Le Songe de Clara

Voyage dans l’ombre et la lumière
L’Orchestre des Variations Symphoniques dirigé par Luc Baghdassarian.

Une fois de plus Daniel Eisler nous surprendra. Après ses prestations musicales d’un haut niveau, il nous présente une pièce musicale en sept scènes. Au-delà de la musique et du texte, Daniel donne une version de la vie puisée dans la pensée philosophique de six penseurs. Ils lui font franchir une étape importante dans sa vision du monde et de la place de l’homme dans celui-ci.

Le spectacle a eu lieu vendredi soir dans la salle de l’Hôtel de ville, devant un public nombreux. Sur scène, l’Orchestre des Variations Symphoniques composé de douze musiciens était conduit par Luc Baghdassarian. Le décor assez sobre mettait bien en évidence les deux acteurs, Sibylle Blanc dans le rôle de Clara et Pascal Francfort dans ceux des différents Penseurs. Ce dernier assurait aussi la mise en scène. Les prestations de danse étaient assumées par Patricia Bosshard.

La pièce musicale se joue sur sept scènes, parcourant apparemment un jour terrestre en allant du levant au couchant. Mais la notion du temps et de l’espace s’estompe immédiatement quand Clara parle, au début du songe, de cette lumière éblouissante qui écarte les ténèbres de ses rayons puissants.Clara se sent perdue et si seule. Qui suis-je ? Où sommes-nous ? demande-t-elle. La réponse du Penseur du levant la laissa désarçonnée. Si elle veut quitter ce monde, elle doit se diriger vers l’autre extrémité du pays, lui suggère le Penseur. Pendant son cheminement, s’engage un dialogue avec le Penseur de chacune de ses étapes. Le Penseur des profondeurs invite en vain ceux qui y vivent à en sortir pour aller retrouver le soleil, Le Penseur à la bougie fait découvrir à Clara la pensée « Si le divin est représenté par le soleil, lui dit-il, eh bien la pensée humaine ressemble à cette bougie ».

Quant à celui des étoiles, qui observait le ciel à l’aide de son télescope, il lui fit comprendre en réponse à sa question, que le monde a ses limites et qu’à se torturer à cause de son existence, l’homme ferait mieux de l’accepter et d’en tirer profit. Le Penseur du couchant aborde enfin la notion de l’esprit qui est l’aboutissement de la création et de l’évolution. « Le progrès de l’esprit s’accomplit dans sa forme finale au travers de la philosophie, c’est :

« le savoir de tous
les savoirs ».

Et pour mieux faire comprendre sa pensée, le Penseur du couchant prend l’exemple d’une graine qui après avoir germé et grandi devient la forme achevée de la fleur et du fruit. La dernière scène fait apparaître le Penseur à la lanterne. C’est Nietzsche qui avertit « la nuit vient, préparez-vous, l’univers n’a ni début ni fin, le bien et le mal ne sont que des notions relatives, la vie a lieu au-delà. Et d’ajouter, les dieux sont morts et si l’homme veut survivre dans la nuit qui s’annonce, il doit devenir un dieu lui-même ».

Après son long parcours dans le temps et l’espace, Clara tombe à terre. Progressivement la lumière, qui baignait la scène au début de son rêve, inonde à nouveau la pièce. « Mais, je connais cette lumière, dit-elle, c’est celle de mon rêve. Sa douceur est si bienfaisante. Je n’ai plus froid, je n’ai plus peur de la nuit. Tout s’éclaircit, je suis de retour. J’ai réussi de sortir de ce monde où j’étais perdue et me revoici à la maison ».

Pour écrire cette pièce musicale, Daniel Eisler s’est appuyé sur la pensée de six philosophes occidentaux : Parménide, Platon, Descartes, Kant, Hegel et Nietzsche. Ce sont eux qui ont animé le songe de Clara. C’est dire que la pièce musicale de Daniel Eisler est comme un grand livre ouvert permettant beaucoup d’interprétations. On y trouve plus de questions que de réponses.

On ne connaissait pas Daniel Eisler, philosophe. Il nous montre avec brio une nouvelle facette de ses possibilités, pour le plus grand plaisir de son public.

A. Mottier

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