Une cinquantaine d’ouvriers s’activent sur plusieurs chantiers simultanés pour renforcer ou reconstruire les murs de soutènement de la chaussée, excaver et sécuriser les parois rocheuses qui surplombent la RC 254. Reportage au cœur d’un ballet d’engins qui cumulent leurs décibels.
Lorsqu’il se déplace entre les chantiers de rénovation des murs de soutènement de la RC254, Luis Martins, chef d’équipe du consortium d’entreprises mandaté par le Canton, enfourche un vélo. Un deux-roues qui lui fait gagner un temps précieux, mais qui, accoté à la barrière, paraît lilliputien face à la taille imposante des engins de chantier. Tractopelles, pelleteuses, chargeuses à large godet sur pneus ou chenilles, dumpers et autres rouleaux compresseurs se déplacent dans un ballet coordonné au gré des tâches et de l’avancement du chantier. Vêtus d’orange et casqués, une cinquantaine d’ouvriers sont à pied d’œuvre, et le rythme ne faiblit pas en cette période de vacances estivales.
Il fait frais, ce 8 juillet au matin, lors d’une visite guidée par Didier Kreis, ingénieur en génie civil et chef de projet à la Direction générale de la mobilité et des routes (DGMR). Le thermomètre affiche 7 degrés. « C’est presque l’hiver », sourit Luis Martins, qui avoue ne pas craindre les écarts de température : « la chaleur, le froid, c’est psychologique », assure-t-il.
Main-d’œuvre qualifiée
La véritable difficulté, selon le chef d’équipe, c’est de trouver des ouvriers qualifiés pour réaliser des travaux complexes comme l’érection d’un mur de soutènement en béton armé avec un profil en courbe. Au lieu-dit Le Rocher, un tel ouvrage est construit avec des angles, par facettes de quatre mètres de long, ce qui requiert de la précision et une bonne maîtrise des techniques. Le talus a été excavé et, dans un premier temps, une paroi en béton projeté intégrant des tirants d’ancrage et des treillis a été érigée en guise de soutènement. Puis, séparé par une tranchée où passent diverses conduites, un mur épais en béton avec armature a été réalisé sur une large semelle de fondation en béton armé. La tranchée sera ensuite remplie de matériaux d’excavation des parois rocheuses avant la réalisation des fondations de la chaussée et la pose de son revêtement. À noter qu’au niveau des premières maisons de Sainte-Croix, deux trottoirs d’au minimum 180 cm ont déjà été réalisés de part et d’autre des voies de circulation élargies à 3,50 mètres chacune dans ce secteur.
Un peu plus bas, le mur de soutènement existant situé au carrefour de la RC 254 et de la RC 259 menant à Bullet a pu être conservé, mais les ouvriers s’activent pour le coiffer d’une demi-auge qui permettra d’élargir la chaussée à cet endroit. Des travaux similaires – remplacement ou renforcement des murs – sont prévus ultérieurement sur le tracé des 3,7 km concernés par la réhabilitation de la chaussée entre le lieu-dit le Grand Contour et l’entrée de Sainte-Croix. En 2026, « une estacade (mur de soutènement avec, à son sommet, une dalle en porte-à-faux supportant la chaussée) sera réalisée pour améliorer le tracé », annonce Didier Kreis.
Travaux acrobatiques
Spectaculaire aussi, l’excavation de la falaise, où une poignée d’ouvriers spécialisés dans les travaux acrobatiques a déjà sécurisé toute une portion de rochers. Installés dans une nacelle ou encordés, ils ont purgé la roche, et foré des tirants d’ancrage pour plaquer des treillis à fleur du rocher. Plus en aval, ils s’emploient aussi à abattre des pans entiers de calcaire, à coups de marteau ou d’explosifs. Les blocs de rochers qui se détachent de la falaise atterrissent sur des tapis de pneus tissés, qui amortissent leur chute. Ce sont principalement ces opérations « qui empêchent tout trafic sur cette portion de la RC 254, pour des raisons de sécurité », expose Didier Kreis.
Après défrichement, une zone a été aménagée pour les besoins du chantier dans le secteur de la tranchée couverte et du portail du tunnel direction Sainte-Croix. Dans un décor lunaire, un gigantesque concasseur avale des tonnes de rochers amenés par des chargeuses ou des camions équipés pour les enfourner directement dans la gueule de la machine. Elle les « digère » et les « recrache » en plusieurs granulométries, qui repartiront aussitôt sur des véhicules. Quelque 20’000 mètres cubes de roche sont ainsi traités dans un premier temps, ce volume doublera lors de la creuse du tunnel.
En arrière-fond du concasseur, l’entrée du futur tunnel se signale par une paroi renforcée en béton injecté, une présentation identique pour les deux portails, dont le niveau du terrain a été abaissé pour la construction. Les travaux de percement débuteront dès octobre 2025, informe Didier Kreis. Les chantiers sont notamment suivis par un groupement de bureaux d’ingénieurs civils, un chargé de suivi environnemental et de réalisation, de même qu’une géologue pour des interventions ponctuelles.
C. Dubois
Tunnel opérationnel à fin 2026
Les habitants du Château de Sainte-Croix sont aux premières loges pour suivre l’avancement du chantier. Ils disposent d’un itinéraire provisoire pour accéder à leurs maisons depuis Bullet. Mais ils sont aussi les plus concernés par les émanations sonores du chantier. « Selon la planification intentionnelle, le tunnel serait opérationnel dès fin 2026 », révèle Didier Kreis. Ce qui devrait réduire les nuisances pour les habitants du secteur. Cependant, la dernière couche d’enrobés bitumineux de la chaussée n’est prévue qu’en 2029.

