La saison d’estivage commence dans trois mois. Or, le loup colonise de nouveaux territoires, forme des meutes et inquiète les agriculteurs, notamment dans le Jura vaudois. Une analyse de vulnérabilité des alpages révèle ses premiers résultats. L’exemple des Grisons donne des pistes.
Arrivé sur la pointe des pattes dans le Jura vaudois, Canis lupus italicus a rapidement étendu son territoire. La meute établie au Marchairuz a déjoué tous les pronostics l’an dernier en ajoutant des bovins à son garde-manger de proies sauvages, au désespoir des éleveurs qui ont perdu des bêtes dans ces agressions. « Il y a eu treize attaques de bovins imputables au loup en 2021 », précise Jean-Luc Borelli, de la fondation Jean-Marc Landry, mandatée par la Direction générale de l’environnement (DGE) pour réunir des connaissances fines du comportement du loup afin de mieux prévenir les risques de prédation.
Suite aux attaques de l’été, le canton a sollicité de Berne une demande de tir de régulation de deux loups subadultes impliqués dans les attaques. La mission confiée aux gardes-faune s’est avérée d’autant plus difficile que des protecteurs du loup ont campé dans le secteur et ont fait du tintamarre pour éloigner les prédateurs. Depuis peu, le périmètre où ils pourront être abattus est étendu au pied du Jura, entre L’Isle et Givrins mais hors du site de protection de la faune du Noirmont. Cet hiver, la meute a suivi vers la plaine la harde de cerfs qui constitue l’essentiel de sa nourriture, précise le canton dans un communiqué publié le 18 février.
25 % des alpages
vulnérables
Le canton a sollicité une analyse de vulnérabilité des 1049 alpages vaudois face au loup, répartis sur 40’000 hectares du Jura aux Alpes vaudoises et au Pays d’Enhaut. Pour Sainte-Croix, ce sont 800 ha et 33 exploitations qui sont concernés. Il ressort de cette étude, menée par le bureau d’agronomie Montanum à Sainte-Croix que « 25 % des alpages peuvent être considérés comme vulnérables sur la base des données actuelles », dans le périmètre prioritaire de la zone sud du Jura, soit le massif de la Dôle-Vallorbe, communique le canton. Dans les autres régions, leur proportion s’élève à 15 %.
Les critères retenus pour l’étude portent sur la présence de veaux, moutons, chèvres, ainsi que de vaches mères. La présence d’un exploitant ou d’un berger dans le chalet, la capacité de loger le bétail dans les étables ou encore la taille des parcs ont également été pris en compte.
Sur la base des premiers résultats, des pistes de réflexion de trois ordres sont évoquées : des aides financières et de conseil pour la sécurisation des alpages, l’augmentation de la présence humaine (berger) et la possibilité de faire évoluer les pratiques d’élevage, souligne le canton. Ces mesures renforcent le dispositif en place, dont l’accompagnement des éleveurs, le suivi accru du loup en collaboration avec les autorités françaises ainsi que des mesures pilotes avec réalisation de parcs sécurisés et des tests d’effarouchement.
Démystifier
L’amélioration de la communication sans tabou entre tous les secteurs concernés est souhaitée par les éleveurs. « Il faut en parler, démystifier le loup vu comme un totem ou diabolisé selon que l’on soit pro ou anti-loups », relève Jean-Luc Borelli. « Des outils se mettent en place, et la communication s’améliore », estime Jean-Bruno Wettstein.
Si la connaissance du comportement du loup progresse, l’adaptabilité de ce dernier est telle qu’il brouille les cartes. Le loup, curieux, s’approche des habitations. Une interaction avec deux chiens dans la cour d’une ferme a par exemple été filmée par un agriculteur.
Le 10 mars prochain, une conférence publique sur le loup se tiendra à Le Vaud, dans le parc Jura vaudois. Dans le cadre d’ateliers, Jean-Bruno Wettstein développera notamment les mesures qui seront prises ce printemps et celles qu’il faudra rapidement tester.
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