cela n’a pas plu à tout le monde, c’est clair. Mais il démontre que les Bullatons sont ouverts et son rayonnement place la Commune sur la carte suisse voir européenne », explique Michel Bornoz.
Le vice-syndic a notamment dû passablement batailler avec la Loi sur l’aménagement du territoire. « Nous avons essayé de trouver les meilleures options pour respecter les exigences du Canton, tout en préservant au mieux les intérêts locaux. Ce n’est pas toujours facile mais je crois que le résultat est plutôt bon », juge-t-il. « J’ai un dossier qui me tient à cœur de terminer qui concerne la servitude communale du quartier du Quartelet à Bullet. J’aimerais pouvoir le décanter, mais en politique, ce sont parfois les dossiers qui paraissent les plus simples, qui sont les moins évidents à réaliser », sourit l’élu.
Dans les dossiers qui ont évolué on peut également noter la nouvelle Entente intercommunale sur la gestion des déchets, dont les termes sont évocateurs des relations qui lient désormais les deux communes. « Nous avons tenté plusieurs approches, réalisé des sondages auprès de la population, mis à disposition des infrastructures et je crois qu’aujourd’hui nous sommes arrivés à un bon compromis. Je me réjouis notamment de voir la création, au printemps prochain, de l’abri pour récolter les déchets aux Rasses », indique Véronique Duvoisin. « Dans la même thématique, je suis contente également du succès des opérations coups de balai qui, en plus de leur effet bénéfique pour la nature, ont également permis à la population de se retrouver. J’espère pouvoir l’organiser à nouveau en 2021 », annonce-t-elle.
Les trois élus ont encore huit mois pour boucler certains dossiers. « J’espère que le projet de centre sportif 4 saisons aux Cluds pourra avancer. Le travail réalisé par le GSFR, et spécifiquement son président Hugues Gander est fantastique. J’aimerais aussi que le projet de parc éolien de La Grandsonnaz puisse être enfin mis à l’enquête. Les premières réunions ont eu lieu en 2007. Il est temps que cela avance », précise le syndic. Jean-Franco Paillard, en charge des finances communales, se dit inquiet de la nouvelle péréquation communale. « Nous avons un budget de 4.5 millions de francs et une marge d’autofinancement assez faible. Pour la paix du Canton, il est important de conserver une solidarité financière entre les communes les plus riches et les plus pauvres » conclut-il.
Deux communes plus proches que jamais
Il faut bien le dire, la région n’a pas toujours respiré l’unité. Les tensions entre les communes ont été parfois assez vives. En cause notamment, les répartitions des charges pour les thématiques où les collectivités locales sont, de facto liées, comme l’épuration, les écoles, le tourisme, la gestion des déchets ou encore l’hôpital. « Nous n’avions parfois pas les mêmes priorités et besoins. Cela créait des tensions. Nous nous rendions aux séances avec le couteau entre les dents », avoue le syndic. La dissolution de l’Association intercommunale du Balcon du Jura vaudois a permis de redistribuer les cartes. « Désormais nous privilégions au maximum la répartition des coûts par habitant. C’est un système que nous estimons équitable », souligne-t-il. Tout n’est pas encore tout rose. « Il reste notamment la question des coûts des transports scolaires à régler. C’est un point de discorde de longue date entre les « petites » communes, comme Bullet et Mauborget, et le chef-lieu », explique quant à lui Michel Bornoz. « Mais avec le temps, et grâce aux interlocuteurs en présence durant les deux dernières législatures, les choses se sont lissées. Nous sentons que tout est beaucoup plus simple. Nous avons beaucoup avancé grâce à l’esprit de consensus et aux qualités de Franklin Thévenaz. Le syndic sainte-crix Cédric Roten poursuit dans le même chemin. Le climat de travail est serein et positif. Nous faisons souvent front commun », apprécie Jean-Franco Paillard.
La fusion n’a donc jamais semblé si proche. « Ce n’est pas à nous de nous prononcer là-dessus alors que nous allons quitter notre poste », réagit d’emblée le syndic bullaton. « Mais nos successeurs devront certainement se pencher sur la question. Cela dépendra aussi de la capacité de notre commune à fournir suffisamment d’élus pour maintenir ses organes politiques », ajoute-t-il.
Un appel aux jeunes et aux femmes
Seuls Serge Gander et Daniel Oguey se représenteront à la Municipalité bullatone en juin prochain. Trois postes sont donc à repourvoir. « J’encourage vraiment les jeunes et spécifiquement les femmes à tenter l’expérience. Cela représente une charge de travail d’environ 20 %. Il faut voir cela comme un travail et non comme une action politique. J’ai adoré m’investir pour ma Commune et cela m’a beaucoup enrichi. Cet investissement permet une certaine liberté dans son emploi du temps », vante Véronique Duvoisin. « Il faut un savant équilibre entre générations, mais c’est important que les jeunes s’investissent. Ils ont d’autres priorités et sont confrontés à d’autres soucis que nous. Les femmes apportent beaucoup », souligne Michel Bornoz. « C’est vrai. Je l’ai constaté en travaillant tant avec Fiorina Maggi qu’aujourd’hui avec Véronique Duvoisin. Elles ont un regard différent. C’est important qu’elles s’investissent. D’ailleurs, il y a beaucoup d’élues dans les Exécutifs des villages de plaine. Il est temps que la gent féminine prenne plus de place aussi ici au Balcon du Jura », ajoute le syndic. Les postes libres à la Municipalité ne doivent pas occulter le fait qu’il faudra aussi trouver trente conseillères et conseillers pour l’organe législatif de la Commune. « Nous avons besoin de forces vives. Quelques conseillères et conseillers ont déjà annoncé qu’ils arrêteraient à la fin de la législature », indique Murielle Guex, présidente du Conseil communal. L’appel est lancé.
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