L’explosion du bancomat situé à la rue Centrale, lundi 22 juillet, porte à 26 le nombre d’attaques de distributeurs de billets dans le pays depuis le début de l’année. Phénomène inquiétant : les explosifs sont utilisés dans des quantités de plus en plus importantes lors de ce type de braquages en Suisse, constituant un danger sérieux pour la population.
Les habitants de la rue Centrale 6 se souviendront longtemps de cette nuit du dimanche 21 au lundi 22 juillet. Vers 4h du matin, ils sont réveillés par un bruit assourdissant que certains n’identifient pas tout de suite. Il s’agit de l’explosion du bancomat de la Raiffeisen qui se trouve à l’intérieur de leur immeuble, au rez-de-chaussée. « J’ai pensé qu’il y avait un tremblement de terre », décrit Paulette Jeannin (nom d’emprunt) dont l’appartement est situé au-dessus du distributeur. Peu après la détonation, la nonagénaire se penche à sa fenêtre où elle aperçoit la police et la gendarmerie qui lui intiment de ne pas sortir de chez elle. « Mon logement était rempli de fumée. Un gendarme est monté pour voir si je n’avais pas du mal à respirer », explique-t-elle. L’appartement de Paulette Jeannin n’aura finalement que peu été endommagé : une porte sortie de ses gonds, une patte et la queue de la statuette d’un chien, cassées. « Je ne sais pas si je pourrais le garder, il ne tient plus en équilibre », se désole la vieille dame. Mais elle s’estime chanceuse. Aux étages inférieurs aussi, des dégâts sont à déplorer, tandis que les appartements du dernier étage ont été très peu impactés. Les habitants ont pu retourner dans leurs logements dans la matinée. Seules les traces visibles sur le bas de cet immeuble appartenant à la banque Raiffeisen Mont-Aubert Orbe témoignent de la violence de l’assaut. L’agence est fermée jusqu’à nouvel ordre.
L’attaque à l’explosif : la méthode préférée des criminels
Encore peu employée avant 2021, la méthode d’attaque des distributeurs de billets par explosif est désormais la plus utilisée sur le territoire. Depuis le début de l’année, sur un total provisoire de 26 attaques, la Suisse en comptabilise déjà 19, contre 9 seulement sur toute l’année 2020. En raison de sa dangerosité, l’utilisation de cette méthode implique un passage de l’enquête entre les mains de l’Office fédéral de la police (fedpol), avec une procédure pénale menée par le Ministère public de la Confédération.
Si des informations concernant le nombre d’auteurs, leur origine, leur lieu de fuite et le montant du butin dérobé ne sont à ce jour pas communiquées par les autorités, l’expérience accumulée depuis plusieurs années permet déjà d’esquisser un possible profil des malfrats. « On observe que certains groupes privilégient certains modes opératoires », explique Mélanie Lourenço, porte-parole de fedpol. La moitié des attaques par explosif seraient ainsi le fait de groupements roumains. Les groupes criminels des Pays-Bas occuperaient également une place centrale en Europe, responsables d’une grande partie des attaques commises en Suisse depuis 2020, selon un rapport de fedpol. Ils sont aussi appelés Mocro Maffia, en raison de leur origine souvent, mais pas exclusivement, marocaine.
Les attaques sont généralement perpétrées par trois ou quatre personnes qui prennent la fuite au moyen de véhicules, parfois volés, sans plaque d’immatriculation ou avec de fausses plaques, qui traversent les frontières cantonales ou nationales.
Des quantités qui inquiètent
Sans scrupules, ces deux réseaux criminels ont un point commun : pour atteindre leur but et repartir sans être pris par la police, ils n’hésitent pas à faire des victimes collatérales. « Nous avons observé que les criminels utilisent des quantités d‘explosifs de plus en plus importantes, ce qui donne des explosions qui sont très impressionnantes et qui peuvent être dangereuses lorsqu’un distributeur est encastré dans un bâtiment. Il y a un risque de blessure pour les habitants, et de manière générale, qu’un tiers puisse être touché par les débris ou par les impacts des explosions », détaille Mélanie Lourenço.
Sur les près de 100 attaques commises avec explosion en Suisse depuis 2022, aucun décès n’est à déplorer à ce jour et les blessures enregistrées restent légères. Mais pour éviter le pire, en cas d’attaque, la porte-parole de fedpol recommande de contacter immédiatement la police au 117, de ne rien entreprendre pour appréhender les auteurs, et de se tenir éloigné du distributeur concerné, car même après l’attaque, des charges explosives qui n’ont pas été mises à feu peuvent représenter un danger.
Pour sensibiliser aux dangers des explosifs utilisés, fedpol émet un certain nombre de recommandations aux associations bancaires. Elle conseille notamment aux banques de ne pas placer de distributeurs automatiques de billets dans des bâtiments habités.
À la rue Centrale 6, le choc est passé pour Paulette Jeannin. « Mais si j’entends un drôle de bruit, j’écoute attentivement pour savoir ce que c’est », reconnaît-elle. Aujourd’hui, c’est surtout le son des travaux de réparation qu’elle entend en bas de chez elle. On lui a proposé un soutien psychologique suite à l’événement, qu’elle a décliné.
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