Treize apprentis de La Poste ont participé la semaine dernière à un projet de nettoyage du réseau des voies anciennes de la Côte reliant Vuiteboeuf et Sainte-Croix. Une action bénévole coordonnée par l’Office du tourisme de Sainte-Croix/Les Rasses et la plateforme Volontaires Montagne.
Dans la forêt, sur l’ancienne route de la Côte de Vuiteboeuf, on entend des éclats de voix résonner sur cette parcelle de chemin d’habitude si calme. C’est là qu’une équipe constituée de treize apprentis de La Poste a travaillé à défricher humus, plantes et feuilles mortes pour rendre apparentes à nouveau des rainures parallèles creusées dans la roche. Étendues en réseau sur des kilomètres, celles-ci servaient de voies carrossables pour les roues des chars, similaires à des rails de tram. L’héritage précieux d’une époque où ce chemin pentu et abrupt faisait partie d’une route d’importance stratégique, l’un des axes de franchissement majeurs de la chaîne jurassienne.
« On estime que ce réseau de voies a été utilisé depuis l’âge du Bronze au moins et jusqu’au 18e siècle », explique Carine Wagner, archéologue et conservatrice du patrimoine archéologique pour l’archéologie cantonale, présente lors du nettoyage. « Elles revêtaient une grande importance pour la région, car elles permettaient notamment d’acheminer le sel depuis la Franche-Comté. Une denrée très importante pour conserver les aliments et que la Suisse produisait peu ».
Il s’agit aussi à l’époque de l’unique passage pour traverser la Côte de Vuiteboeuf, jusqu’à la construction en 1760 d’une nouvelle route s’adaptant aux conditions du trafic moderne et au passage de diligences.
Bénévolat au service de l’Histoire
Le nettoyage de ces voies à ornières a longtemps été effectué par les écoles de Sainte-Croix, puis s’est arrêté il y a près de 15 ans. Les tracés ont alors été laissés dans un relatif abandon, se recouvrant peu à peu de terre et de végétation.
Contacté par Vaud Rando qui souhaitait harmoniser les panneaux de signalisation sur ce chemin, l’Office du tourisme de Sainte-Croix/Les Rasses décide alors d’impulser une reprise en main de l’entretien de certains tronçons de la voie romaine qui font partie intégrante du patrimoine de la région. « Nous avons fait appel à Volontaires Montagne, une plateforme qui met en relation des bénévoles avec des entreprises ou des institutions situées dans les régions de montagne », explique Vincent Demiéville, responsable tourisme Sainte-Croix/Les Rasses.
La Poste décide de s’investir en impliquant une cinquantaine d’apprentis de première et deuxième année sur différentes activités bénévoles dans la région. Parmi eux, treize apprentis ont été assignés au nettoyage des voies. Originaires de toute la Suisse romande, la plupart d’entre eux n’était jamais venu à Sainte-Croix. L’objectif : leur faire réaliser un travail d’intérêt public, porteur de sens, tout en leur permettant de se côtoyer et de créer des liens.
« Durant cette semaine sociale, l’idée est de les mettre en contact avec la nature, d’élargir leurs horizons et qu’ils se rendent compte que lorsqu’ils vont en montagne, il y a tout un travail qui a été effectué derrière », explique Jean-Michel Rabaglia, responsable formateur à La Poste et organisateur de la semaine.
Encadrement du canton
Munis de râteaux à feuilles, les apprentis, aidés par Léonard Gueissaz, bûcheron à la commune de Sainte-Croix, étaient donc à pied d’œuvre mardi dernier, ravis d’être à l’extérieur par cette belle journée.
Outre le travail manuel – « Pas si pénible que ça », d’après eux – les apprentis ont aussi été sensibilisés à l’histoire de l’ancienne route et au travail d’archéologie.
Carine Wagner, archéologue pour l’archéologie cantonale, veillait à ce que le travail effectué ne péjore pas le site. « Il faut faire attention aux outils utilisés. La pioche, par exemple, est à éviter car elle pourrait abimer la roche-mère ». De son côté, Murielle Montandon, prospectrice en archéologie, présidente de l’association Caligae et responsable du bureau Vestigatio, a expliqué aux apprentis l’importance qu’a revêtu cette route pour l’époque. Elle leur a aussi montré quelques artefacts trouvés autour du site grâce à un appareil de détection de métal. « Là, on a de petits objets de maréchalerie, en lien avec les chevaux, mulets, ânes et bœufs utilisés pour le transport de marchandises et de voyageurs. Et ici, des clous de sandales romaines, similaires à des crampons militaires, dont la présence a permis de prouver l’hypothèse que cette voie remonte bien à l’Antiquité », explique la prospectrice. Mandatée par le canton, celle-ci a l’autorisation d’utiliser un détecteur de métal pour ses recherches. Des heures et des heures de travail qu’elle mène avec passion dans le but de préserver et valoriser le patrimoine régional.
Découvrir la voie romaine
Grâce au travail des apprentis, Carine Wagner et Murielle Montandon espèrent rattraper le temps perdu. « Vous contribuez à maintenir cette histoire », les ont-elles félicités.
Du côté de l’Office du tourisme, Vincent Demiéville se réjouit de la collaboration fructueuse entre les différents partenaires. Le travail effectué permettra aux visiteurs d’admirer les vestiges de ces voies et de s’imaginer la route bourdonnante de vie qu’elle était par le passé. Aujourd’hui, les visiteurs peuvent la découvrir lors d’un itinéaire culturel nommé Via Salina, ponctué de cinq panneaux didactiques, au départ de la Gare de Sainte-Croix ou de Vuitebœuf. Une boucle peut être effectuée en combinant cet itinéraire avec le sentier des Gorges de Covatanne, également jalonné de panneaux consacrés aux sites archéologiques et historiques locaux.
Pour les passionnés d’histoire, il est aussi possible d’en apprendre plus sur ces voies historiques en consultant l’article auquel ont contribué Carole Wagner et Murielle Montandon, paru dans la revue AVd – Chroniques d’archéologie vaudoise 2021. Celle-ci peut être commandée sur le site: https://www.vd.ch/territoire-et-construction/archeologie
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