L’association de l’Atelier du Dr Wyss est chargée, depuis 2023, de la gestion et de la valorisation de la collection des machines et des outils liés à la fabrication des boîtes à musique, rassemblées et restaurées par le Dr Wyss. L’atelier, fonctionnel, reconstitué de mécanique à l’ancienne, est établi à la rue de l’Industrie 15. Des guides bénévoles et passionnés en assurent des visites commentées et vivantes, uniquement sur réservation.
Ce printemps 2025 est particulièrement riche en manifestations liées au savoir-faire industriel, artisanal et artistique du Balcon du Jura. Il nous a semblé opportun de se plonger dans un atelier de fabrication de la fin du 19ème et du début du 20ème siècle, avant de vivre à Sainte-Croix les très contemporaines Journées Internationales des Métiers d’Art des 28, 29 et 30 mars derniers et les autres évènements suivants, telles les journées « Créativité et Savoir-Faire »
des 17 et 18 mai.
L’association de l’atelier du Dr Wyss nous a permis, ce 17 mars, de cerner la complexité des tâches spécialisées, le génie industrieux mis en place à l’époque, les capacités exceptionnelles des ouvrières et ouvriers et les rudes conditions de travail auxquelles il fallait alors faire face. Nous tenons à exprimer toute notre gratitude à Michel Previtali, Théodore Hatt, André Cuendet et Daniel Oguey qui nous ont accueilli, tout comme ils sauront le faire lors de votre visite, avec amabilité, passion, connaissance et compétence.
L’internement en Suisse des Bourbakis a lieu en 1871, les premières usines sortent de terre peu après, en 1875, Paillard tout d’abord, puis Mermod Frères, Hermann Thorens et en 1885, se dénombraient « une trentaine de fabricants de boîtes à musique, occupant environ 1220 ouvriers » (Enquête vaudoise, 1885). Moult ouvriers et ouvrières travaillent à domicile, dépendant de l’évolution des marchés. Le XXème siècle, ses crises, ses guerres et ses progrès technologiques écriront les pages de la destinée du mariage de la musique et de la micro-mécanique.
Nombre de travaux et livres remarquables documentent l’histoire de la boîte à musique et des autres créations sainte-crix, telles les machines à écrire Hermès et les caméras Paillard-Bolex, les platines Thorens et bien d’autres, jusqu’à notre époque. Nous n’allons donc pas nous y appesantir mais plutôt tenter d’évoquer le ressenti que l’on peut éprouver dans cet atelier.
Remonter le temps
Un long couloir central dessert les différents ateliers du musée, offrant par ailleurs au regard une superbe collection de cameras Paillard-Bolex et une autre de machines à écrire.
En poussant la première porte sur la droite, on découvre l’atelier et, en une fraction de seconde, nos montres reculent de plus d’un siècle. La lumière parcimonieuse, dispensée par de faibles ampoules et des carreaux de fenêtres blanchis, dramatisent le site. Pénétrer en ce lieu de labeur est émotionnellement très fort quand on vient de quitter un monde où on joue à « presse-bouton »
à longueur de journée. Un monde où tout se veut sécurisé au maximum. Le moteur à eau Schmidt tourne, mu par la puissance de l’eau. Comme les turbines de la Jonction à Genève, il entraîne une dynamo, chargée d’approvisionner en énergie électrique les différentes machines. Les poulies tournent, entraînant les courroies de cuir qui claquent, frottent et bruissent. Les machines s’ébrouent, grincent, claquètent, stridulent. On perçoit les odeurs d’huile, de pétrole et de métal. Le monde ouvrier travaillait dans un épouvantable vacarme, la surdité était légion, il fallait cependant y rester concentré, surveiller ses gestes, les casquettes étaient maculées de taches d’huile; seules les tâches à domicile pouvaient se faire au calme. Le
« bon vieux temps » se rappelle à nous, citoyens gâtés du XXIème siècle…
Ici, presque toutes les machines fonctionnent. On y découvre comment on découpe, étampe, ébauche, fend, fraise, ébavure, trempe, meule, soude, accorde, pose du plomb ou des étouffoirs aux claviers; usine les cylindres ou rouleaux, tamponne, polit, pique, perce, élabore et place les goupilles, pratique le gommage et le polissage, puis le fraisage, le justifiage…
On s’y passionne pour cette alliance quasi magique de la musique et de la mécanique avec l’œuvre de l’arrangeur, de l’importance du diviseur du temps lors du piquage.
La forge n’est pas fonctionnelle mais dans une pièce plus sereine, au fond du couloir, le « bureau » dévoile le précieux travail effectué à domicile, à l’établi, de l’accordeur, dont l’ouïe et le sens de la musique devaient être très élevés.
Impossible de ne pas quitter l’Atelier du Dr Wyss sans en être ému, sans éprouver un respect profond pour ce monde disparu aujourd’hui, tout au moins sous cette forme, et qui nous a été légué par le Dr Jürg Wyss (1943-2012) puis transmis, géré et partagé avec passion par les précieux bénévoles de l’association de l’atelier éponyme.
Pour visiter, sur RDV uniquement: +41 79 713 86 20 atelier.drwyss@mumaps.ch / www,mumaps.ch
Pour préparer ou approfondir votre visite:
« L’atelier du Dr Wyss » Jürg Wyss - Marc Hösli - Jean-Claude Piguet - Collaboration d’Etienne Blyelle / Cercle d’histoire de la région de Sainte-Croix et Musée des Arts et Sciences de Sainte-Croix / 2010
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