Les Journées Européennes des Métiers d’Art se sont déroulées en terres vaudoises du 28 au 30 mars. À Sainte-Croix, durant ce week-end, le public avait la possibilité de découvrir l’Association Mec-Art pour la mécanique d’art, la marqueterie d’art de Bastien Chevalier et l’atelier de restauration et de création de vitraux de Pablo Russo. La commune de Sainte-Croix est l'un des uniques endroits au monde où l’ensemble des savoir-faire en mécanique horlogère et en mécanique d’art est concentré sur un aussi petit territoire, optimalisant de fait les formations, collaborations, élaborations et concrétisations de projets.
Pierre Fellay, directeur, et les différents artisans de Mec-Art ont accueilli quelque 80 visiteurs sur l’ensemble des neuf visites qui s’y sont déroulées, présentant l’association, son origine, ses compétences, structures, motivations et objectifs. À l’origine, en 2016, ils étaient trois pour la créer: François Junod, Nicolas Court et Denis Flageollet. Structurée juridiquement en 2021, elle s’est développée depuis et quelques cinquante ambassadeurs bénévoles et passionnés s’investissent désormais dans au moins un de ses buts fondamentaux.
Les sciences et techniques s’associent à la créativité en mécanique d’art, et donnent la part belle au mouvement. L’horlogerie d’art, les automates, les sculptures animées et les boîtes à musique utilisent la mécanique de précision de manière artistique pour stimuler les sens et éveiller de l’émotion. La conservation, la sauvegarde et la transmission des savoir-faire, la reconnaissance, la valorisation et la promotion des artisans et des différents acteurs de la mécanique d’art du Balcon du Jura, le soutien à l’innovation et à l’élaboration d’un futur représentent les buts fondamentaux de Mec-Art.
Pour ce faire, des formations sont élaborées et dispensées, durant lesquelles les échanges professionnels et intergénérationnels sont fondamentaux, avec une étroite collaboration du réseau artisanal régional et ses institutions (CPNV, ECAL, Technopôle de Sainte-Croix, Musée du Fer et du Chemin de Fer de Vallorbe), en s’appuyant également sur ses partenaires.
Depuis 2023, Mec-Art dispose d’un superbe et lumineux atelier au cœur de l’Institut de la Mécanique d’Art sainte-crix. La transmission du savoir y est assurée par des formations en mécanique d’art. Les traditions ancestrales y sont conservées et développées technologiquement et artistiquement pour fleurir internationalement, atteindre de nouveaux talents et de nouveaux entrepreneurs. La formation actuelle, dispensée en français, dure quatre semaines. La première est focalisée sur les matières, la seconde est centrée sur l’horlogerie d’art, la troisième traite de la musique, et enfin la quatrième est synthétique par l’étude des automates et la finition. Une session anglophone sera mise en place dès la mi-juin de cette année.
« La magie de la mécanique d’art se trouve aussi dans l’échange et le partage » (Renaud Lelièvre, coutelier et mécanicien d’art); de fait, de riches rencontres à même de susciter des vocations, ont eu lieu entre les visiteurs et les maîtres-artisans en cette matinée printanière.
www.mec-art.ch / www.debethunecavers.com
MBCH, la marqueterie d’art de Bastien Chevalier
Pénétrer dans l’univers de Bastien Chevalier offre un changement radical au visiteur lors de ces Journées européennes des métiers d’art. Il accède à un lieu profondément intime, reflétant la personnalité de ce virtuose de la marqueterie d’art. C’est un homme simple qui nous reçoit, en tenue décontractée, sportive. D’ailleurs, un VTT est dressé au fond de la pièce, près des disques et d’une petite collection de crânes… Une platine Thorens et deux machines à écrire Hermès dont une Baby, de nombreuses photographies de ses créations et des articles de presse couvrent les murs. Un peu partout sur les murs ou les meubles, des phrases, des pensées calligraphiées sur des rubans adhésifs ou des papiers. L’une d’elle, écrite sur une empreinte de main interpelle « La main de l’artiste transforme l’idée ». Quel puissant raccourci ! Car dans son monde, où se côtoient la science fiction de Star Wars, la musique et les souvenirs personnels, où le visiteur est accueilli par un chat porte-bonheur, un maneki-neko, chargé de lui apporter prospérité et chance, l’acte créatif se déroule en plénitude. Bastien Chevalier ne travaille pas dans un bureau aseptisé, il œuvre dans un atelier qui lui est sécurisant, un cocon dans lequel il ressent le calme et la concentration liés à la précision indispensable à son activité. Cette exigence absolue de sérénité se révèle tout particulièrement dans ses cadrans de montres de très haute gamme. Pour exemple, la représentation d’un panda sur un cadran, véritable puzzle de quelques 400 pièces, découpées avec une minutie extrême où l’œil lui-même en comporte 7, il faut deux mois à Bastien Chevalier pour réaliser l’un d’eux.
Né à Vallorbe, ébéniste de formation, Bastien Chevalier s’est perfectionné dans la marqueterie au sein de l’entreprise sainte-crix Philippe Monti durant six années, auprès de Jérôme Boutteçon, ancien lauréat du concours de meilleur ouvrier de France. En 2003, l’ébénisterie spécialisée travaillant entre autres pour les boîtes à cigares Davidoff et les boîtes à musique Reuge SA, connu une situation financière difficile.
Bastien chevalier créa alors son propre atelier d’ébénisterie d’art et développa un style très contemporain, se distançant de l’idée éculée des images de style « belle-époque ». Il crée ainsi des tableaux, sculptures présentées dans des galeries d’art montrant une facette très moderne de la marqueterie. Les cadrans de montres qu’il crée sont uniques ou en séries très limitées. Il a créé sa propre marque horlogère en 2019 (JSCE n°2882, 31 juillet 2019).
Comme son site internet le précise, Bastien Chevalier est né avec les années graffitis et il le revendique. L'exceptionnelle guitare électrique qu’il a marquetée en témoigne au coeur de son univers.
www.bastienchevalier.ch
L’atelier de Pablo Russo, restaurateur et créateur de vitraux
L’atelier de Pablo Russo est lumineux à souhait, la transparence et les couleurs subtiles des vitraux accrochés aux fenêtres se révèlent sous les rayons solaires et animent les lieux. Revêtu d’un tablier orange de cuir protecteur, Pablo Russo est un homme charpenté dont la vie est un véritable conte. En Argentine, où il était conducteur de train, il y connut une jeune femme de 19 ans, l’épousa et ils fondèrent en Suisse une belle et heureuse famille, sous la lumière des vitraux… Cette jeune femme, fille de Roland Béguin, était alors en vacances en Argentine. Cupidon fit son œuvre et le couple vint s’installer à Sainte-Croix. Pablo Russo s’initia au travail du vitrail auprès de son beau-père puis, après sept années comme employé, il reprit l’entreprise familiale, passa un CFC de peintre verrier et est depuis reconnu par ses pairs. Il travaille sur des monuments classés au patrimoine historique.
Pablo Russo est un perfectionniste, qualité intrinsèque aux métiers d’art de haute teneur. Pour lui, « dans la simplicité des choses, on voit quelque chose de beau ». La lumière, le verre, le plomb sont des choses simples mais la beauté qui est issue d’un vitrail demande dextérité et précision, connaissance de matières aux propriétés différentes, apprentissage de nouvelles techniques. Jongler avec la fragilité et la dureté des matériaux implique un savoir-faire qui n’autorise pas l’erreur, surtout quand il s’agit de pièces historiques.
Pablo Russo ne s’ennuie jamais, il découvre sans cesse la richesse du patrimoine helvétique.
La violente tempête du 24 juillet 2023 traversant La Chaux-de-Fonds lui a apporté beaucoup de travail de restauration, fort gratifiant. Récemment, il a restauré et remis en place les vitraux du collège de Fleurier créés par Lermite en 1968 et réalisés par l’atelier Kübele Fils.
Mais il apprécie de réaliser ses propres créations et travailler en collaboration avec des architectes, lors de la conception même des bâtiments.
Dans les semaines proches, Pablo Russo va opérer un profond changement à son entreprise en la déplaçant à Yverdon, au sein de l’espace « Village 48 ». Avec l’intention de collaborer de manière plus étroite avec des architectes, de développer son activité tout en se rapprochant de sa famille.
Après avoir expliqué aux visiteurs comment se fabriquait artisanalement les plaques de verre, qu’il commande auprès d’une seule entreprise, Pablo Russo a expliqué comment créer des dégradés à l’acide fluorhydrique. Il démontra comment couper le verre et assembler les différents éléments avec des baguettes en « H » de succédané de plomb puis les coller.
Roland Béguin, désormais art-thérapeute, et son beau-fils, avaient réservé aux visiteurs une surprise en fin de visite, avec l’élaboration d’une fresque temporaire et interactive ou chacun(e) plaçait des découpes de verre colorées sur la platine de rétroprojecteurs; la synergie créative du groupe étant révélée en lumières bigarrées par la projection murale.
Facebook: @vitrauxbeguin
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