Mercredi 9 avril, une délégation hongroise, accompagnée d'une représentante de la Direction du développement et de la coopération (DDC), a effectué une visite du Technopôle de Sainte-Croix. L'objectif : présenter l’écosystème du Technopôle, l’intégration de la formation professionnelle dans cet environnement, et ce qui est mis en place pour soutenir et promouvoir la formation.
Durant quatre jours, une délégation de 21 responsables hongrois – venus de trois régions du pays – a sillonné le Nord vaudois pour s’imprégner du modèle suisse de formation professionnelle. Point d’orgue de ce programme : la visite du Technopôle de Sainte-Croix, le mercredi 9 avril en fin d’après-midi. Représentants d’institutions de formation, chefs d’établissements, conseillers en orientation, une membre du ministère de la Culture et de l’Innovation, ainsi qu’une déléguée de la DDC à Budapest, sont venus découvrir nos bonnes pratiques, sous la conduite de Csaba Gyuriga, coordinateur de la semaine.
L’objectif de ce déplacement est clair : observer de près les bonnes pratiques helvétiques, dans une optique d’inspiration, d’adaptation et de dialogue.
« La Suisse est souvent citée en exemple, notamment pour la qualité de sa formation duale et pour sa capacité à lier enseignement et monde professionnel », souligne Csaba Gyuriga, enseignant à la section mécanique du CPNV et coordinateur de la mobilité.
Une impression confirmée par la délégation : « Il y a cinq ans, le système d'enseignement professionnel hongrois a été réformé. Le système suisse a été l'un des principaux exemples positifs de cette réforme. Aujourd'hui, notre objectif est d’augmenter le nombre d’élèves qui choisissent l’enseignement et la formation professionnels », explique une membre de la délégation.
Un programme structuré sur toute l’année
Cette visite s’inscrit dans un projet plus vaste, piloté par l’Institut central de formation professionnelle à Budapest. En 2025, quatre semaines thématiques sont programmées à travers la Suisse, chacune dédiée à un champ spécifique. La première, en mars, s’est penchée sur les métiers d’automaticien·nes. La deuxième, actuellement en cours, explore les dispositifs d’orientation professionnelle. Suivront en septembre les métiers du commerce et de la vente, et en octobre une dernière session sur un thème encore à définir.
Durant leur séjour dans le canton de Vaud, les membres de la délégation hongroise découvrent divers établissements : l’école obligatoire Léon Michaud, le CPNV à Yverdon, des entreprises partenaires comme Migros, et bien sûr, le Technopôle de Sainte-Croix – un lieu emblématique de la synergie entre formation et innovation.
Le Technopôle : un écosystème en action
Accueillis à l’auditoire par Justine Prior, responsable de la communication du Technopôle, les visiteurs ont bénéficié d’une présentation claire de ce lieu hybride, à la fois académique, industriel et entrepreneurial.
Quatre entreprises y sont installées : IKRtech (moteurs électriques), CAP14 (usinage), ainsi que CVK et Plinio Atelier (bijouterie-joaillerie). S’y ajoutent trois pôles de formation : le CPNV, la HEIG-VD, et le Swiss Welding Institute.
Les compétences qui s’y croisent – usinage, impression 3D, numérisation 3D, moteurs électriques – ne s’additionnent pas seulement, elles collaborent. « Les prototypes de moteurs sont parfois usinés par des apprentis. Et les entreprises du site mutualisent leurs savoir-faire techniques », explique Justine Prior.
La visite des ateliers a ensuite été assurée par Cédric Baumer et Nicola Mikic, enseignants au CPNV. Ils ont guidé la délégation à travers les différents espaces techniques, en mettant en lumière les équipements de pointe, les projets réalisés par les étudiants, ainsi que les passerelles concrètes entre formation et réalité industrielle.
L’orientation professionnelle, pilier reconnu
Ce qui a particulièrement retenu l’attention des visiteurs hongrois, c’est la place accordée à l’orientation professionnelle dans le système éducatif suisse. « Un exemple très positif est que l'orientation professionnelle est réglementée par la loi et que les organisations impliquées dans cette tâche coopèrent très bien », relève un représentant de la délégation.
Et d’ajouter : « Nous avons constaté que de nombreux conseillers d'orientation bien formés travaillent à cette tâche. Ils s’occupent de chaque jeune personnellement, en essayant d'apporter des réponses individuelles à des problèmes individuels. »
Une approche qui contraste avec certaines pratiques encore en place en Hongrie, et qui suscite l’intérêt : « Un bon exemple est l'inclusion de l'orientation professionnelle dans l'emploi du temps de l'enseignement primaire.
Les élèves apprennent à connaître les différentes professions, ils peuvent décider quelle profession est la plus proche d'eux et dans laquelle ils peuvent réussir. »
CAP14 : de la salle de cours à l’atelier
Installée au Technopôle depuis deux ans, CAP14 est le fruit de la collaboration entre Aaron Bernasconi et Corentin Von Kaenel, deux jeunes professionnels aux parcours complémentaires. Corentin a suivi une formation de polymécanicien puis de technicien en génie mécanique au CPNV à Sainte-Croix. Aaron, originaire de Leysin, a suivi le même cursus en entreprise.
CAP14 est un atelier spécialisé en sous-traitance d’usinage. Mais c’est avant tout une aventure humaine : « C’est clair qu’il faut s’accrocher. Le passage de la théorie à la pratique n’est pas évident, mais les bases données par les cours nous ont ouvert l’esprit », confie Corentin. Aujourd’hui, ils allient rigueur technique et sens de l’esthétique pour proposer des pièces de haute qualité à leurs clients.
« Il faut savoir extrapoler ce qu’on apprend en formation, c’est ça qui donne de la liberté et du choix », ajoute-t-il.
La délégation a également pu se pencher sur plusieurs programmes spécifiques tels que le programme LIFT, qui permet à des élèves de participer, durant plusieurs semaines, à des stages bien encadrés au sein d’entreprises. « C’est une initiative exemplaire qui montre comment on peut rendre le monde professionnel accessible dès le plus jeune âge, dans un cadre structuré et motivant », a commenté l’un des chefs d’établissement hongrois.
Croiser les systèmes pour mieux apprendre
Le système hongrois de formation professionnelle présente des particularités intéressantes : cursus accessibles après le primaire pour certains élèves à besoins spécifiques, lycées techniques, formation en alternance dès 14 ans, financement partagé entre État, entreprises et Fonds national pour l’emploi.
Mais malgré cette structuration, le pays cherche à moderniser ses pratiques et à renforcer la connexion entre école et entreprise. L’éducation des adultes, encore marginale en Hongrie, constitue également un axe de réflexion. En cela, l’expérience suisse – et notamment celle vécue à Sainte-Croix – apporte des perspectives concrètes.
La visite s’est achevée dans une atmosphère conviviale, empreinte de curiosité mutuelle et de respect professionnel. Si certaines différences de structure ou de culture sont indéniables, c’est bien la volonté d’apprendre les uns des autres qui a dominé.
Le Technopôle, en tant que lieu d’échange et de convergence entre savoir-faire, innovation et jeunesse, a pleinement joué son rôle de vitrine du modèle suisse. Et cette première immersion pourrait bien être le point de départ de futurs partenariats entre la Suisse et la Hongrie en matière de formation professionnelle.
C. Alkabes
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