Des futurs bacheliers en géographie en stage à Bullet se sont immergés dans la réalité du terrain pour leur stage pratique de fin d’études. Ils ont partagé vendredi le fruit de leur travail avec une partie de la population.
« Nous avons été super bien accueillis à Bullet, tous nos interlocuteurs ont accepté de nous parler très ouvertement », témoigne Martina Barandun, maître assistant au département de géosciences de l’Université de Fribourg. Avec le professeur Olivier Graefe, elle a accompagné la semaine dernière une dizaine de bacheliers en géographie qui ont réalisé quatorze interviews et collecté des données en lien avec les changements climatiques. Une opportunité pour eux de « mettre la théorie en pratique » en s’immergeant dans la réalité d’une petite commune de moyenne montagne, confrontée à des étés chauds et secs qui affectent la forêt et les ressources hydriques, avec des dégâts collatéraux sur l’agriculture et le paysage.
Pompage et transport
Par petits groupes, les étudiants ont partagé vendredi après-midi une première synthèse de leur travail avec un public attentif d’une vingtaine de personnes. Ils se sont particulièrement focalisés sur la perception qu’avaient leurs interlocuteurs des changements climatiques en cours. Dans le contexte de l’augmentation des périodes de sécheresse estivales, le principal handicap soulevé par les agriculteurs a trait à la nécessité de devoir pomper de l’eau pour l’acheminer sur les alpages lorsque les réserves d’eau de pluie sont épuisées, une activité qui prend beaucoup de temps, ont-ils déploré. Des réflexions en vue d’une diminution de la consommation par le bétail n’ont pas été évoquées. « Une vache aura toujours besoin de 100 litres d’eau, a commenté un étudiant, et cela ne va pas changer, sauf si l’élevage est restructuré. » De son côté, la population a pris quelques petites mesures au cours de l’été 2022, qui se sont traduites par une économie de 40 mètres cubes du précieux liquide. Des fermes et des privés ont installé de nouvelles citernes pour récupérer l’eau de pluie des toits. Le développement de ces mesures permettrait de limiter les pompages d’eau potable. D’autre part, une sensibilisation des touristes à la fragilité de la ressource contribuerait également à relever le défi majeur posé par des sécheresses qui seront de plus en plus récurrentes en été, ont avisé les étudiants, citant des études prospectives.
Éléments identitaires
Également sous la loupe, la forêt bullatone, où les hêtres et les épicéas souffrent des étés caniculaires. Le bostryche fait des ravages parmi les résineux, dépréciant le bois. Les étudiants ont noté cependant que depuis une trentaine d’années, les responsables forestiers ont anticipé les changements, en favorisant petit à petit des forêts étagées, avec sous-bois et puits de lumière. La rentabilité économique n’est plus l’objectif principal des forestiers, le bois n’étant plus source de revenus comme dans les années 1960-1977, mais il génère des charges depuis 2009. Cependant, une forêt diversifiée s’adapte mieux aux changements qui affectent l’une ou l’autre espèce d’arbre, et d’autre part, elle garde une fonction protectrice face aux chutes de pierre, en alternative à de coûteux ouvrages.
Les murs en pierres sèches, la sérénité qui se dégage des pâturages et des forêts sont autant d’éléments identitaires partagés par tous, population, autorités et exploitants forestiers. Cependant, les visions technologiques (projet de parc éolien), économiques et de beauté du paysage s’opposent, ont constaté les investigateurs. Des inquiétudes pour les zones d’altitude sont manifestes en raison du projet de parc éolien et le développement d’un tourisme quatre saisons. Pour d’autres, le paysage n’en sera pas « trop affecté ». Les autorités estiment elles, que le paysage peut « générer de l’argent, par des subventions et du tourisme ».
Maude Gonthier, syndique de Bullet, a remercié les intervenants de leur analyse et souligné en substance que les changements climatiques représentent des risques, mais également des opportunités. Il convient de travailler tous ensemble pour trouver un équilibre entre des intérêts divergents ainsi que des solutions qui préparent le futur, a-t-elle exprimé en substance.
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