Enlevée mardi dernier, Mia a été retrouvée dimanche matin en bonne santé en compagnie de sa maman dans les locaux de la Baz à Sainte-Croix. La maman, accusée d'avoir commandité cet enlèvement, a été arrêtée. Les membres du collectif, qui occupe depuis novembre 2019 l’ancienne usine Reuge, assurent qu’ils n’étaient pas au courant de la situation.
« Elles sont arrivées samedi en fin de journée. La fille avait l’air en bonne santé. Elle ne semblait pas sous l’emprise de sa maman. Cette dernière a demandé des stylos pour que sa fille puisse faire des dessins et des bricolages. Mia a joué dehors librement. La fillette ne se montrait pas inquiète de la situation et leur relation paraissait tout à fait normale », explique une membre du collectif à la Baz qui souhaite rester anonyme.
Mia, 8 ans, a été enlevée mardi 13 avril dernier dans les Vosges. Elle était placée par la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) chez sa grand-mère maternelle aux Poulières, un village situé à une trentaine de kilomètres d’Epinal. L’enquête en cours indique que c’est Lola Montemaggi, la maman de Mia, qui aurait planifié l’opération pour récupérer sa fille. Cette dernière n’avait plus le droit de la voir depuis janvier. La jeune femme de 28 ans aurait bénéficié du concours d’au moins cinq complices. Trois d’entre eux se sont présentés au domicile de la grand-mère mardi soir. Se faisant passer pour des éducateurs de la PJJ, ils ont pu emmener Mia sans contrainte. Elle a retrouvé sa mère, qui l’attendait plus loin. Une partie du groupe a ensuite traversé la frontière à pied. Un complice, appelé «Roméo», un ressortissant français habitant en Suisse, a déposé la mère et la fille à Estavayer-le-Lac où elles ont passé la nuit dans un hôtel. Mia et sa maman ont pris le lendemain un taxi pour Neuchâtel où elles ont séjourné chez une femme. C’est cette dernière qui a ensuite amené mère et fille à l'espace culturel autogéré sainte-crix samedi en fin de journée .
Les membres présents surpris de la situation
Dimanche matin, vers 10h30, les forces de police ont débarqué et ont arrêté la maman. « Nous l'avons juste croisée dans la matinée lorsqu'elle est venue prendre un café. Nous avons ensuite été alertés par les cris de la fillette et avons constaté la présence en nombre des forces de l'ordre », explique la membre de l'espace autogéré. L’intervention de la police s’est déroulée à la grande surprise des membres présents. «Nous ne connaissions pas la situation de cette maman et de sa fille. Ces huit derniers jours nous nous sommes affairés à préparer un Free-Shop où l'on retrouvera, notamment, les habits que l’on a récupéré suite à l’arrêt du vestiaire de Sainte-Croix. Nous n’avons pas mis le nez dans les médias et n'avons donc pas pu faire le lien », souligne notre interlocutrice. Aurait-elle protégé Lola si elle avait connu sa situation ? « Je ne sais pas. Je ne peux pas répondre à cette question. En l’occurrence, ce n’est pas cette situation qui s’est présentée », réagit-elle. « Nous les avons accueillies comme on le fait avec d'autres gens. Nous ne sommes pas là pour juger les gens. Nous voulons être solidaires et ouverts avec celles et ceux qui en ressentent le besoin. Nous ne savons pas pourquoi elle est venue ici mais il semblerait qu’elle ait pensé y trouver un endroit sécurisant et accueillant pour elle et sa fille », ajoute-t-elle.
Reste à savoir où elles ont passé la nuit. « Je n’en sais rien. Ce que je peux dire c’est que nous n'autorisons personne à dormir et à habiter ici. C’est l’une des conditions de notre charte et c’est un point que nous observons à la lettre. Le contraire pourrait mettre à mal tous les efforts consentis jusqu’ici pour établir un lien de confiance avec le propriétaire des lieux et les autorités. Nous organisons justement des veilles le plus tard possible et le plus tôt le matin sur le site dans le but de le surveiller », assure-t-elle. Est-ce que la mère et la fille ont passé la nuit dans les environs directs de la Baz ou à la Baz elle-même sans se faire remarquer ? Ou alors ont-elles été hébergées chez une personne du village ? Nous n’en savons pas plus.
En bonne santé
La bonne nouvelle vient du fait que la petite fille a été retrouvée saine et sauve. « Mia est en bonne santé. Un assistant social et une psychologue vont la récupérer en Suisse pour la ramener ensuite chez sa grand-maman », a indiqué en conférence de presse dimanche après-midi François Perain, Procureur de la République française à Nancy. « Ce sont près de deux cents gendarmes qui sont intervenus dans le cadre de cette enquête », a-t-il souligné. Il a tenu à remercier « les autorités suisses de cet investissement hors normes qui a permis la localisation de la fugitive et de sa fille dans un temps très court ». La maman a été mise en examen, comme ses complices, pour « enlèvement de mineur de moins de 15 ans en bande organisée ». Un délit qui est passible, en France, de la réclusion criminelle à perpétuité. C’est le ministère public fribourgeois qui est en charge de l’affaire du côté helvétique. La maman, tout comme Roméo, sont actuellement incarcérés en Suisse. Sous le coup d’un mandat d’arrêt européen, ils devraient être remis aux autorités françaises pour la suite de la procédure judiciaire.
Le propriétaire dans l’attente d’en savoir plus
Les occupants de la Baz semblaient abasourdis dimanche en début d’après-midi. Il faut dire que cette affaire et la « visibilité » qui en découle tombe plutôt mal pour les occupants des lieux. Une situation qui pourrait remettre en question l’avenir de cet endroit. Les membres de l'espace autogéré avaient disparu des radars depuis quelques mois. Ils avaient défrayé la chronique lors de leur arrivée, initialement illégale, dans l’ex-usine Reuge en novembre 2019. Ils ont ensuite alerté les médias lors des tentatives des autorités judiciaires pour les faire quitter la friche industrielle dans le courant du printemps suivant. Depuis, les choses semblent s’être apaisées. Une association a été créée et un contrat de confiance a été signé en début d'année 2021 avec le propriétaire, l’homme d’affaires Jürg Stäubli. « Il prévoit l’organisation d’activités à but social, culturel (musique, arts, etc.) en échange de la mise à disposition gratuite des lieux jusqu’à ce qu’un projet définitif voie le jour, certainement du logement, ce qui prendra encore un certain temps », confirme Raphaël Mahaim, avocat du propriétaire. « Nous découvrons avec effarement, par la presse, que la petite Mia séjournait sur le site de Sainte-Croix. Nous n’en savons pas plus pour l’heure. Nous allons examiner ces prochaines heures et ces prochains jours, sur la base des informations plus précises que nous pourrons récolter, si une poursuite de la collaboration est envisageable et à quelles conditions » précise-t-il.
Cette affaire interpelle évidemment également les autorités locales. «De notre côté, nous aurons un rendez-vous entre la Municipalité et la gendarmerie lundi pour faire un débriefing sur la situation. Fort heureusement, les choses se terminent bien et ceci grâce notamment à la coopération entre les diverses polices. Nous prendrons contact avec le propriétaire pour évaluer la situation et la suite à donner à l'utilisation de ce bâtiment. Au vu de cette affaire, au vu de la situation en général, il nous est difficile d'avoir confiance dans les membres du collectif. Il faut être clairs, sans le fait que ce bâtiment soit occupé de la sorte, nous n'aurions certainement pas vécu cette situation qui reste dramatique. C'est également le genre de publicité que l'on ne souhaite pas pour notre région », réagit quant à lui Cédric Roten, syndic de Sainte-Croix. Affaire à suivre donc.