David Robert a officiellement pris ses fonctions le 1er décembre 2024 comme nouveau directeur général de la société TRAVYS. En fin d’année, il s’est exprimé sur l’impact des changements d’horaires voulus par les CFF sur la ligne Yverdon - Sainte-Croix, et les défis qui attendent la société dans les années à venir.
JSCE. Vous avez rejoint l’entreprise TRAVYS en tant que directeur général, le 1er décembre dernier. Quelles sont vos toutes premières impressions à ce poste ?
J’ai le plaisir d’être arrivé dans un environnement qui est sain, agréable et où j’ai été bien accueilli, aussi bien par la direction que par le personnel et le conseil d’administration. Ce que j’ai découvert durant ces premières semaines, c’est que l’entreprise fonctionne bien, le personnel dans son ensemble est motivé et a beaucoup d’attachement à TRAVYS. L’ancien directeur, Daniel Reymond, est encore présent jusqu’à fin janvier et nous collaborons beaucoup durant cette période.
La fin d’année est propice aux bilans. Pouvez-vous rappeler ce qui a été fait en 2024 par la société TRAVYS en termes de développements en général, et pour améliorer le confort, la sécurité et globalement l’expérience des usagers lorsqu’ils empruntent les transports TRAVYS ?
Il y a deux choses vraiment importantes. La première, qui n’est pas le fait de TRAVYS mais qui a eu une conséquence sur nous, c’est le fameux grand changement d’horaires des CFF. TRAVYS a dû beaucoup travailler durant l’année 2024 pour mettre tout cela en place. C’est maintenant opérationnel depuis le 15 décembre et cela fonctionne bien, donc le travail de planification a été bien fait.
Et la deuxième chose, c’est le lancement des travaux de modernisation de la ligne de chemin de fer Orbe – Chavornay. On parle d’une modernisation des gares, des accès facilités pour les voyageurs, les personnes à mobilité réduite, un lien direct avec le réseau CFF qui va vraiment faciliter les déplacements avec le réseau national. Ces travaux vont permettre à cette ligne, qui était probablement encore un peu désuète par certains aspects, d’entrer dans le chemin de fer d’aujourd’hui.
Depuis le 15 décembre dernier, plusieurs arrêts de la ligne Sainte-Croix – Yverdon ont été supprimés provisoirement afin de s’accorder avec la refonte globale des horaires voulue par les CFF. Quel regard portez-vous sur ces modifications ?
Cela a chamboulé beaucoup d’habitudes pour les gens du Nord vaudois. On a entendu des choses négatives et positives, mais finalement, cela fonctionne bien et je crois que c’est une réussite, même si certains endroits posent encore quelques défis.
Le point positif pour les gens du Balcon du Jura, c’est que les correspondances sont désormais meilleures en gare d’Yverdon pour se rendre vers l’arc lémanique et du côté de Neuchâtel. Les clients de Sainte-Croix qui se rendent à Renens, par exemple, gagnent du temps.
En revanche, le point négatif de ce changement d’horaire, c’est que pour que les temps de parcours du Balcon du Jura vers le Pied du Jura, Lausanne et Neuchâtel restent compétitifs, il a fallu faire des choix. Effectivement, les gares du bas de la ligne, William Barbey, La Brinaz et Valeyres-sous-Montagny, sont moins bien desservies et c’est une ligne de bus qui complète l’offre en semaine, de 6h à 20h, car les trains ne s’y arrêtent plus. Le problème du bus c’est qu’il peut y avoir des embouteillages à l’entrée d’Yverdon, donc il y a des risques de manquer sa correspondance.
Mais ce désagrément est temporaire puisqu’il y a le projet de créer une nouvelle gare de croisement sur la ligne Yverdon – Sainte-Croix, au-dessus de la gare de Six-Fontaines. À cette gare, il ne sera pas possible de descendre ou monter dans le train, mais les convois pourront se croiser et cela permettra de gagner un peu de temps et de desservir à nouveau les gares du bas de la ligne.
Le projet a démarré, et cette nouvelle gare de croisement devrait être créée à l’horizon 2027.
Comment le choix des gares supprimées a-t-il été fait ?
On sait que les haltes du bas de la ligne sont moins fréquentées que d’autres gares de la ligne. Un autre élément, c’est qu’il n’y a pas de correspondance dans ces gares, contrairement à Vuitebœuf ou Baulmes, par exemple, où il y a des bus qui prennent et amènent des voyageurs sur le train.
Cette année 2024 a été marquée par un événement tragique, la prise d’otages dans un train de la ligne Yverdon – Sainte-Croix. Est-ce que cet événement a changé quelque chose en termes de mesures de sécurité chez TRAVYS ?
Je n’étais pas encore dans l’entreprise, mais selon les échos que j’ai eus, l’événement a été bien géré. La gestion de crise chez TRAVYS fonctionne, les renforts ont été mobilisés et les debriefings psychologiques ont été réalisés. Cet événement aurait pu avoir lieu n’importe où ailleurs. Il n’y a pas eu de changement majeur car on considère, et on espère, que c’était un événement unique.
Parlons d’avenir. Quels sont les principaux défis auxquels la société TRAVYS devra faire face en 2025 ?
J’en vois trois. Le premier est déjà présent, et le sera encore plus en 2025, c’est celui de la relève du personnel. Un tiers des employés chez TRAVYS a 50 ans et plus, et il faut déjà songer à pallier leur départ à la retraite. Sans compter le fait que l’offre va encore s’étoffer à l’avenir et qu’il faudra donc plus de personnel. C’est un défi pour les professions du transport public car celles-ci ne sont plus suffisamment attrayantes aujourd’hui auprès des jeunes générations. Il faudra réussir à revaloriser ces métiers et mettre en avant ce qu’on peut offrir.
Le deuxième défi qui sera surtout concentré sur 2025, et un peu 2026, c’est de regrouper nos activités administratives. Actuellement, nous sommes répartis sur plusieurs sites, entre Yverdon et Orbe. La collaboration est bonne mais elle pourrait être encore meilleure, donc l’objectif est de nous regrouper sur deux sites, puis, à un horizon plus lointain, sur un seul site.
Et le troisième défi, c’est de continuer à contribuer au fait que les gens utilisent de plus en plus les transports publics. On sait que les centres urbains sont très engorgés, mais c’est aussi le cas en dehors. Donc on va chercher à continuer à densifier l’offre là où il y a des besoins.
Votre prédécesseur Daniel Reymond a déclaré en octobre dernier à la tribune du Forum Économie Nord vaudois que la ligne du Pied du Jura était « la grande perdante » dans la stratégie des CFF, et que le Nord vaudois était le parent pauvre des transports publics dans ce canton. Est-ce que vous partagez son avis, et si oui, quelle sera votre stratégie pour pallier cela ?
Il a un peu raison et un peu tort. Oui, la ligne du Pied du Jura est perdante, notamment lorsqu’on pense à la disparition des liaisons directes vers Genève aéroport, par exemple. Du point de vue économique, on sait que pour s’installer, les grandes entreprises internationales cherchent systématiquement des liaisons rapides vers un aéroport. Donc c’est quand même très pénalisant pour le Nord vaudois.
Mais là où mon prédécesseur n’a pas tout à fait raison, c’est que les liaisons ferroviaires entre Yverdon et la région lausannoise sont meilleures, plus fréquentes. Donc, là, je pense que c’est un plus.
Les CFF ont eu le même défi que TRAVYS. Il leur a fallu faire des choix et ceux-ci se sont plutôt portés en faveur de l’arc lémanique et des liaisons de cette région vers le Valais et vers Berne plutôt que vers le Pied du Jura. Ce sont des enjeux politiques. Là où Daniel Reymond a raison, c’est qu’il faut se faire entendre. Nous avons un réseau ferroviaire national qui est surchargé en l’état. Cela nécessite du financement, donc il faut être présent et faire entendre les voix. C’est ce que le Nord vaudois doit faire et TRAVYS va y contribuer. Nous ne sommes pas des décideurs politiques, mais nous sommes bien intégrés dans le milieu et nous avons les différents relais. Et tout ce qu’on ne peut pas changer, comme l’horaire des CFF, nous allons nous y adapter au mieux. Mais inévitablement, cela a des coûts. Quand l’horaire change, il faut peut-être plus de dessertes qu’il faut organiser différemment. Tout d’un coup, il y a besoin d’un bus en plus, ce qui implique trois chauffeurs en plus. Donc ça coûte un peu plus cher.
Je ne veux pas être le Calimero. Je vais chercher des solutions, avec mes équipes évidemment, pour que la population du Nord vaudois soit la mieux desservie possible et la plus satisfaite possible des services de TRAVYS.
En tant que nouveau directeur, quelle est votre vision d’avenir pour TRAVYS ?
J’ai fait toute ma carrière dans les transports publics donc j’aimerais apporter les nombreuses connaissances et expériences que j’ai pu avoir jusqu’ici. J’aimerais aussi amener un esprit positif et bienveillant dans l’entreprise. Il y est déjà, je l’ai déjà ressenti, mais j’aimerais poursuivre cela car c’est avec une vision positive et une certaine bienveillance, qu’on fait avancer les choses et qu’on arrive à fédérer les gens. C’est ce que j’aimerais amener au niveau humain.
J’habite à la frontière du Nord vaudois, et c’est une région que j’apprécie beaucoup. J’aimerais qu’elle puisse être desservie de manière uniforme, tout en tenant compte de ses différents territoires, Yverdon, Sainte-Croix, la Vallée de Joux, qui ont leurs propres besoins et leur propre identité… C’est un vœu qui est peut-être ambitieux, mais il faut des objectifs ambitieux pour pouvoir avancer.
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