Remettre un cabinet médical en périphérie, la tâche peut ressembler à une rage de dents. Conscient de la difficulté à trouver un généraliste souhaitant s’établir dans une ville de mi- montagne, le docteur Roland Chevalley publie une annonce en 2016 sur le ForOm NV, plateforme informatique pour la profession médicale. Deux ans après, sans forcer le destin, un binôme prend les rênes du cabinet créé en 1979. Rencontre avec les médecins Laurent Fuzat et Benjamin Deudon.
À l’extérieur, un nouveau panneau « Cabinet médical du Chasseron ». À l’accueil, les visages familiers des assistantes. Elles assurent une transition douce et paisible. Par ailleurs, d’autres éléments relatent une continuité. En effet, le hasard s’est mêlé des arrivées consécutives des trois médecins. De même, ils partagent une passion pour la profession. Elle se lit en filigrane de leur parcours.
Il y a quarante ans, études et stages en chirurgie et pathologie faits, Roland Chevalley s’installe à Sainte-Croix. « Sans vraiment savoir si l’activité d’omnipraticien indépendant allait me convenir, je me suis lancé. Le lendemain, l’âge de la retraite a frappé à la porte », raconte celui qui a vu grandir des générations de Sainte-Crix. Sa recherche d’un repreneur restée sans réponse, il songe à mettre la clef sous le paillasson. « Après avoir acquis les premières expériences, la majorité des jeunes confrères opte pour un poste dans une institution hospitalière ou intègre un cabinet collectif dans un grand centre urbain. Celui qui souhaite arpenter le Jura est l’exception. » Pourtant, en 2018, deux perles rares se présentent.
La relève
D’abord, le docteur Laurent Fuzat. Formé à Grenoble et à Paris, il devient urgentiste. En parallèle, pour nourrir son intérêt pour la médecine traditionnelle, il fait une spécialisation en acupuncture. Sa recherche d’un équilibre entre le côté scientifique et le côté humain le pousse à ouvrir un cabinet de généraliste à Annecy. Son profil holistique le conduit à s’engager dans une permanence à Genève. « Après trois ans au centre d’une cité internationale, j’ai souhaité retrouver la dynamique du médecin de famille », explique-t-il. Pendant ses recherches, il tombe sur l’annonce vieille de deux ans publiée par Roland Chevalley. Il monte à Sainte-Croix avec son collègue Michaël Nabet, pédiatre. Les deux finissent par renforcer le corps médical de la région. Présent depuis janvier 2018, Laurent Fuzat s’est lié d’amitié avec son prédécesseur. D’abord, ils travaillent côte à côte. « D’une certaine façon, je lui ressemble. Tant bien du point de vue rythme de travail que du point de vue approche de notre profession. » En effet, l’ancien souligne que la santé mentale est devenue de plus en plus importante. Le nouveau parle de la dualité physique et spirituelle.
Avec une carrière sur le Balcon du Jura et deux filles habitant à Annecy, l’emploi du temps de Laurent Fuzat nécessite à terme un renfort. C’est alors qu’arrive le docteur Benjamin Deudon. Après son cursus et assistanat à Besançon, le jeune diplômé parcourt les villes et bourgades comme intérimaire. À trois années de remplacements de courte et de moyenne durée succèdent six mois comme médecin de garde à La Réunion. Au retour des tropiques, il assure la relève temporaire d’une doctoresse bulloise en congé de maternité. « D’abord ces expériences m’ont conforté dans mon choix. La variation à laquelle le généraliste est confronté me motive. Puis, les conditions de travail en Suisse qui permettent de se consacrer davantage aux patients m’ont incité à chercher un cabinet en région frontalière. Une collègue fribourgeoise m’a parlé de Sainte-Croix. » Avec une famille installée en Franche-Comté, le pendulaire y trouve chaussure à son pied.
Visions complémentaires et agendas coordonnables, le binôme insuffle un avenir à ce repère de santé : l’ancien cabinet Chevalley. « La transition se fait en douceur. Savoir que Roland reste dans les parages est réconfortant pour nous et pour les patients », conclut Laurent Fuzat.
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