Les chalets d’alpage ont une nouvelle fois revu leur organisation pour servir une petite restauration à l’emporter. Une activité qui demande beaucoup de travail pour une satisfaction mitigée et qui génère une montagne de déchets.
« Nous le faisons moitié pour notre clientèle et moitié pour nous », résume Dusan Rybacek de la Ronde Noire à propos de la vente à l’emporter de boissons chaudes et froides, de sandwiches et de gâteaux faits maison. « C’est vraiment triste, tous ces clients qui passent et qu’on ne peut pas accueillir », regrette le patron. Les jours de grand soleil, et en l’absence du vent, des dizaines de skieurs de fond et autres randonneurs se succèdent. Ils s’asseyent un peu partout autour de la ferme et jusque sur les barrières. Cependant, « dès que la bise souffle, il fait froid, les gens n’ont plus envie de s’arrêter ». La famille Rybacek vit à la Ronde Noire, et proposer des mets à l’emporter est aussi une manière de s’occuper les mains et l’esprit.
Pour Sylvie Pelet Aubort et Audrey Pétremand, la deuxième saison hivernale à la Bullatonne Dessous impose déjà de se réinventer. « Nous tenons à ouvrir pour notre clientèle, mais aussi pour nous faire connaître. » Les randonneurs à pied ou en raquettes attendent sagement devant la fenêtre de la cuisine d’où s’échappent des effluves de potage aux légumes et de tartelette au fromage. Assiettes de charcuterie et gâteaux maison étant également proposés, ainsi que des gaufres. Là aussi, les clients s’égaillent aux abords du chalet, profitant de la vue. « Les belles journées, nous faisons quand même une jolie caisse », reconnaît Sylvie Pelet. Ouvert surtout le week-end en janvier, le chalet le sera tous les jours dès février avec l’entier de la carte à l’emporter.
Amertume
Aux Avattes, les nouveaux tenanciers se réjouissent d’être très sollicités par grand beau temps. Dimanche après-midi, Myriam Afonso avait à peine le temps de répondre au téléphone, tant elle s’affairait à servir soupes, sandwiches, frites et/ou gâteaux. La courbe de fréquentation de l’établissement repris en novembre par Myriam Afonso Gökhan et Bozdag est cependant tributaire de l’affluence aux téléskis.
Au pied des pistes, les Planets ont une large carte à l’emporter : soupe, croque-monsieurs, hot-dogs, hot fondue, crêpes et burger frites, détaille Vincent Hermann. « On essaie aussi de varier les propositions d’une semaine à l’autre. Nous avons trois cabanes, ce qui implique d’être trois fois plus nombreux pour travailler. »
Aux Cluds, les Chablaix se sont aussi réorganisés, mais on sent l’amertume dans la voix du patron de 60 ans, dont l’établissement est dans la famille depuis 1938. « C’est un monstre boulot ! Nous sommes vingt habituellement et là nous ne travaillons qu’à deux. Et c’est nous qui déneigeons le parking et le bord de la route. » Hot-dogs, sandwiches, tranches de gâteau aux pommes ou à la raisinée partent comme des petits pains de la cabane dédiée à la vente à l’emporter. « Nous le faisons pour les bons contacts avec notre clientèle », souligne Olivier Chablaix.
C’est sûr, si le seul calcul est celui de la rentabilité, l’établissement n’ouvre pas. Pour la majorité, c’est pourtant la satisfaction du consommateur qui prime. « Les clients, eux, sont contents ! », relève par exemple Nicolas Blanchard, patron de l’Hôtel du Chasseron qui tient un bar des neiges avec son amie en week-end. Hot fondue, saucisses de veau, saucisson sec sont prisés par beau temps. Ici aussi, la caisse est tributaire de la météo. Les charges, elles, ne varient pas. « Je suis totalement insatisfait », avoue le jeune patron. L’hôtel est ouvert le vendredi et le samedi soir, mais « les gens ne jouent pas le jeu. Et la COVID n’aide pas ». Un hiver normal, l’établissement afficherait complet avec les conditions de neige actuelles.
Déchets en masse
À la Bullatonne, la vaisselle est en carton, et il n’est pas rare que les clients renoncent à la cuillère en plastique pour réduire la part de déchets non recyclables, constate Sylvie Pelet. « Nous ne pouvons rien servir sans couvercle », regrettent tant Vincent Hermann aux Planets qu'Olivier Chablaix, aux Cluds. Tous deux sont décontenancés par les consignes actuelles, qui vont à l’encontre de toutes les recommandations pour préserver l’environnement. « Un jour de beau temps pour aujourd’hui (dimanche dernier), j’ai deux conteneurs de déchets, remplis par la vaisselle jetable, le sagex et le carton que nous devons utiliser et les emballages laissés par les gens qui pique-niquent », constate Vincent Hermann. Il ne le dit pas en ces termes, mais Olivier Chablaix a quand même l’impression que ceux qui édictent toutes ces prescriptions marchent sur la tête. « J’ai acheté pour 2500 francs de gobelets recyclables, et je n’ai pas le droit de les utiliser. D’autre part, la moindre tranche de gâteau doit être emballée dans du papier d’aluminium. Et je paie 60 centimes le kilo de déchets que je dois éliminer.»
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