L’augmentation des prix de l’électricité, du gaz et des carburants pénalise, voire précarise de nombreux secteurs d’activité. Des artisans sainte-crix témoignent de leurs difficultés.
Les chiffres de la facture énergétique font l’effet d’un électrochoc. « Nous avons calculé une augmentation annuelle de 23’000 francs, seulement pour la cave d’affinage », relève Vincent Tyrode, à la tête avec sa femme Bénédicte, de la fromagerie éponyme installée dans des locaux neufs à L’Auberson. Le prix du mazout s’est aussi envolé, passant de 1,48 à 2,06 francs le litre lors du remplissage de la citerne.
Au Grand-Hôtel des Rasses, le directeur Patrice Bez vient d’inscrire 210’000 francs au budget 2023 pour les postes électricité-gaz-mazout. En 2021, la facture énergétique globale se montait à 150’000 francs.
Traquer les économies
Les entreprises plus petites souffrent dans les mêmes proportions. « Ma dernière facture d’électricité s’élevait à 4’000 francs. Je m’attends à 6’000 francs pour la prochaine », confie Olivier Jaccard, patron de la boulangerie Taillaule. Le four à pain, ancien, est gourmand en électricité, de même que les frigos. De son côté, Raynald Jaccard, de la Gourmandine, fait état de factures équivalentes, malgré un four tout neuf pour lequel il a investi 100’000 francs.
Dans ce contexte d’envol des prix, chacun traque les économies, même petites. La suppression des éclairages en soirée ou la nuit vient en tête des mesures déjà prises. La fromagerie Tyrode a installé des détecteurs « partout où cela était possible ». Sa plateforme française a réduit ses jours d’ouverture afin d’éteindre des groupes frigorifiques.
Au Grand-Hôtel, l’effort porte sur le remplacement des 210 ampoules de la salle Belle Époque 40 W par des 4W, « un coût de 1’800 francs », précise Patrice Bez. La rénovation d’un étage s’accompagne de la suppression des néons allumés 24/24 et leur remplacement par des lampes LED avec capteurs de présence. L’éclairage de la piscine est aussi éteint le plus souvent possible.
Réduire la production
Proche de la retraite, Olivier Jaccard ne peut pas investir dans de nouveaux équipements. Alors il cherche d’autres pistes. Depuis une vingtaine d’années, il travaille sept jours sur sept. Il cogite. « Faut-il fermer la boulangerie un jour par semaine ? réduire la production de certains pains pour se passer d’un des frigos ? »
Olivier Bahon, chef du magasin Denner, constate de son côté que son magasin vieillissant ne permet pas de grandes économies d’énergie. « Nous devons tenir les frigos à une certaine température et nos surfaces réfrigérées sont déjà au plus juste. » Le personnel se discipline pour éteindre la lumière dans le stock après chaque passage et ne pas laisser l’ordinateur ou la machine à café en veille.
Répercussions sur les prix
L’augmentation des prix et services paraît inéluctable. Tous les corps de métiers ne sont pas à la même enseigne en matière de consommation d’énergie, mais tous sont frappés depuis des mois par un cortège de hausses qui touchent les matières premières et le transport – « nous recevons des hausses de prix de 5 % à 30 % tous les mois » réagit Joakim Junod, à la tête de Junod Peinture Sàrl, et également président de la Société industrielle et commerciale de Sainte-Croix. « Nous allons devoir répercuter ces hausses sur les prix clients, nous ne pourrons pas travailler en 2023 avec les mêmes prix que cette année », note Joakim Junod, qui emploie une dizaine de personnes. Certaines entreprises incluent déjà ou prévoient des suppléments énergétiques dans leurs devis.
Malgré la situation tendue, le président de la SIC dit n’avoir pas reçu d’appel au secours de la part des membres à ce jour.
Passage de témoin
« J’ai un tout petit peu augmenté mes prix cet été », rappelle Olivier Jaccard. « Mais une hausse dans la situation actuelle permettrait-elle aux clients de s’offrir encore des petits plaisirs ? ». Son collègue Raynald Jaccard suivra ce qui sera décidé au niveau de l’Association suisse des boulangers-pâtissiers et confiseurs en novembre. Une hausse modeste des produits interviendrait alors avant le passage de témoin à son fils Flavien et à sa compagne Maelyn, prévu au 1er janvier 2023.
« À ce jour, l’augmentation de l’énergie n’a pas été prise en compte dans nos derniers tarifs révisés en mai 2022. Il est évident que nous allons être dans l’obligation de répercuter ces hausses », confie Vincent Tyrode.
Au Grand-Hôtel, Patrice Bez affiche une volonté de serrer les dépenses et les investissements, afin d’éviter « d’augmenter nos tarifs ». Un recours aux RHT (réduction de l’horaire de travail) pourrait être envisagé, des demandes sont en cours auprès de l’Association suisse des hôteliers, précise-t-il. Le directeur pointe quelques incertitudes : « faudra-t-il fermer la piscine et le spa ? »
Le président de la SIC se refuse à peindre le diable sur la muraille. « Certes, les années fastes sont derrière nous et nous allons devoir passer à plus de sobriété, travailler au jour le jour sans savoir à quel moment le marché de la rénovation – branche principale de sa société – va se calmer », relève-t-il.
0