Neuf élèves de l’École cantonale d’art de Lausanne (ECAL) planchent actuellement sur la pièce école qui sera réalisée par les élèves de la volée 2020 de la Formation en mécanique d’Art (FEMA). Trois projets seront soumis ce vendredi aux artisans locaux qui dispensent cette formation.
La langue de Shakespeare résonne dans les murs du Technopôle depuis mercredi. Le bâtiment de la rue du Progrès 31 à Sainte-Croix est investi par neuf étudiants âgés de 24 à 33 ans provenant du monde entier. Ils ont jusqu’à ce soir pour imaginer la future pièce école de la session 2020 de la Formation en mécanique d’Art.
Japonais, chinois, croate, espagnol, thaïlandais, émirati mais aussi français ou suisse, ces étudiants réalisent un « Master of Advanced Studies HES-SO in Design for Luxury and Craftsmanship » dans la réputée école vaudoise. Cette formation de deux semestres s’adresse à des étudiants titulaires d’un Bachelor ou d’un Master qui désirent se perfectionner dans le design industriel et aborder des secteurs d’excellence aussi variés que la haute horlogerie, les arts de la table ou l’utilisation de matériaux nobles à travers des techniques spécifiques.
Les étudiants, qui ont déjà visité la région la semaine dernière, planchent depuis quelques jours sur le projet. Ils sont à Sainte-Croix pour finaliser leur concept. « Ils doivent rendre un projet clair, une première esquisse précise voire des maquettes en carton ou impression 3D », explique Fiona Krüger, designeuse et chargée de cours. Le projet doit respecter les fondamentaux de la pièce école à savoir être composé d’une boîte à musique, d’une horloge et d’un automate. « Ils doivent, en outre, utiliser à bon escient les diverses technologies et techniques à disposition comme la fabrication additive par exemple », renchérit l’ancienne élève de l’ECAL.
Les étudiants travaillent par groupe de trois. Le meilleur des trois projets sera choisi par les maîtres de la FEMA, Nicolas Court, Denis Flageollet et François Junod. Le projet lauréat sera ensuite affiné en collaboration avec les étudiants. Une fois finalisé, il sera présenté en juin à l’ECAL.
« Cette collaboration amène un vent de fraîcheur, de nouvelles idées. C’est un très beau projet qui s’inscrit pleinement dans notre envie de transmettre notre savoir-faire »
Denis Flageollet, maître de la FEMA
Vent de fraîcheur
« C’est un défi intéressant. Il faut allier notre créativité aux diverses techniques et technologies à notre disposition que l’on doit réussir à combiner. C’est très motivant », apprécie Cassandre Aurick. Originaire d’Annecy, elle forme avec un étudiant genevois et une étudiante parisienne le groupe francophone de la semaine. « Les visites chez Denis Flageollet (De Bethune), Nicolas Court, François Junod ou les harpes David, nous ont beaucoup surpris. Nous ne nous attendions pas à ce qu’ils nous dévoilent autant de leurs techniques et de leurs secrets », ajoutent les trois étudiants.
« Les secrets se renouvellent au fur et à mesure des nouveaux projets », rigole Denis Flageollet. « Cette collaboration amène un vent de fraîcheur, de nouvelles idées. C’est un très beau projet qui s’inscrit pleinement dans notre envie de transmettre notre savoir-faire », renchérit-il. « Notre clientèle rajeunit. Si avant elle était composée majoritairement de personnes âgées de 50 à 70 ans, actuellement les trentenaires sont également enclins à s’offrir des pièces d’exception. C’est un indicateur qui nous encourage à mettre tout en œuvre pour que nos métiers perdurent et que nos techniques soient transmises », ajoute-t-il.
Collaboration d’exception
L’ECAL peut se targuer de former ses étudiants avec comme partenaires privilégiés des entreprises comme Hermès, Chopard, Rémy Martin ou encore Reuge. « L’ECAL est fortement sollicitée. Elle ne s’associe qu’aux projets qui apportent une réelle plus-value à ses étudiants. C’est le cas ici. Les élèves peuvent découvrir les techniques d’artisans reconnus au savoir-faire unique. En contrepartie, ils mettent à disposition leur créativité pour réaliser une pièce qui sera utile à la transmission justement de ce savoir-faire à d’autres étudiants », se réjouit Halima Servageon, de l’entreprise Acompany Sàrl qu’elle codirige avec son époux Nicolas. Ils ont joué le rôle de facilitateurs entre l’ECAL et la FEMA.
Le couple Servageon a d’ailleurs également organisé le séjour des étudiants. Ces derniers sont en immersion durant trois jours au Balcon du Jura vaudois. « Le groupe loge au Grand Hôtel des Rasses. Les repas de midi sont préparés par les élèves de l’école secondaire de Sainte-Croix. Le soir nous avons prévu quelques activités pour leur faire découvrir la région », conclut l’habitante des Rasses qui a d’ailleurs, pour la petite histoire, suivi la Formation en mécanique d’art, première du nom, en août dernier.
Fiona Krüger : une chargée de cours «sur mesure»
Les neuf étudiants peuvent compter sur la designeuse écossaise pour mener à bien leurs projets. Cette ancienne étudiante de l’ECAL - elle a réalisé son master entre 2010 et 2011 - a fondé sa propre marque de produits d’excellence et de luxe active notamment dans le milieu de l’horlogerie. Son parcours, passé par les Beaux-arts, et son expérience lui permettent d’appuyer les étudiants dans leur travail. « Je ne suis pas horlogère. Je réalise le design et ensuite collabore avec les meilleures entreprises helvétiques pour réaliser mes créations », précise-t-elle.
Fiona Krüger a pu, comme ses étudiants, découvrir l’univers des artisans sainte-crix. « Il est rare de concilier mécanique et art en même temps. Je connaissais De Bethune et le travail de François Junod. La visite de son atelier a d’ailleurs été un instant magique », apprécie Fiona Krüger.
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