Pluie, froid et humidité ont fortement impacté les récoltes de foin dans la région. Si ces dernières années, la bête noire des agriculteurs était la sécheresse, ces épisodes pluvieux qui n’en finissent pas ne s’avèrent guère mieux.
À L’Auberson où ils élèvent plus d’une centaine de têtes de bétail, dont quarante vaches laitières, Luc et Gilles Martin faisaient grise mine il y a encore une semaine. D’habitude, à la fin juin, les récoltes de foin pour l’hiver à venir sont déjà presque terminées. Il ne leur reste généralement que 10 % des surfaces herbagées, qui doivent nécessairement être faites après le 1er juillet. « Là, ce sera plutôt 80 % », indiquait Luc Martin.
La raison de ce retard : des épisodes pluvieux nombreux et trop rapprochés.
Fauché alors qu’il est encore mouillé, le foin risque de moisir. « Si on veut des rouleaux qui soient secs, il faut bien trois jours de beau temps d’affilée, ce qu’on a très peu eu », explique Julien Philipona, éleveur de vaches allaitantes à la Gittaz. La semaine dernière, lui aussi n’avait pu faucher encore que la moitié de son foin, alors que l’année dernière, ce travail était déjà terminé à la fin du mois de juin.
Aussi, à la moindre annonce d’une fenêtre de beau temps, une course contre la montre s’engage. « La dernière fois qu’on a fait une grande surface, on a dû travailler jusqu’à deux heures du matin car la météo annonçait de la pluie pour le lendemain », raconte l’agriculteur. Mais cette nécessité d’aller vite sur un terrain encore mouillé rend le travail dangereux, surtout dans les talus.
Et puis, il y a les dégâts causés par les pluies abondantes tombées en juin, voire l’inondation de certains terrains à L’Auberson. Une partie du foin s’est ainsi retrouvée « couché », c’est-à-dire plaqué au sol, ce qui le rend beaucoup plus difficile et long à faucher, voire carrément inutilisable. « Les plantes pourrissent à la base et le foin sent mauvais », décrit Julien Philipona.
« On va faire du rendement, mais pas de la qualité »
Paradoxalement, la pousse du foin serait dopée par les épisodes pluvieux de ces derniers mois, ce qui, pense l’agriculteur, devrait permettre une récolte plus abondante. « Une année pluvieuse, on a plus de fourrage que d’habitude. On va faire du rendement, mais on ne va pas faire de la qualité car le foin est vieux », explique-t-il. Pour pouvoir démarrer la fauche des foins, les agriculteurs attendent généralement que les températures s’élèvent à un total cumulé de 650 degrés depuis le début de l’année. C’est à ce moment-là que la plante atteint son stade de maturité optimum, son plus haut potentiel nutritif. Passé cette température, qui survient généralement à la mi-juin, on assiste à une perte progressive de sa qualité nutritive, avec un impact direct sur la production de lait, en termes de quantité mais aussi de qualité, avec des teneurs en protéines et en matière grasse plus faibles. « On sait qu’on produira moins de lait, mais c’est difficile d’évaluer les pertes pour l’instant », explique Luc Martin. Pour ceux, comme les Martin, qui produisent du lait pour le gruyère AOP, il est possible d’équilibrer les rations avec l’apport d’autres fourrages, mais en quantité limitée, et essentiellement produits sur l’exploitation, pour respecter le cahier des charges. Les éleveurs de vaches allaitantes, comme Julien Philipona, peuvent, eux, compenser l’alimentation des animaux par l’ensilage. Lui-même prévoit de surveiller la croissance des veaux et leur donner du maïs pour compléter leur alimentation.
Dans tous les cas, la charge des coûts d’achat des compléments est portée par les agriculteurs.
L’herbe, pas toujours plus verte ailleurs
Les pluies abondantes ne sont-elles donc pas aussi synonymes d’herbe bien verte et grasse ? « Il manque quand même des jours de soleil. Quand il pleut, les vaches abîment le terrain, salissent l’herbe et ne veulent plus la manger. Les animaux aussi en ont assez de la pluie et voudraient un peu de soleil », rapporte Julien Philipona.
Pour lui, comme pour Luc Martin, l’impact d’une année sèche n’est finalement pas pire que celle d’une année trop pluvieuse. « Cela demande une gestion différente. Il n’y a que l’année statistique qui est intéressante, mais elle n’existe que dans les statistiques », conclut Luc Martin. Et à l’avenir, la succession d’années très sèches ou très pluvieuses risque bien de devenir la nouvelle norme.
Contacté mardi, les Martin annonçaient avoir pu enfin finir de faucher, profitant des deux belles journées de début de semaine. Ils auront jusqu’à vendredi pour sécher et rentrer le foin, car samedi, la pluie guette à nouveau.
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