
Arlette Baud coupe le cordon qui la lie au Musée Baud par petits bouts. Après la vente de la collection, en 2018, elle va transmettre l’administration du musée familial au CIMA au 1er janvier 2021. Tout en continuant à organiser des visites.
« Mon père me disait : il faut toujours aller de l’avant ». Au moment de transmettre l’administration du Musée Baud à la Fondation du Centre International de la Mécanique d’Art (CIMA), Arlette Baud a une pensée émue pour son père Frédéric Baud, fondateur de l’institution en 1955 à L’Auberson, avec ses frères Robert et Auguste. Frédéric Baud « était exigeant dans le travail, mais c’est un homme qui savait écouter, mettre les formes quand il avait quelque chose à dire et qui trouvait un fond de bonté en chaque individu. Quand nous avons repris le musée, en 1990 avec mon cousin Michel Bourgoz, cela lui a fait tellement plaisir ».
La disparition de ce père aimé et respecté, il y a 22 ans, c’est le seul souvenir qui peine Arlette Baud aujourd’hui quand elle repense aux 57 années qu’elle a passées en compagnie des orchestrions et autres automates patiemment rassemblés par son père et ses frères.
Rocambolesque
Les deux cousins ont inscrit leur démarche dans une continuité. La collection était déjà constituée : les grands instruments de musique mécanique, les boîtes à musiques, automates, horloges, gramophones, tableaux animés et autres oiseaux chanteurs étaient là, chacun avec son histoire. Comme ces deux fiers automates ayant appartenu à Madame de Staël, arrivés du château de Coppet. Ou ce mouvement de taille respectable, confié en réparation à Frédéric Baud, qui cache une histoire rocambolesque. Le client qui l’avait apporté a disparu ensuite aux Etats-Unis. Lors du 25ème anniversaire du Musée, l’automate, une pièce Allard 1900, paraît en photo dans le journal, et un habitant de Fleurier le reconnaît. Le client mystère le lui avait acheté, mais jamais payé ! Un arrangement a permis de le garder au musée. Insolite aussi, l’histoire du fameux Phonolistz Violina, un Hupfeld Leipzig construit vers 1920, acheté en deux temps dans un café yverdonnois. D’abord les violons, entreposés ensuite dans un dépôt, puis à la fermeture du commerce, le piano. Entre temps, le propriétaire du dépôt avait fait faillite, et les Frères Baud ont eu bien de la peine à récupérer les instruments. L’ensemble a été rénové en 2003, grâce au soutien des Amis du Musée. Des amis précieux, envers lesquels Arlette Baud exprime une grande gratitude.
Charlie Chaplin
Pendant des années, les visiteurs étaient nombreux au Musée de l’Auberson, le plus souvent passionnés et parfois célèbres, comme la poétesse et comédienne Minou Drouet, ou le chef d’orchestre Roberto Benzi, ou encore Charlie Chaplin. Auréolé de succès, le Musée s’est même une fois partiellement délocalisé au Comptoir Suisse en 1981.
L’institution muséale qui attirait entre 30’000 et 40’000 visiteurs par an, a petit à petit vu sa fréquentation se réduire. Même si chaque visite restait un plaisir, comme le souligne la co-directrice, il lui semblait que l’intérêt pour cet art si particulier s’émoussait, au point de tomber sous les 9’000 visiteurs annuels. « Pendant vingt-cinq ans, on est resté statique. Aujourd’hui, je pense qu’il aurait peut-être fallu renouveler la manière de présenter les automates aux visiteurs, pour leur redonner envie de découvrir ces trésors. Le Musée unique aura une nouvelle muséographie, je lui souhaite bon vent ».
Des projets
Arlette Baud aura 80 ans en 2021. Et toujours des projets. Avec Michel Bourgoz, elle devait aller en France, en Allemagne, aux Etats-Unis et au Canada cette année. Tout est tombé à l’eau. Les cousins ont remis leurs voyages à 2021. «Une étape de ces voyages lui tient particulièrement à cœur: « revoir ma fille, installée au Canada ». Les liens familiaux, c’est le fondement de tout: « J’ai toujours été entourée », confie la presque octogénaire. J’ai eu une tellement belle enfance. Mes parents étaient extraordinaires. Ma sœur Marcelle a toujours été mon soutien, quand j’avais le magasin, la pension, puis le musée ». Elle-même ne peut pas imaginer être en froid avec un des siens, et elle a tissé une relation très forte avec ses cinq petits-enfants. Et elle est tout attendrie à l’idée de faire la connaissance de Amadea, la fille de Killian, l’aîné de ses petits-enfants née il y a peu.
Pendant le semi-confinement, Arlette Baud s’est aperçue qu’elle parvenait à occuper son temps sans penser en permanence au musée. A son programme, lectures, promenades, discussions avec les amies, et même un peu de repos. Au 1er janvier 2021, il y aura certes de la nostalgie au moment de tourner la page de l’administration du musée et dans le contexte particulier de 2020 où l’absence de groupes de visiteurs due à la pandémie a plombé les finances du musée. « J’ai réussi à payer toutes les factures, cependant ce sera juste pour la fin de l’année ». Mais tout de suite après, il lui revient en mémoire une phrase que son père avait coutume de prononcer « il y a une solution pour chaque chose ».
« J’ai fait ce que j’aimais pendant 57 ans, mais le jour où la collection déménagera, ce ne sera pas facile ». L’aveu à peine formulé, Arlette Baud positive : « je pourrais toujours aller voir les automates au nouveau musée. « Si ils étaient partis en Chine, cela aurait été bien plus difficile ».
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