Les Bullatonnes et Bullatons ont voté en grand nombre dimanche sur la participation de leur commune au projet de parc éolien de la Grandsonnaz. Le oui l’emporte à 51,3 pourcents, mais un recours est très probable. D’autres étapes restent à franchir.
Midi sonne, dimanche à Bullet, lorsqu’un citoyen en short et coiffé d’une casquette arrive au bureau communal, son enveloppe de vote à la main. « Ah, ce n’est pas à midi, la fermeture ? », interroge-t-il, penaud. Le délai étant à 11 heures, Il repart bredouille alors que la Municipalité in corpore prend connaissance des résultats affichés à l’instant par Luca Grand-Guillaume-Perrenoud et ses collègues chargés du dépouillement. À la question : « Acceptez-vous la décision du Conseil communal du 22 juin 2022 relatif à l’adoption du projet de plan d’affectation intercommunal valant permis de construire le parc éolien de la Grandsonnaz ? », 196 votant.e.s ont dit oui, tandis que 174 se sont opposé.e.s. Il y a eu 12 bulletins blancs et 10 nuls.
« Bien sûr, il y a de la déception quant à ce résultat. Mais il y a trois mois encore, nous n’aurions pas pensé qu’il serait aussi serré ». Porte-parole du comité référendaire, Maxime Sorel accepte le verdict des urnes avec le sentiment que l’action de son comité a permis à toute la population de s’exprimer sur la construction d’un parc éolien de quinze machines par la société Ennova, filiale des Services industriels genevois. Pour rappel, cinq machines sont projetées sur le territoire communal, dont deux à proximité immédiate des fermes communales.
Soulagement
« C’est un soulagement, d’une part parce qu’une décision a été rendue, mais aussi à la vue des résultats. Nous avons soutenu ce projet » confie Maude Schreyer, syndique. La jeune femme se garde de pavoiser : « Nous n’allons pas allumer de feu de joie. Si le résultat est clair, il y aura encore beaucoup de choses à traiter ». Dont le recours de Bird Life Suisse, la Fondation Suisse pour la protection et l’aménagement du paysage, Pro Natura Vaud et Helvetia Nostra contre le permis de construire accordé au parc de la Grandsonnaz, « pour atteintes disproportionnées à la biodiversité ». Son traitement par la Cour de droit administratif et public du tribunal cantonal a été suspendu dans l’attente du référendum, précise Pierre-Emmanuel Guérin, chef de projet chez Ennova. La suspension va être levée, mais la décision de la Cour n’est pas attendue avant environ un an. Et il reste l’option d’un recours au Tribunal fédéral.
En outre, un recours contre le résultat du vote de dimanche est très probable. Le 12 septembre, les trois municipalités des autres communes concernées par le parc éolien, à savoir Mauborget, Fiez et Fontaines-sur-Grandson, ont écrit sur un papier à lettre officiel commun aux citoyens de Bullet, les enjoignant à soutenir le projet, et les assurant qu’eux-mêmes « poursuivraient la réalisation du parc avec ou sans les cinq éoliennes prévues sur le territoire de Bullet ». La lettre était signée par les trois syndics et secrétaires. La préfecture, avisée de cette démarche qui pourrait relever de l’ingérence, précise qu’un recours peut être déposé dans un délai de 3 jours à partir de la date du vote. Lundi soir, le comité référendaire y était favorable.
« Nous savons que c’est un motif de recours », note Maude Schreyer à ce sujet. Elle ajoute cependant que « passablement de choses ont été « limite » pendant la campagne, notamment certaines informations publiées dans le courrier des lecteurs ».
Population partagée
Le débat avait gagné en intensité lorsque l’ancien syndic Jean-Franco Paillard, accompagné par une communiquante d’Ennova, avait créé un groupe de soutien pour défendre le projet et contester des arguments du comité référendaire. De son côté, le syndicat de la route de la Grandsonnaz, militait également sur la place publique bullatonne en faveur du parc.
La participation de 73,4 % des électrices et électeurs est mise en avant par Luca Grand-Guillaume-Perrenoud, président du Conseil et du bureau électoral, qui salue le fait que la population ait saisi l’occasion de se prononcer. Le dépouillement « s’est très bien passé, avec une bonne équipe concentrée sur sa mission. Tout a été recompté deux fois », assure le chef du bureau. Le scrutin s’est déroulé dans le calme et en vote anticipé. Une dizaine de citoyen.ne.s seulement sont venus déposer en personne leur bulletin.
Le 22 juin 2022, le oui l’avait emporté d’une voix (15 à 14). Dimanche dernier, le faible écart atteste également du fait que les citoyen.ne.s restent partagés. Membre du comité référendaire, Sandra Blaser relève que « Il y a tout de même une part importante de la population qui ne veut pas des éoliennes sur le territoire communal. Est-ce que cela va inciter la Municipalité à réfléchir, à se remettre possiblement en question ? », se demande-t-elle.
Revenir avec un préavis
Le COPIL, dans lequel les quatre communes territoriales sont représentées, va poursuivre son travail, en impliquant les agriculteurs concernés », évoque Maude Schreyer. « Il s’agit pour ce comité de suivre le projet de parc éolien, de discuter avec le promoteur de tous ses aspects, et de pouvoir transmettre l’avis et les demandes des communes, afin qu’elles soient intégrées adéquatement dans le projet. Le COPIL sera maintenu lors de la phase de réalisation », assure-t-elle. « L’exécutif se doit de faire attention à tous les détails ». Je baigne dans ce projet depuis trois ans, mais il y a toujours de nouveaux éléments, de nouveaux points à prendre en compte » souligne également la syndique.
Le 22 juin 2022, le conseil communal avait refusé d’accorder un droit de superficie pour les deux éoliennes sises à proximité immédiate des chalets des Bullatonne Dessus et Dessous. « Ce point est toujours de la compétence du conseil communal. Nous allons revenir avec un préavis en prenant en compte la décision d’aujourd’hui », annonçait dimanche Maude Schreyer.
Ennova réjouie
« On se doutait que ce ne serait pas avec un score important, mais nous sommes soulagés. Nous allons pouvoir poursuivre avec les prochaines échéances, réagit Pierre-Emmanuel Guérin, chef de projet. Actuellement, ce sont les recours qui mobilisent l’énergie de son bureau. Il estime que si les ONG poursuivent jusqu’au Tribunal fédéral, il faudra environ deux ans pour obtenir une autorisation en force. Ensuite seulement, Ennova, en tant que maître d’ouvrage, lancera des appels d’offres pour la direction des travaux, l’équipe de génie civil, les machines et les équipements électriques.
De son côté, le porte-parole des SIGG Christian Bernet rappelle que la production attendue des quinze éoliennes de la Grandsonnaz est de 90 gigawattheure (GWh) par an et qu’elle devrait assurer l’approvisionnement électrique de l’équivalent de 24’000 ménages.
0