Jeudi 7 juillet dernier s’est tenue l’inauguration officielle de la petite centrale hydroélectrique de Vuitebœuf. Sise au pied des gorges de Covatannaz, la turbine n’attend plus que la pluie pour fournir annuellement jusqu’à 2 millions de kilowattheures à quelque 570 ménages, et contribuer ainsi à la diversification des sources d’énergies renouvelables et locales.
C’est au tout début de la Côte de Sainte-Croix (une dizaine de mètres en aval du pont routier enjambant l’Arnon), dans une petite construction accolée à l’ancienne scierie de Vuitebœuf, que se trouve la centrale hydroélectrique inaugurée par Arnon Énergie SA et dont les principaux actionnaires, outre des privés, ne sont autres que Romande Énergie et Estia. Cette dernière, installée au quartier de l’innovation de l’EPFL, est une entreprise active dans les projets de développement durable dans l’environnement construit. Son directeur associé, Manuel Bauer, nourrit le projet de turbiner les eaux de l’Arnon depuis sa rencontre fortuite avec Pierre Philippe Tanner dit « Pippo ». C’est ensemble qu’ils ont réalisé les premières études et construit un débitmètre provisoire pour évaluer le potentiel de la rivière durant les années 2003 à 2005.
Vingt ans plus tard, le projet est arrivé à son terme. « Après un parcours de longue haleine », commente Manuel Bauer. Un passage au Tribunal cantonal avait donné raison aux milieux écologiques qui s’opposaient à la baisse du débit naturel du cours d’eau et à ses conséquences sur la faune piscicole pour un si petit volume de production. Estia avait alors fait recours estimant que les petites installations hydrauliques tout comme le solaire individuel sont importantes. Le Tribunal fédéral s’appuyant sur la stratégie énergétique 2050 avait alors décidé qu’un refus ne devait pas être conditionné à un volume de production.
Il se trouve qu’en ce 7 juillet 2022, si la centrale est bel et bien inaugurée, le débit de l’Arnon n’a pas permis aux officiels et partenaires invités de se faire une idée du bruit du fonctionnement de la turbine, car les installations sont à l’arrêt depuis un mois ; en cause, la sécheresse précoce, le mois de mai 2022 ayant été le plus chaud enregistré depuis 150 ans.
« Nous devons laisser un débit résiduel minimal dans l’Arnon de 50 litres secondes. La turbine peut fonctionner avec une plage de débit allant de 40 à 500 litres seconde. Nous avons donc besoin d’un débit minimum de 90 litres seconde à la prise d’eau pour pouvoir activer la conduite forcée, ce qui n’est malheureusement pas le cas aujourd’hui », explique Lawrence Armstrong, chef de projet chez Romande Énergie. En février, à la mise en service, la turbine a pu fonctionner à son plein régime, mais cela fait maintenant un mois que la rivière est trop basse et que la centrale est à l’arrêt. »
Chaque geste compte
Dans son allocution, Daniel Fries, municipal à Vuitebœuf, déclare : « Cette centrale ne représente que 2 pour mille de la production énergétique vaudoise mais elle est tout de même trente-cinq fois plus productive que les 35 m2 de panneaux solaires installés sur mon toit. Malgré la situation peu idéale et la sécheresse actuelle, nous sommes sur la bonne voie avec ce type d’installation. »
Une idée reprise également par Guillaume Fuchs, Co-directeur Solutions Énergie chez Romande Énergie, qui rappelle que les petites rivières font les grands fleuves. « La petite centrale de Vuitebœuf participe au nécessaire accroissement de notre production d’énergie indigène. Elle est d’ailleurs particulièrement intéressante parce qu’elle répond au besoin critique en énergie durant la période hivernale. » En effet, les études montrent que 58 % de la production annuelle sera réalisée durant les mois d’octobre à mars, un fait notable pour une infrastructure au fil de l’eau et qui s’explique, selon le chef de projet, par la nature karstique du sous-sol jurassien qui, par un jeu de failles et de grottes, fournit davantage d’eau durant les mois d’hiver.
Les promeneurs qui empruntent le sentier des gorges peuvent se rendre sur le site de la prise d’eau à mi-parcours pour y découvrir le travail effectué, ainsi qu’un nouveau panneau didactique renseignant, entre autres, sur la faune et les caractéristiques du paysage local.
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