Commandant du SDIS depuis janvier 2016, Jan Eisler vient de passer le témoin à Allan Müller. Il revient sur cette expérience. « Elle m’a changé et enrichi », témoigne le major en poste depuis janvier 2016 et actif depuis 21 ans dans les pompiers.
« Je tiens la promesse de me retirer à 50 ans, promesse que j’avais faite à ma femme lorsque j’ai accepté le poste de commandant du SDIS Sainte-Croix- Pied-de-la-Côte, au 1er janvier 2016 ». C’est ce que confie Jan Eisler au moment de libérer le bureau qu’il occupait depuis six ans à la caserne des pompiers. Plus ému qu’il ne s’y attendait, il dit éprouver surtout une grande gratitude envers sa femme qui a géré seule l’organisation familiale et l’éducation des enfants pendant cette période.
« Commandant du SDIS, c’est stressant », reconnaît Jan Eiser. « Vous recevez un appel et vous devez faire des choix, prendre des décisions et des responsabilités qu’il faut assumer alors que nous restons des volontaires. On se lève le matin, et on ne sait pas ce qui va se passer dans la journée. » Les bouffées d’adrénaline n’étaient pas pour déplaire au jeune commandant, mais il constate aujourd’hui qu’il dort déjà mieux.
JSCE : Que retenez-vous de cette expérience ?
Ce n’est pas le meilleur poste que j’aie occupé au sein des pompiers, mais j’ai beaucoup appris sur moi-même. Je suis devenu plus humain, plus à l’écoute des sapeurs-pompiers, mais aussi plus réfléchi, plus ouvert, plus psychologue aussi, ce qui n’était pas inné chez moi. Je suis quelqu’un d’assez sanguin, j’ai appris à mieux canaliser mes émotions. J’avais l’habitude de gérer une petite entreprise, mais passer à 100 personnes, c’est un autre statut. Et on devient aussi un peu un personnage public.
Quels faits vous ont marqué ?
J’ai toujours devant mes yeux l’image de ma première désincarcération, la pire de ma carrière. J’étais jeune pompier, et à l’époque, il n’y avait pas de débriefing, on avait presque honte d’en parler. Un suicide m’a marqué également. On se pose longtemps la question de savoir si on aurait pu faire autrement pour sauver la personne.
J’ai toujours eu peur d’avoir à intervenir sur un accident avec des enfants. Mon plus gros stress, que je me suis efforcé de ne pas montrer à mes hommes, c’est lorsque nous avons dû enfoncer la porte d’un appartement où un petit enfant avait enfermé sa maman sur le balcon. Il avait pris une banane et menaçait de s’étouffer avec un gros morceau. La porte d’entrée avec une serrure à trois points était très résistante, on a dû la casser. Mais tout s’est bien terminé.
Nous n’avons jamais eu à combattre de gros sinistres, du genre un feu dans un immeuble. Mais nous craignons toujours de devoir intervenir dans un centre commercial comme la Migros, ou au Grand-Hôtel des Rasses. Lors de l’incendie du sauna du Grand-Hôtel, il y avait quand même de la fumée jusqu’au quatrième étage.
De quoi êtes-vous le plus fier ?
J’ai repris un SDIS qui était en bonne forme. Je remets un service compétent, dans une nouvelle caserne qui est belle et fonctionnelle, grâce au soutien financier de la commune et de l’ECA. Chaque commandant apporte un peu sa patte. J’ai amélioré par exemple la délégation de responsabilité. Et je suis fier d’avoir une bonne équipe, très soudée, qui travaille dans un bel état d’esprit et s’entraide.
Avec le recul, qu’auriez-vous fait autrement ?
Je me suis laissé un peu déborder par l’administration. J’aurais dû plus vite mettre en place une aide à temps partiel, ce qu’Allan va faire. Il y a aussi des choses que nous aurions pu améliorer, mais avec un système de volontariat, cela prend beaucoup de temps.
Quels sont les réels défis à venir pour le SDIS ?
Nous avons de gros soucis par rapport aux ressources humaines. Nous sommes un des plus petits SDIS du canton, et on nous demande toujours plus de compétences. Nous faisons du sauvetage sanitaire, nous aidons les ambulanciers. Nous avons aussi beaucoup plus de matériel, par exemple pour intervenir lors de crues ou d’inondations.
La population est vieillissante, et une partie des jeunes ont plus de peine à s’investir qu’auparavant. Toutes les tâches sont accessibles aux femmes. Malheureusement, nous n’en avons que quelques-unes à l’heure actuelle.
Que diriez-vous aux chefs d’entreprise pour qu’ils encouragent, ou laissent, leurs employés s’engager au SDIS ?
Je suis conscient qu’il y a des contraintes. Nous avons une alarme en moyenne 1,5 fois par semaine, mais la plupart du temps, cela ne mobilise pas le corps en entier. L’employé engagé aux pompiers va apprendre beaucoup. Il sera formé aux premiers secours et saura aussi intervenir en cas d’accident ou de sinistre. Il saura aussi maîtriser son stress et être plus réfléchi.
D’autre part, l’ECA est en train d’étudier un concept pour diminuer les charges des entreprises qui forment des pompiers. Avec la fédération des sapeurs-pompiers, elle met sur pied un label pour les entreprises – un peu sur le modèle des entreprises formatrices – qui acceptent que leurs collaborateurs fassent partie des pompiers.
Quelle sera votre vie après le service du feu ?
Quand un commandant quitte son poste, il siège d’office à la commission consultative, 2-3 fois par an. Je vais rester moniteur pour les Jeunes Sapeurs Pompiers.
Cela fait un vide au début, mais je vais m’adapter à cette nouvelle vie. Je vais être plus souvent à la maison, mais j’ai aussi des envies, comme celle de passer mon permis de voile.
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